Fiche de présentation

ROUAULT, Georges

né le 27 mai 1871 à Paris, dans une cave, durant les bombardements des Versaillais ; 1885, cours du soir aux Arts décoratifs de Paris ; 1885-1890, apprenti verrier, et restaurateur de vitraux ; 1890, Beaux-Arts de Paris chez Gustave Moreau ; 1893 et 1895, échoue au prix de Rome ; 1898, conservateur du musée Gustave Moreau ; 1901, fréquente à l'abbaye de Liggé et y rencontre Huysmans ; 1904, amitié avec Léon Bloy ; 1908, épouse Marthe Le Sidaner, soeur du peintre ; 1913, Vollard* achète son atelier et l'incite à graver ; 1911, amitié avec Jacques et Raïssa Maritain ; 1932, cesse pratiquement de dater ses oeuvres ; 1948, après un procès avec Vollard, il détruit 315 oeuvres de crainte de ne pouvoir les achever avant de mourir ; 1958, meurt le 13 février à Paris.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Graveur - Peintre

Présentation : Le seul français véritablement expressionniste* et original, pouvant affronter (et probablement dominer), les grands nordiques qu'il précède, dès 1903. Avant cette année-là, il penche vers son maître Gustave Moreau, Christ mort pleuré par les saintes femmes, (1895, MPSG) et Coriolan se découvrant devant Tullius, (1894, Ensba) ; on y reconnaît le flou des paysages d'arrière-plan ; c'est l'époque de l'apprentissage. Patinoire, (1892, MNAM), tranche par son trait souple et ses couleurs rose et blancs. Puis, à l'instar de son ami Léon Bloy, il passe à une peinture religieuse d'une violence non contenue. Car toute son oeuvre, même celle de sujet profane, est religieuse. Il montre le mal jusque dans la figure outragée du Christ et lorsqu'il satirise l'humanité des clowns, des filles, des juges, des bourgeois repus et satisfaits et des pauvres faméliques. Ses toiles ou ses papiers fuligineux semblent noircies par la flamme des cierges de quelque cathédrale obscure. La transparence brouillée de la couleur est le fruit de sédimentations dans lesquelles le noir tient une grande place soit qu'il soit présent dans toutes les autres couleurs et altère sa dominante bleue, soit qu'il les balafre de traits cassés, soit qu'il les ombre, soit enfin et surtout, qu'il cerne ses figures comme le plomb cerne le verre dans les vitraux, 'Christ aux outrages', (1904-1909), il anticipe les fauves*. Jusqu'en 1914, il use par prédilection de l'aquarelle et de la gouache rehaussées d'encre et de pastel, qu'il laisse couler, pour montrer des filles de joie, A Tabarin, (1905, MAMVP) et jusq'à Pierrot, (1937, MAMVP), passant par Au miroir, (1906, MAMVP), des clowns, Clown, (1912, MoMA), puis lorsqu'il aura commencé à fréquenter auprès des tribunaux, des magistrats, Les Juges, (1908, SMKK) révélant son admiraton pour Daumier et Forain, Portrait de Mr X, (1911, BAAG), en pleine sudation d'un psychisme tortueux, et le visage du Marocain, (1913, JD), qui remplit toute la toile. Dans sa gamme dominent toujours les bleus profonds, ceux du Picasso* et de sa période bleue justement; son graphisme reste fougueux, zébré de traits, sa construction marque peu de perspective, les juges sont alignés frontalement dans la partie haute de la toile, les prévenus, de profil, dans la partie basse. Frisant la  caricature, Le Ramoneuur,  (1917),tout n courbes épisses.À compter de 1918, il privilégie l'huile, abordée depuis 1914; ses couleurs sont cernées de traits noirs épais, comme le zinc des vitraux ou le cuivre des émaux et son graphisme est devenu d'un hiératisme, triste, dramatique. C'est le sommet des Christ. Le sarcasme l'a cédé à la sérénité faite d'un nez en poteau et d'une bouche droite. De 1940 à 1948, les formats diminuent, le bleu reste prédominant, le trait est pacifié, la matière faite d'huiles épaissit. Il continue à développer ses thèmes, en format réduits, sans perspective, dans un espace ou rien ne vient distraire le regard, mais en assurant la profondeur par les oppositions des couleurs qu'il accumule pendant les dix dernières années au point d'y apporter du relief. Généralement le sujet est unique, la tête plus grande que nature; souvent de petits personnages accroissent ce très gros plan par le contraste de l'échelle. Le vert, le jaune, le rouge dominent, enchâssés dans le noir. Brochant tout son oeuvre, il y a les paysages qui suivent la même éolution, de la manière du XIXe siècle à la sérénité, en passant par la démesure. Fréquemment, ils sont le lieu d'une scène religieuse, avec un chemin s'enfonçant dans les terres et un soleil circonscrit, comme les autres formes, par le trait noir. Il est ussi céramiste, cartonnier, verrier et dessinateur d'émaux.
Le graveur : A compter de 1917, il consacre une grande partie de son temps à la gravure, notamment pour Miserere, (1922-1927, MAMVP), 58 aquatintes ; Réincarnation du père Ubu, (1925-1940, MAMVP), 22 eaux-fortes en couleur ; Les Fleurs du mal, (1926-1927, fondation Rouault), 14 planches ; Cirque de l'étoile filante, (1934, MAMVP), 17 eaux-fortes. Il peint aussi des des bouquets de fleurs et des paysage, notamment de 1905 à 1919, dans lesquels se situent plus tard, des scènes bibliques.
Le procès Vollard : En 1946, il assigne les héritiers de Vollard pour leur interdire la vente de 800 toiles inachevées et non signées, retrouvées dans un atelier que Vollard avait mis à sa dispositon. En 1947, le tribunal lui donne gain de cause estimant que tant qu'une oeuvre n'est pas terminée ni livrée, l'artiste en reste propriétaire. " Elle se détache comme un fruit de l'arbre lorsqu'il la signe ou témoigne de quelque manière que ce soit, de savolonté. " Le " repentir " ne peut donc s'exercer qu'auparavant. Des 770 toiles acquises en 1913, 119 manquent à l'appel et sur les 681 restant, Rouault en brûle 315, en présence d'un huissier.

