Fiche de présentation

BALTHUS ( Balthazar Klossowski, pseudo comte de Rola, dit )

né le 29 février 1908 à Paris, France fils du peintre et critique Erich Klossowski et de Baladine Klossowska*, frère cadet de Pierre Klossowski*; autodidacte; 1922, vit à Berlin chez Eugène Spiro*; 1924, regagne Paris ; 1930-1932, service militaire au Maroc ; 1937, 1925, copie Poussin au Louvre ; 1927, voyage en Italie et découvre Piero della Francesca et Masacciob; prend pour modèle Frédérique, fille de sa belle-soeur Denise Klossowski ; épouse Antoinette de Watteville; 1939-1941, mobilisé aux armées ; 1941-1945, vit en Suisse ; 1946, regagne Paris ; 1946-1953, vit avec Laurence Bataile et en fait son modèle ; ca.1948, se décerne le titre de comte de Rola et réussit à le rendre usuel ; 1953-1961, s'installe dans le Morvan ; 1961-1977, directeur, nommé par Malraux, de la Villa Médicis* à Rome ; 1962, prend Setsuko* pour modèle ; 1967, divorce pour l'épouser ; 1976, s'installe à Rossinière, Vaud, Suisse ; fin des années 1990, perd progressivement la vue ; 2001, meurt à Rossinière, le 18 février; est inhumé dans le terrain de la Fondation Balthus à Rossinière.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Décorateur - Peintre

