Fiche de présentation

ERRÓ, ( Gudmundur Gudmundsson, it )

né le 19 juillet 1932 à Olafsvik, Islande ; enfant naturel du peintre Guomundur Einarsson ; 1947, cours du soir aux Beaux-arts de Reykjavik ; 1949-1951, Beaux-arts, Reykjavik ; 1951, y enseigne ; 1952-1954, Beaux-arts d'Oslo ; 1953-1967, adopte le pseudonyme de Ferro, à la suite de l'éblouissement ressenti à la vue de Castel del Ferro en Andalousie ; 1955-1958, Beaux-Arts, Florence ; 1958, s'installe à Paris ; rencontre des peintres de la Figuration Narrative* ; 1960-1967, un long procès l'oppose à un peintre de mer, un certain Gabriel Ferraud, pour usurpation de patronyme ;  1963, séjourne à New York ; 1963-1965, participe à des actions*, notamment contre la guerre du Vietnam; 1967, adopte le pseudonyme d'Erró ; vit à Paris, Bangkok et Frormentera.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Il commence par une manière surréaliste*, peuplée de squelettes, de mécanique et d'anatomique et de végétal. À compter de 1958, il accumule des documents illustrés, les classe par thème, en tire collages*, d'abord dans la tradition du genre, MecaMake-Up, (1958), ou Moteur ionique, (1962), quand il reprend textes et images de L'Usine Nouvelle, (1959-1963), appliquées sur fond blanc.
A compter de 1964, toutes ses peintures sont précédées d'un collage, Bangkok, (1974, (Val.) ou Vive la Révolution, (2000),  mais les collages ne sont pas tous des esquisses de tableaux ; ceux-ci peints à la glycérophtalique, -peinture industrielle de l'automobile- sont projetés sur toile par épiscope. Avec de rares exceptions Moteur à explosion, (1961, MNAM), dont les circuits complexes sont remplis d'yeux ou de cellules corporelles. Peintre après collage, il est relativement simple de 1962 à 1997, Big Fox, (1962) ; il détourne des tableaux de primitifs flamands, Statingrad, (1962), écrasant sous le feu des blindés une déposition de croix de Van der Weyden ; série d'American Interior, (1968, LFK), La Concubine de Lénine, (1973), sa statue étend le bras sur une femme nue de Boucher, ou Louis XIV, (1978), sous les traits de De Gaulle, sont des chefs-d'oeuvre d'humour.
Sa peinture, issue du pop*, est classée parmi les tenants de la Figuration narrative*. Il ramène dans ses filets, au sens figuré, mais aussi au sens propre, Detailscap, (1985), toutes les images du monde; il colle à son époque qui agresse par la télévision, le cinéma, la vidéo* et la publicité pour la consommation, jusqu'à la nausée. Son inspiration lui vient de la B.D*, de la science-fiction, de la politique, d'autres peintres classiques ou modernes, et quand il les rassemble sous une résille ondulante, on sent qu'il pêche, En 1958, ses premières toiles relèvent du dessin publicitaire, Le Pétrole, (1950, MNAM.) vaste fresque historico-sarcastique de l'or oir, ou Moteur à explosion, (1961, MNAM.), déroulant un circuit souterrain de métro imaginaire dont les sections sont peuplées de formes dotées d'yeux. L'accumulation est érigée en règle de composition : de bord à bord, les gens et les choses se pessent comme dans le Rhinocéros de Ionesco ; c'est ici, en deux dimensions, ce qu'Arman* a fait en trois; c'est soit du collage, soit de la transcription à l'huile. La nourriture surabonde, comme chez Jordaens, mais il n'y a pas de commensal, Foodscape, (1963 et 1964, MMS). Il passe, naturellement, aux autres surproductions, soit qu'il rappelle ce qu'elles étaient dans les galeries privées du XVIIe siècle, The Background of Pollock, (1967, FNAC), soit qu'il évoque les trente glorieuses, par les voitures, Renaultscape, (1984), Art & Industryscape, (1984), Motorscape R5, (1984), ou les avions, Planescape, (1970, KMB.). Les "scapes" continuent jusqu'en 1984. Ses portraits emblématiques sont à peine moins chargés, Stravinsky, (1974, MNAM.) ou Otto Dix, (1992, RAM.). Dans son grand réalisme d'images spatiales, il insère habilement des personnages de toiles célèbres de Boucher, d'Ingres ou de Delacroix se retrouvant confrontés à des cosonautes; ainsi, on assiste à une confrontation de styles et de sensibilités : la froideur de la science interstellaire dialoguant avec la sensualité de nus des XVIIIe ou XIXe siècles ; clin d'oeil culturel pour une relecture de chefs-d'oeuvre détrônés, sans êre défigurés. Son graphisme est retenu, le trait est simplifié, la mise en page séquentielle, The Spanish Comicscape, (1982, FMSP.), ou cinématographique, avec ses plans, ses plongées et contre-plongées. Fishscape, (1974), vol de parachutistes sur un monde grouillant de pêche miraculeuse, tapis d'oiseaux venus de "l'Exode", attaqué par quelque prédateur, Birdscape, (1979). Il est un imagier de bande dessinée et de science-fiction, qui ne travaillerait pas en séquence mais mêlerai dans une grande agitation de l'esprit tous les épisodes, jusqu'à les confondre. Son oeuvre la plus énorme, 13,20 x 2,86 m, Sciencefiction Scape, (1992, RAM.), est exemplaire de ce grouillement. Il mélange héros de B.D*, de manga*, de science-ficton et de Disney*, (2003-2004). Emergent de l'accumulation, des visages Tribunal de jokers, (2003), Daumier n'est pas loin, ou La Poupée de Mozart, (2005), poupée en porcelaine. L'anecdote politique revêt une démarche franchement satiriqu, avec son trait caricatural, la couleur élémentaire et le sujet traité par association d'idées manichéenne, Brejnev de Russie, (1977) ou Maggy et les Malouines, (1982, Göteborg Museum). Une toile mémorial, Picasso à Antibes, (1983, MPA), reprenant en graphisme les oeuvres du musée d'Antibes, avec, en premier plan, des portraits de Picasso de la jeunesse à la maturité; le tout articulé autour d'une fenêtre ouverte sur Antibes. De 1981 à 1994, lorsqu'il s'adonne à l'aquarelle, c'est pour se cantonner à la ligne dépouillée de l'affichiste, du dessinateur de B.D*, avec moins d'amalgames, voire avec des dispositions en casiers et les allusions ont surtout trait à Léger*. Il exerce ses sarcasmes à l'égard du pop* américain, Pop's History, (1967) et Aaron Copland, (1978). Il est aussi l'auteur de toiles inusuelles, apparaissant de temps à autre, In Front of New York, (1974, FNAC.), ou Mao à San Marco, (MNAM).
Nombre de ses tableaux (depuis 1980 tout au moins) sont réalisés par une équipe de peintres de Bangkok à qui il adresse un collage servant d'esquisse, pour une oeuvre à la laque sur toile vinyl.

