Fiche de présentation

KOKOSCHKA, Oskar

né le 1er mars 1886 à Pöchlarn, Autriche ; 1905-1906, Arts décoratifs de Vienne ; 1909-1911, ses pièces de théâtre et ses premières peintures le font considérer comme un danger public et - déjà - comme un artiste "dégénéré"*; 1911, s'associe à la Nouvelle Sécession*; 1912-1914, rencontre Alma Mahler, veuve de Gustav ; 1914, s'engage dans l'armée autrichienne ; 1915, blessé à la tête ; 1916, officier de liaison sur le front de Slovénie, puis réformé ; 1917-1924 : se mêle à la vie politique, intellectuelle, artistique de Dresde et donne des signes de dérèglement mental ; se fait confectionner une poupée grandeur nature aux traits d'Alma Mahler qui l'a quitté, ce mannequin lui servant de modèle pour sa série de La Femme en bleu ; 1920-1924, enseigne à l'académie de Dresde;  1924-1937, vit à Paris ; 1937, 417 de ses toiles sont confisquées par les nazis dont neuf figurent à l'exposition de l'Art dégénéré* à Munich; 1938, gagne Londres, fuyant la progression nazie ; 1947, naturalisé britannique ; 1953, s'installe à Villeneuve, Suisse, sur les bords du lac de Genève ; 1980, meurt le 22 février à Montreux.
Signature : O.K. le plus usuellement.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : En 1906, il est impressionné par l'art décoratif de Klimt*, à qui il dédie Les Garçons qui rêvent, (1907, JV), litho-livre hommage, et par les fauves (1907). Il crée des figures décharnées, d'un trait continu mais syncopé qui laisse soupçnner les ossatures, Jeune danseuse en robe bleue, (1908). Puis il cède cette approche à Schiele*, auquel elle va s'identifier. Il est déjà expressionniste*, mais très rapidement et sa technique et sa palette le situent dans la lignée de Munch* et d'Ensor*, Enfants aux mains de parents, (1909, OG), ou Nature morte au mouton, (1910, OG), ou Nature morte à l'ananas, (1907, NNG). Le trait unique se détend et des traits en buisson le remplacent. Le portraitiste est fécond, neveux, incisif, enfiévré et sans complaisance, de Hans Tietze et Erica, (1909, MoMA), du Conseiller commercial Ebenstein, (1908, AIC), du Dr Emma Van Sanders, (1909, MoMA), d'Adolf Loos, (1910, NNG) et d'Herwarth Wlden, (1910, SS) et de toute une bourgeoisie que l'acuité, fouilleuse de caractères, ne rebute pas. Il dilue l'huile, la rend fine et grise, la géométrise, tant pour le sujet que pour le décor, Femme nue assise, (1910, OG) ou Le Proviseur, (1911, OG). Il allégorise un couple, comme Couple d'amants, (1913, MFAB), dont les touches doivent à Kirchner* ou Mueller*. La Fiancée du vent, (1914, KBâ), est faite dans un grand envol à la Bernin revu par Corinth*. Il peint san dessin préalable, Isonzo, (1916, JV), reportage du front de Slovénie, mais aussi Jeune-fille, (1921, JV), aquarelle syncopée. Sa palette ne cesse jamais d'être meurtrie, Couple d'amants avec un chat, (1917, KZ). Les formes jailissent des coups de pinceau successifs et non liés; de couleurs proches, entassées ; la touche est soit rapide, à la Frans Hals, soit torturée, à la Van Gogh, toujours agitée, bordée d'un trait sinueux, mince ou affirmé ; elle laisse souvent des traînées etle sentiment de la précipitation et de l'inachèvement; le trait est multiple, imprécis, tremblé, venant des poils du pinceau aussi bien que de son manche ou du couteau; la toile transparaît sous des couleurs délavées, diluées de térébenthine, baveuses, poées de manière désordonnée, Double Portrait,(1919, BvB). À compter de 1917, le trait le cède aux nuages de couleurs en boucles épaisses, entassées, vives, rapidement assourdies, Mère de l'artiste, (1917, OG) ou Le Pouvoir de la musique, (1918-1919, VAbbe), la couleur s'organise par agglomérats, brouillés, fondus avec préméditation ; la luminosité sourd de concentrations claires, Mère et Enfant, (1921, JV) ou L'Homme à la poupée, (1922, NNG), Le Mandrille, (1926, BvB), et jusqu'en 1937. L'Autoportrait, main à la bouche, (1918, LEOP) est d'un expressionnisme, proche des peintres de l'école de Paris*, tandis que La Poupée, Alma Mahler, (1918), nu sillonné des traits noirs de la musculature blancs sur ocres, parait une sculpture anatomique transparente. Dès 1920, le thème des villes, vues dans leur déploiement, le retient : Dresde, (1922, VAbbe), Tolède, (1925, JV). Il continue après la Seconde Guerre mondiale, avec Brême, (1951), Hambourg, (1952), Cologne, (1956), Lübeck, (1958), Stuttgart, (1960), etc. Le paysage est panoramique, vu souvent au-delà d'un fleuve. Veduttos traitées sans sérénité; médiatrices d'angoisses tempérées, clles qu'il ne modère pas lorsque, avec son pinceau de psychanalyste, il fouaille l'âme inquiète de ses portraits, Marché à Tunis, (1928-1929, Court). Vers 1935, la palette éclaircie recourt à des acidités à la limite de la vulgarité. De 1938 à 198, la production anglaise s'alourdit de satires politiques pesantes. Dans les années 50 il retrouve l'astragale ensorienne*, une certaine luminosité à la Bonnard*, Portrait du Dr Heuss, (1950, LMH), Mythe de Prométhée, (1950, Court), triptyque. Il conserve l'acidité de sa palette, Autoportrait avec Olda, (1963, Salzburger Landessammlungen), sa mise en page cherche le jeu des plans, Peer Gynt, (1973). Lorsqu'il reprend le dessin, il continue à multiplier les traits foisnnants, Le Concert, (1920, JV), ou les assouplit, Mary Meerson, (1931, ibid), sanguine. Au demeurant, c'est encore le dessin qui occupe ses annuels séjours écossais, de 1941 à 1946, crayons de couleur; épargnant le noir, jetés en traits, ontours et ombres, nerveusement comme il se doit, composant sans construction préalable. Il a aussi travaillé le verre sous l'impulsion de Costantini*.