Présentation : La découverte de Piero della Francesca n'a lieu qu'en 1927 in situ (il est secret sur sa vie au point de ne pas publier de biographie dans l'épais catalogue de la rétrospective parisienne de 1984), mais il en est déjà imbibé dans un de ses premiers tableaux, Les Premières Communiantes,  (1925, Tate). Un portrait mondain, Hedwige Muller, (1928),  indique qu'il prend ses distances avec les conventions du genre. Ce n'est pas un peintre qui peint "bien"; il n'est pas anatomiste, ses personnages - et ses chats - sont souvent contrefaits, têtes énormes et jambes trop courtes ; il n'hésite pas à user de repeints plus que de repentirs, et on note des visages barbouillés de taches maladroites. "Balthus a commencé à Courbet et n'est jamais allé plus loin", dit Picasso*. Parce que Gothéron, (1943) est peint à la manière des paysages du XIXe, que La Jeune Fille endormie, (1943, Tate) rappelle Courbet, sa grande admiration, que Le Goûter, (1940) fait penser aux natures mortes hollandaises du XVIIIe, que le Panier de cerises, (1961) rappelle la Renaissance italienne.
Il y a un autre Balthus, le maître du temps immobile et l'historiographe des petites filles à peine nubiles et déjà perverses, dans la torpeur des intérieurs clos. Le temps, il l'arrête en 1929 ; il adopte les poses alanguies, acrobatiques ou hiératiques, assoupissements ou rêves, gestes interrompus, regards vagues au miroir tendu, hasard invoqué des jeux de cartes, décors vides ou rehaussés de quelque objet symbolique devant les motifs répétés du papier peint. Pour La Rue, (1929 et 1933, MoMA) il accepte de revoir, à la demande de l'acheteur, un geste osé d'un personnage, Le Passage du commerce Saint-André, (1954) illustrent cette atmosphère intemporelle, avec ses personnages étrangers les uns aux autres, aux gestes immobles. La Sainte Vierge(1933, MNAM), visiblement inspiré de La Coiffure, (1905) de Picasso, et surtout La Leçon de guitare, (1934) inaugurent l'évocation des femmes prépubères, un rien exhibitionnistes, un rien lesbiennes, s'adonnant au songe et au plaisir solitaire, Alice, (1959) ou Nu au repos, (1977). Cet éloge de la perversité est dit avec une grande économie de moyens : la scène est nue. Il est un janséniste sensuel, tandis que son aîné Delvaux* a besoin d'un décor baroque et de beaucoup d'anachronisme pour célébrer, dans un même arrêt du temps, un érotisme moins solitaire. La facture est précise jusqu'en 1943, et les tons soutenus jusqu'en 1956.  Marie-Laure, vicomtesse de Noailles, (1936) comme Miro et sa fille Dolorès, (1938, MoMA) regardent le spectateur d'un regard vide, dans un décor vide, monacal pour Marie-Laure de Noailles*, accusant le contraste avec les décors fastueux de son existence; H.M. le roi des chats, (1935), autoportrait; André Derain, (1936, MoMA) est statufié en commandeur, dans sa robe de chambre, masque romain, absent aux contingences. De 1934 à 1937, il réalise une vingtaine de portraits de la famille Mauron, (voir Cassandre*). Plus tard, la palette descend dun ton, perd de sa chaleur; la matière se refroidit, devient mate, le trait moins ferme; il ne recourt plus guère qu'aux couleurs faibles et sourdes; la toile est parfois "surexposée", mais le plus souvent, elle est baignée d'une lumière vaporeuse ou chargée de poussière, Le Peintre et son modèle, (1980-1981, MNAM). Quand d'aventure il force les teintes, Le Fruit d'or, (1956) ou Nu assoupi, (1980), quelque chose du sortilège s'échappe. Ses admirations se reconnaissent par les clins 'oeil qui friseraient le pastiche s'ils n'étaient celés, perdus dans l'ensemble de l'oeuvre : c'est le quattrocento auquel il est le plus sensible, Piero della Francesco, on l'a dit, ou Giotto pour la forme, la pâte et la couleur avec sa matité de fresque. Quant aux paysages, il n'y en a guère qui soit balthusien, sauf Larchant, (1939), le second en date après Paysage provençal, (1925, MAMT), tout en horizontales marquées par la tour d'une église et par le silence et l'absence des grandes étendues. Pour le reste, les oeuvres de 1955 à 1960 ne dégagent pas les mêmes fluides que la peinture d'intérieur; il y pratique souvent l'"inachèvement" cézannien, ces solutions de continuité partielles dans les fonds, avec des traits simplement ébauchés. La célébrité lui vient, surtout en Amérique; il cède alors parfois à des oeuvres de commande, quelque peu édulcorées, Baronne Alain de Rotschild' (1958), ou de série, Chat au miroir, (1989-1994), aux couleurs relevées ou à des répétitions; quant aux nus de l 'époque, ils sont plus implicites, encore que Le Lever, (1955) reprenne la pose des jambes ouvertes sur un pubis glabre; tout est plus affecté et tranche avec la rigueur de ses oeuvres des années 1930-1950. De temps à autre, une grande oeuvre apparaît comme Le Peintre et son modèle, (1980-1981, MNAM). Sa technique tient du glacis; sur un mélange de plâtre et de caséine, qu'il enduit d'huile, il applique les pigments des couleurs. Quant aux années de débuts, après les dessins de Mitsou, (cfr. infra), c'est vers 1920, qu'il se met à l'huile dans un style proche de celui de Bonnard* ou de Seurat, Les Quais, (1922). On peut apercevoir déja quelque penchant pour la raideur altière dans La Communiante, (1925) et le goût de l'image arrêtée du passant en représentation, Place de l'Odéon, ou Le Pont Neuf, (1928). Ils annoncent La Rue de 1929. Il publie, avec une préface de Rilke, Mitsou,il (1921), quarante images : il a treize ans. En 1933, il illustre Les Hauts de Hurlevent, son livre fétiche.
Il est aussi décorateur de théâtre, six pièces, entre 1934 et 1960. A 14 ans, il crée un décor de théâtre pour une pièce chinoise à Munich ; en 1934 pour Comme il vous plaira de Jules Supervielle ; en 1935, pour Les Cenci d'Antonin Artaud; en 1948, pour L'Etat de siège de Camus.
Restent les dessins, considérés par lui comme secondaires qu'il ne vend pas avant les années 1960 ; ceux antérieurs qui circulent, auraient été dérobés par son fils Stanislas.
 Et sa dernière toile, inachevée, La Gare de Rossinière, (1995), deux masses montagneuses et une verticale d'arbre, constitue et un témoignage et une abstraction* accomplie. Il est aussi accidentellement sculpteur de personnages chinois, (ca. 1923-1924, JV), taillés dans le bois, habillés de tissus, angulaires comme le visage même de leur auteur.
Quand la vue se perd, il use de polaroids durant la décennie et l'on voit les érotiques d"Anna suivre a progression en âge.
L'oeuvre compte 1846 numéros jusqu'à fin 1998. Jusqu'en 1983, il peint 235 toiles et durant sa direction de la Villa Médicis, trois seulement. Sa lenteur est extrême et un tableau lui prend parfois un an, d'autre lui demande dix ans pour se trouver terminé. Il lui est arrivé d'authentifier des faux.