Expositions : 1955, Santa Trinita, Florence, (P) ; 1957, Salon des Surindépendants, Paris, et Maison des artistes, Reykjavik, (P) ; 1963, Saint-Germain-des-Prés, Paris, (P) ; 1987, 1997, Montenay, Paris, (P) ; 2010, Centre Pompidou, Paris, pour les collages et  Louis Carré pour les peintures glycérophtaliques, (P).

Rétrospective : 1985, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1999, Jeu de Paume, Paris ; 2001, Reyjkavik Art Museum à Hafnbarhusid.

Musées : Musée national d'Art moderne, Paris, de très nombreux collages.

Lieux publics : 1982, Pignon peint, 12, bd Jean-Moulin, Angoulême ; 1988, mairie de Lille ; 1990, cité des Sciences et de l'Industrie, Paris ; 1997, décor mural su panneaux de bois, 63 musiciens, Musicscape, (18 x 2,35 m), auditorium des Halles, Paris; 1998, station Oriente, du metro, Lisbonne.

Citation(s) : On a dit :
-Sa peinture est un recyclage permanent de toutes les images du monde. (Alain Jouffroy).

Bibliographie(s) : Erro, Catalogue raisonné, 4 vol. Le Chêne, Paris, 1976, et Hazan, Paris, 1974-2006.