Fiche de présentation

BOURGEOIS, Louise

née le 25 décembre 1911 à Paris, France ; père restaurateur de tapisseries ; 1922, le père introduit dans sa famille sa maîtresse, qui donne des cours d'anglais ; 1923, travaille dans l'atelier des restauration et se spécialise dans les jambes et les pieds ; 1929, Arts décoratifs ; 1932-1935, mathématiques à la Sorbonne ; 1933-1938, Beaux-Arts de Paris, académies Ranson, chez Othon Friesz*, Bissière*, académie Julian, Colarossi, de la Grande Chaumièr*, massière de Brayer*, académie Scandinave, chez Léger*, Despiau* ; 1937, école du Louvre ; 1938, galeriste, épouse l'historien d'art Robert Goldwater, (1907-1973) et s'établit à New York ; 1939, devient insomniaque ; Art Students League, New York; atelier du peintre Vlac Vytlacil ; 1946, atelier 17 ; 1955, naturalisée américaine ; 1967, se rend à Pietrasante pour la taille du marbre ; 1974-1977, enseigne à la School of Visual Arts, New York ; à Columbia University, Cooper Union, et Yale ; 1977, docteur honoris causa de Yale ; 1983, éue membre de l'American Academy of Arts and Science ; docteur honoris causa du Massachusetts College of Art; 1991, Grand prix national de sculpture, France ; docteur honoris causa de l'université de l'Illinois; 1999, Lion d'or de la biennale de Venise ; 2010, meurt le 31 mai à New York.

Type(s) : Galeriste

Technique(s) : Sculpteur

Présentation : Elle ne cesse de dessiner à compter de 1940, Autoportrait, (1942), jusqu'au thème de l'Araignée, (1993), en passant par Regrettable Incident in the Louvre, (1947), où le palais se trouve transformé en baraquements d'Auschwitz, et Femme-Maison, (1947, SGM) et Épilepsie, (1992, KBe), corps tendu en arc ou perdu dans l'affrontement des bras d'une femme. Elle appelle ces notations des "pensées-plumes", saisies au moment où elles lui traversent l'esprit et emmagasinées pour en faire un jour une sculpture. Insomniaque, elle se livre durant la nuit à ces dessins, souvent non-figuratifs et aux motifs répétitifs.
Vient la peinture. Femme-Maison, (1945), tranchée par la maison avec une queue en soucoupe; vue plongeant sur une cour ou une piscine, Untitled, (1946, KMO). Ses dernières peintures, deux bras se cherchant comme dans La Création de Michel-Ange, l'un rouge, l'autre rose, quarante fois représentés, 10 Amis When You Come to Me, (2007), c'est son bras accueillant celui de son assistant depuis la fin des années 1970, Jerry Gorovoy.
En 1946, elle néglige la peinture pour la sculpture. Des totems plus étiques que les élévations de Brancusi*, tout au long desquels on trouve une allusion à ce que sont plus tard ses obsessions, gonflement masculins, incisions féminines, Woman with a Secret, (1947-1949). A la fin de sa vie, elle revient aux totems, enfilant sur une tige d'acier des coussinets d'une même couleur et de nuances différentes, comme une quête de douceur, (2002-2005)
Le bois qu'elle peint, elle en tire des figures humaines abstraites isolées, ou en foule, comme une armée de totems " aussi frêles que les relations humaines ", de Persistant Antagonism, (1946, MMSF) à Figure, (1954, MoMa), entassement de carreaux de bois peints en bleu ciel dans coffrage de bois; tantôt elle taille des pièces régulières pour les superposer, tantôt elle superpose sur tige des morceaux dégrossis; pour les uns, on songe à Giacometti* pour les autres, à Brancusi*; dans les deux cas, elle est primitiviste ; assemblés, ils forment l'installation* d'un bois sauvage. Cette gracilité elle l'applique aussi à des constructions hautes sur pattes, The Blind Leading the Blind, (1947-1949, HIR), sorte d'énorme double rateau, dont chaque dent pourrait schématiser un humain ; il en existe cinq variantes. En 1959, le bois lui paraît trop rigide et elle malaxe le plâtre, le latex, la résine, le caoutchouc, le tissu, confiés éventuellement au bronze. Elle en fait des tours, des nids suspendus pour fauvette couturière, Fée couturière, (1963, SGM), des refuges, Lair, (1962, 1963). En 1965, sa sculpture se fait plus organique, comme déjà avec Labyrinthie Tower, (1962), phallus articulé, et emploie des matériaux mous, La germination - qui est une manière sexuée de parler - tient une grande place : glands, verges, flotteurs marins, grappes de calebasses, seins,torsades. Tout est anatomie, même si, au départ, elle est camouflée sous des coulures art-nouveau*,Soft Landscape, (1967, KBe), albâtre ; elle devient explicite, Sleep, (1967), marbre, gland en déturgescence, Cumul I, (1969, MNAM),marbre, accumulation de rotondités, glands ou seins. L'érotisme devient patent avec Fillette, (1968, MoMa), latex, phallus emmailloté et bourses. Tout l'oeuvre est également marqué par la cruauté. Cela lui vient du besoin de tuer le père, qu'elle réalise avec The Destruction of the Father, (1974), première installation*, caverne de protubérances arrondies, avec une tête d'homme et des os rongés, en polystyrène expansé, peint en blanc, éclairé de rouge. Dans les années 1980, elle s'attaque à des parties du corps, Blind Man's Buff, (1984, musée de Cleveland), bloc de marbre brut creusé d'une pair d'yeux; Legs, (1986), haute de 3,12 m, Hands, (1996, FNAC) en trois dimensions sa penture d'autrefois.. Des torses, d'hybride acéphale de sphinx, aux seins multiples, dotés d'un phallus, Nature tudy, (1984-1994) ou The She-Fox, (1985), ou Autoportrait, (1964, MoMa), torse de seins se modifiant en paires triangulaires. Plus abstraites*, des formes courbées, minces comme un arc, comme un Fuseau, (1992), auquel répondent des navettes, Sutures, (1993), présentées en arbre. Au matériau élémentaire se trouvent opposés des matériaux délicats comme le cristal ou le chanvre. Sa première installation avérée, Articulated Lair, (1986, MoMA), paravents circulaires à l'intérieur desquels pendent des saucisses géantes en caoutchouc, annonce la suite des Cells, (1989), au triple sens biologique, monacal et carcéral, de grandeur plus modeste, faits de vieilles portes articulées, ou de vieux châssis de serres,au travers desquels on devine une sculpture mise en vedette par contraste, Cell, Eyes and Mirrors, (1989, Tate Modern) et encore Red Room Child, (1994, MACM), complémentaire de Red Room Parents, inondées du sang de l'interdit, et aussi Cell VII, (1998), au travers des grillages de laquelle on peut voir des lingeries pendues. C'est son refuge, sa protection maternelle, à l'instar des araignées géantes en acier, sous lesquelles le visiteur se promène, Lilliput au pays de la terreur, The Nest (1994), Maman, (1995, Tate Modern), en ressentant comme une protection : elles sont dévoreuses de moustiques si nuisibles en pays tropicaux et tisserandes, comme l'était sa mère. Twosome, (1991) est d'un autre genre, mi-bombarde, mi-locomotive, les deux pièces géantes sur rail pénètrent l'une dans l'autre, par un mouvement de va-et-vient qui ressemble furieusement à un coït au ralenti. On retrouve l'impression de protection dans Precious Liquid, (1992, MNAM), baquet à la dimension d'une tour, où figure le lit des rêves et ceux-ci incarnés par des métaphores érotiques, bulles de verre et phallus de pierre, amollis. Parmi ses plus hautes réalisations, la commande de I Do, I Don't Do I Redo, (1999, Tate Modern), trois tours d'acier de 35 m de haut sommées de miroirs paraboliques, attentives au flux de la Tamise comme au devenir du siècle qui commence ; il en existe six répliques. L'âge peut-être aidant, elle adopte le tissu comme sculpture ; la plus spectaculaire, Three horizontals, (1998), présente sur un lit de métal à trois niveaux, mère, fille et foetus, roses ; Seven in Bed, (2001), étroitement enlacés à l'exception d'un isolé ; elle revêt des têtes de tapisserie (2002). Elle consacre une série de petites broderies et de pointes sèche à Eugénie Grandet, (2009), perdue dans sa tristesse, à laquelle elle s'identifie comme un dernier rejet du père ; une femme enceinte et ces mots brodés "Ma mère avait raison :  Souffrir et mourir", My Inner Life, (2008). Une photo de Mapplethorpe* de 1982, montre la vieille dame indigne, porteuse de Fillette, (cfr supra).