Expositions : 1924, Druet, Paris, (G) ; 1934, Pierre, Paris, (P) ; 1938, Pierre Matisse, New York, (P) ; 1956, Museum of Modern Art New York, (P) ; 1993, Musée cantonnal, Lausanne ; 2002, Plazzo Grassi, Venise ; 2015, Gagossian, Paris, (P).

Rétrospective : 1966, Musée des arts décoratifs, Paris ; 1968, Casino communal, Knokke-le-Zoute ; 1968,Tate, Londres ; 1978, Musée Cantini, Marseille ; 1983, Musée national d'art moderne, Paris; 1984, Metropolitan Museum, New-York ; 2008, Fondation Giannada, Martigny.

Musées : Fondation Balthus, Rossinière, Suisse.

Citation(s) : Il a dit :
-Je prie avant chaque tableau. (....) Prier est une manière de sortir de moi. Je ne suis pas Dieu mais je fais probablement partie de lui et lorsque je prie je tente d'atteindre lalumière, un niveau plus élevé.
-La peinture est un langage que nul ne peut remplacer par un autre langage. Je ne peux peindre que quand la lumière est presqu'immobile, ce qui ne dure guère.-La peinture est un langage que nul ne peut remplacer par un autrelangage. Je ne peux peindre que quand la lumière est presque immobile, ce qui ne dure guère. On dit  "Courbet réaliste, c'est absurde. Des peintres occidentaux, il est, avec les Siennois et Breughel, des très rares qui rejoignent les Chinois. Tous ont en comun la même conception qui ne tend pas à la représentation mais à l'identification.-J'arrive à peindre,. Ce qui me manque le plus, c'est de dessiner . J'étais un très bon dessinateur, maintenant je n'y arrive plus. Ca me rend très inquiet pour l'avenir." (..en 1993). "Courbet réaliste, c'est absurde. Des peintres occidentaux, il est avec les Siennois et Breughel, des très rares qui rejoignent les Chinois. Tous ont en commun la même conception qui ne tend pas à la représentation mais à l'identification".
On a dit :
-Le nu auquel je pense a quelque chose de sec, de dur, d'exactement rempli et de cruel aussi, il faut le dire. Il invite à l'amour mais ne dissimule pas ses dangers. Quant à la poésie, elle entre dans la peinture de Balthus par une toile intitulée , où le corps jeune et amoureux d'une femme s'impose comme un songe dans une peinture qui a le réalisme de L'Atelier de Courbet (Antonin Artaud).
-J'ai vu les Balthus à Paris, mais cela ne vaut rien. (Francis Bacon, 1947.-Je ne comprends rien à la peinture, mais je trouve ça beau et extraordinaire. (Pierre Bonnard)
-Le style d'un peintre n'est rien d'auitre qu'une certaine manière de conjuguer le naturel et l'impossible, de présenter ce qui devient toujoiurs, et de le;préenter dans un instant qui n'en finit jamais. (Albert Camus)
.-Balthus a quelque chose à dire (ses toiles préoccupent). Je crois qu'il arrivera à le dire très bien. Il avait commencé par des toiles admirables. (Jean Paulhan, 1974).
-Peintre de la lenteur, de maturations secrètes et profondes. (Pierre-Jean Jouve).
-Le pinceau agréablement conteur de mon jeune amiqui, sans faire de bonds s'avance d'une image à l'autrecomme ferait la parole heureuse de celui quisuarait, entre ses souvenirs et ses inventions, naïement choisir le trait siginficatif et essentielqui entretient al continuité. (Rainer Maria Rilke à propos de Mitsou).
 -Le jeune Balthus est ce qu'il a été depuis le début, un véritable artiste, un peintre de talent, peut-être un génie. (Rainer Maria Rilke).

Bibliographie(s) : Jean Clair et Virginie Monnier, catalogue raisonné de l'oeuvre complet, Gallimard (1999).