Expositions : 1910, Paul Cassirer, Berlin, (P) ; 1917, Dada, Zurich, (G) ; 1931, Georges Petit, Paris, (P).

Rétrospective : 1931, Mannheimer Kunsthalle ; 1947, Kunsthalle, Bâle ; 1958, Munich, Vienne, La Haye.

Musées : Karl Ludwig, Cologne, nombreuses oeuvres; fondation Kokoschka, créée en 1987 léguée au musée Jenisch, Vevey, en vertu de testaments de sa veuve, datés de 1998 et 2000, qui font l'objet de contestation judiciaire, basée sur une photocopie léguant à un neveu, datant de 1995.

Citation(s) : Il a dit : "
- Les Français ne devraient plus faire d'art. Ils devraient faire uniquement des fromages de chèvre, ils sont inégalables là-dessus. Je pense que je suis le seul véritable expressionniste. Le mot " expressionnisme " est un mot commode qui veut tout dire de nos jours. Je ne suis pas expressionniste parce que l'expressionnisme est un des mouvements de la peinture moderne. Je n'ai pris part à aucun mouvement. Je suis expressionniste* parce que je ne sais pas faire autre chose qu'exprimer la vie. La quatrième dimension dans mes toiles est une projection de moi-même.
On a dit :
- Il saisit l'essentiel,on dirait qu'il se jette dessus avec férocité. La vérité à tout prix; elle est là, présence agressive. On la regarde avec stupeur. La main énergique n'épargne rien, la laideur dans toute sa violence devient belle parce qu'elle ne ment pas et, derrière cesvisages, il y a l'humanité du peintre et sa pitié. On n'oublie pas Mme Golda Meïr, Ezra Pound, Max Reinhardt, ni le roi Lear. On se souviendra du Christ détachant sa main de sa croix pour consoler les enfants que menacent le froid, la faim, en 45.   (Julien Green, Journal, 18 mai 1976). "
- Kokoschka? Qu'est-ce encore? Une nouvelle drogue ?  (Picasso).