Expositions : 1895, Salon des Artistes français, Paris;  1910, Druet, Paris.

Rétrospective : 1924, Druet, Paris ; 1945, musée d'Art moderne, New York ; 1948, Kunsthaus, Zurich et Biennale de Venise ; 152, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, Stedelijk Museum, Amsterdam, Musée national d'art moderne, Paris ; 1953, musée de Cleveland et musée d'Art moderne de New York ; musée de Tokyo; 1954, musée d'Art moderne, Milan ; 1992, centre Pompidou, Paris ; 2006, musée d'art moderne et contemporain, Strasbourg.

Musées : Musée national d'art moderne, Paris, donation de Mme Georges Rouault en1963. Fondation Rouault, Paris. musée Idemitsu, Tokyo, 400 numéros.

Lieux publics : 1945, vitraux, église du plateau d'Assy.

Citation(s) : Il a dit :
- Cette voiture de nomades arrêtée sur la route, le vieux cheval étique qui paît l'herbe maigre, le vieux pitre assis au coin de sa roulotte en train de repriser son habit brillant et bariolé, ce contraste de choses brillantes, scintillantes, faites pour amuser et cette vie d'une tristesse infinie si on la voit d'un peu haut... Puis j'ai amplifié tout cela. J'ai vu clairement que le pitre c'était moi, c'était nous... presque nous tous... Cet habit riche et pailleté c'est la vie qui nous le donne, nous sommes tous des pitres plus ou moins, nous portons tous un habit pailleté mais si l'on nous surprend comme j'ai surpris le vieux pitre, oh! alors qui osera dire qu'il n'est pas pris jusqu'au fond des entrailles par une incommensurable pitié. [...] L'homme que j'ai devant moi, c'est son âme que je veux voir... et plus il est grand et plus on le glorifie humainement et plus je crains pour son âme. [...] Au fond des yeux de la créature la plus hostile, ingrate ou impure, Jésus demeure.
On a dit :
-  Vous êtes attiré par le laid, exclusivement. (Léon Bloy, 1er mai 1907.
-  Je perds mon temps à regarder des Rouault : il est plus utile pour moi de regarder les pavés de la rue. (Fernand Léger).
- Ces filles et ces clowns, ces chairs monstrueuses et misérables, captées en les accords sourds et les précieuses transparences d la plus complexe matière, c'est la blessure du péché, c'est la tristesse de la nature déchue, pénétrée par un regard sans connivence et un art qui ne plie pas. Ainsi cet art pathétique a une signification profondément religieuse. Car la qualité religieuse d'une oeuvre d'art ne dépend pas de son sujet mais de son esprit. (Jacques Maritain).