Expositions : 1936, Académie de la Grande Chaumière, Paris, (G) ; 1938, Jean Dufresne, Paris, (P) ; 1939, Brooklyn Museum, (G) ; 1945, Bertha Schaeffer, New York, (P), (peinture) ; 1949, 1953, Peridot, New York, (P) (sculpture ); 1960, Claude Bernard, Paris, (G) ; 1985, Maeght-Lelong, Paris (P) ; 1992, 2013, Karsten Greve, Paris, (P) ; 1992, Documenta, Cassel ; 1993, 1999, 2003, Biennale de Venise ; 2010, Fondation Vedova, Venise ;  2011, Fondation Beyeler, Bâle, (P) .

Rétrospective : 1982, Museum of Modern Art, New York ; Art Museum, Houston; Museum of Contemporary Art Chicago ; Akron Art Museum, Ohio ; 1989-1991, Lenbachhaus, Munich ; musée des Beaux-Arts, Lyon; fondation Tàpies, Barcelone ; Kunstmuseum, Berne et Lucerne ; Kröller-Muller, Otterlo ; 1995, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 2001, L'Ermitge, Saint-Pétersburg, Beaux-Arts, Helsinki, Kulturhuset Stockholm, Museet for Samtidskunst, Oslo et Louisiana, Danemark ; 2007, Tate Modern, Londres ; 2008, Centre Pompidou, Paris, Guggenheim, New York, Museum of Contemporary Art, Los Angeles et Hirschorn, Washington.

Lieux publics : 1995, Les Bienvenus, parc de la Mairie, Choisy-le-Roi; 2003, Whitney, New York, (ses dessins nocturnes); 2004, mobilier et statues de la chapelle d'O, Bonnieux, Vaucluse.

Citation(s) : Elle a dit :
-L'abandon/ Je veux me venger/Je veux pleurer d'être née/ Je veux des excuses/Je veux/ Du sang/ Je veux faire aux autres ce qu'ils m'ont fait/Etre née, c'est être éjectée/Etre abandonnée, c'est de là que vient la fureur. (Journal 1990).
- Je viens d'une fmille de réparateurs. L'araignée est une réparatrice.