Fiche de présentation

SOUTTER, Louis

né le 4 juin 1871 à Moges, Vaud, Suisse ; fils de Marie-Céline Jeanneret, cousine germaine du père de Le Corbusier*; 1890, commence des études d'ingénieur, puis d'architecte, de musique enfin, à Bruxelles, avec Eugène Ysaye ; 1895, suit des cours de peinture à Lausanne et Genève puis à Paris dans divers ateliers de peintres pompiers ; 1897, épouse une camarade américaine rencontrée chez Ysaye, part avec elle pour Colorado Springs, où il ouvre une académie ; directeur des Beaux-Arts de Colorado College ; 1902, revient en Europe complètement et mystérieusement délabré, ne peut subvenir à ses besoins et se trouve à la charge de sa famille ;  1906, Clinique Sonnefend, Spies ; 1907-1915, violoniste dans différents orchestres, en est exclu, ne parvenant pas à s'intégrer à la discipline de groupe ; 1910-1923, arrête de dessiner ; 1923, sa famille le place à l'Asile du Jura de Ballaigues ; il recommence à dessiner à un rythme enfiévré ; 1927, est découvert par Le Corbusier ; 1936, sa vue baissant et l'arthritisme l'atteignant, il change de technique ; 1942, meurt le 20 février à Ballaigues ; y est enterré, mais sa tombe désaffectée disparaît.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Dessinateur - Peintre

Présentation : Sa production tumultueuse et fébrile commence avec son placement à l'Asile du Jura. On distingue trois périodes, dont les deux premières sont assez arbitrairement séparées.
Période dite des cahiers, ou du secret imaginaire (1923-1930) :
Il emploie des cahiers d'écolier qu'il remplit, souvent recto verso, de dessins marqués par la verticalité des personnages ou des figures et leur composition à l'aide de traits entrecroisés qui, plus ou moins denses, créent le jeu de la lumière; ces hachures modulées ressemblent aux traits d'un graveur et sont réalisées à la plume ou au crayon. Il a ainsi produit quelque 2 000 dessins. Diae, (1923, ou un Faune, (1923), et Mortels magnanimes, (1925) à la plume et encre de Chine ont toute la finesse d'une gfravure
Période, de 1930 à 1937, indûment dite " maniériste " :
Rebaptisée " des Sans Dieu ", elle ne se distingue guère de la première que par le format agrandi dont il use, et par le remplacement du crayon par l'encre de Chine. Il dessine de nombreuses femmes possessives et des monstres comme Le Prince des ténèbres, grimaçant, entouré de menus motifs décoratifs quand il ne s'agit pas de personnages enchevêtrés. Lutte avec le démon, (1930), deux couleurs à la gouache, opposées, séparées par une tache, suggèrent de manière parlante un combat.  Sa prouesse technique lui permet de dessiner de la main droite comme de la main gauche et il parvient à tracer des pages d'écriture inversée, de droite à gauche. Durant cette période, il illustre 17 livres imprimés, investissant leur moindre espace blanc pour les enluminer. De ces années datent aussi des oeuvres à la manière de maîtres anciens, ce qui suffit à l'exclure de la définition de l'artiste d'art brut*.
Peinture au doigt, 1936-1941 :
Sa vue ayant baissé, il est contraint de changer brutalement de technique et de peindre au doigt imbibé d'encre de Chine. Production la plus caractéristique que l'on rapproche des ombres chinoises du cinéma muet qu'il aurait vues lorsqu'il le sonorisait comme violoniste. Elle fait surtout penser à l'art graphique africain contemporain qui ébauche des silhouettes filiformes, déhanchées, en plein mouvement, élongées de verticalité, apportant par leur sobriété même, et leur sujet, calvaire, porteur de cadavres, etc., un sentiment tragique qui rappelle parfois celui de Rouault* dans ses crucifixions ou ses têtes de Christ.
Débuts :
Dessinateur précis, Portrait de Beethoven, (1894, Mus. archéologique, Liège), fouillé comme par le burin, auteur de quelques aquarelles, travaillant sporadiquement jusqu'en 1910.
On estime son travail à 12,000 dessins dont il ne subsiste que le quart.

Expositions : 1935, Wadsworth Atheneum, Hartford, Connecticut ; 1937, Vallotton, Lausanne, (P)  ; 2012, La Maison rouge, Paris, (P).

Rétrospective : 1943, Guilde du Livre, Lausanne ; 1961, Musée des Beaux-Arts, Lausanne; 1976, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1987, Musée Cantini, Marseille ; 1989, Fondation Giannada, Martigny ; 1990, Musée des Beaux-Arts, Troyes; 1998, Centre culturel suisse, Paris ; 2003, Musée de la Riponne, Lausanne.

Citation(s) : On a dit :
- Les docteurs de la culture sont heureux d'avoir un peude renouvellement, un peu d'émancipation des normes, mais pas trop.Avec Soutter c'est déjà trop. (...) Ils vont évidemment réprouver les excès, le déclarer morbide, psychopathe, (...) il  va être disquélifié ppur excès d'a-normalité.     (Dubuffet, 1970).
-  Je ne l'ai découvert qu'en 1927. [...] Je fus ébloui par son travail immense, intense, obsédant et obsédé. J'ai voulu faire connaître ses dessins à Paris. Le vieux Basler déclara : " Cela vaut du Rembrandt ." Quant aux autres marchands, ils dirent : " Cet homme-là ne sait pas dessiner ." [...] Je reste frappé des forces profondes qui sont en lui. Médium ou conscient, il n'en reste pas moins que son oeuvre dessinée est émouvante à un degré que l'on mesure peut-être mal. (Le Corbusier).
- Ouvreur de modernité.    (Arnulf Rainer).