Fiche de présentation

MESSAGER, Annette

née le 30 novembre 1943 à Berck, Pas-de-Calais, France ; 1962-1966, Arts décoratifs de Paris ; 1996, Grand prix national de sculpture ; amie de  Boltanski* ; 2005, Lion d'or de la biennale de Venise ; vit à Malakoff, Hauts-de-Seine.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Plasticien

Présentation : Elle est une féministe collectionnomane. Parce qu'elle commence sa vie d'artiste, en 1971, en collectionneuse, pour conserver et célébrer les activités décriées de la femme : elle remplit des carnets, d'une écriture, d'un graphisme déliés, de notations sur la vie quotidienne, recettes, photos de magazines classées Les hommes que j'aime, et Les hommes que je n'aime pas, (1974, MACVAL) ou dessins érotiques, proverbes brodés sur des carrés de chiffons, Ma collection de proverbes, (1974, Frac-Franche-Comté), dont Je pense donc je suce, une suite de diptyque avec la définition de tous les points de couture possibles et leur représentation graphique, etc. De sorte que nombre de travaux s'apparentent plus à des ouvrages qu'à des œuvres. Elle part délibérément de la culture de midinette. Ses travaux servent aussi au combat féministe, à la dénonciation par représentation des fantasmes "à 3,50 F" de la midinette qui sont aussi les siens : copie au crayon de couleur des photos de catalogue des voyages, gros plans de détails anatomiques rehaussés et détournés. Ici, la volonté esthétique et la volonté éthique sont étroitement conjuguées.
Qui dit collection dit accumulation et les psychanalystes (auxquels elle sait se référer) en font, à ce point avancé, une pathologie. Les sociologues, eux, remarquent qu'il y a coïncidence entre la revendication artistique de cette démarche, et les années de haute consommation.
Viennent des séries plus élaborées comme cet alphabet en plumes collées ou ces oiseaux empaillés emmaillotés d'un tricot (auxquels, plus tard, des peluches répondront, clouées au mur) ou, soigneusement rangés en vitrines, Les Pensionnaires, (1971-1972). Selon elle, la taxidermie et la photographie, surtout lorsqu'elle est anthropométrique, relèvent de la même activité de constat.
C'est dans cet esprit qu'elle aborde le dessin de photos ou la photo de dessin, entrant plus délibérément dans la création graphique sans, pour autant, renoncer à l'accumulation. C'est au demeurant, constate-t-elle, un moyen de se défendre contre la mort, omniprésente dans l'œuvre.
Dès le début des années 1970, Les Portraits des amants, (1971) présentent 12 photos de femmes avec, en réserve, 12 portraits en noir et blanc d'hommes. Elle aligne des photos de braguettes, Les Approches, (1972, MAMVP). Elle s'attache à photographier des détails du corps, nez, lèvres, fesses, seins, pieds, ou des supplices du corps, Tortures volontaires (1972, FRAC Rhône-Alpes), auxquels elle va réserver des traitements divers : soit l'encadrement en série rehaussée de dessin, soit l'incorporation à des représentations d'objets et d'animaux qui seront disposés, le temps d'une exposition, sur les murs d'une galerie ou d'un musée, soit fixés sur un vêtement, Effigie n° 6, (1985, MAMAC), Mes vœux, (1989, MNAM) ; on pénètre dans un monde plus inquiétant, où se perdent les visages dans des replis de chauve-souris ou de robe de Klu-Klux-Klan. L'environnement* le dispute à l'art corporel*.
Des photographies encadrées, de la dimension d'une carte de visite, sont regroupées en un tout supérieur à l'addition de chacune des parties, ou suspendues à des bouts de ficelle de longueur différente, à des fils de laine détricotée pour former un colimaçon ou superposées à un cadre légèrement plus grand portant la répétition exorcisante d'un même mot, et ce sera alors un rappel de conceptualisme*. Cinq œuvres de cette manière sont à voir au musée de Grenoble (1973 à 1993). Gonflés-Dégonflés, (2006), pantins rembourrés qui s'agitent, se dressent et s'écroulent. Elle traite du supplice, Les Restes, (2000, MACVAL), en commençant par les peluches désarticulées qu'elle amasse, depuis dix ans, par une sorte de régression, Histoire de petites effigies, (1900) ; elle les entasse, les pend, les empale, les désarticule, Les Piques, (1991, Tate et 1992, MNAM) ou encre Anonymes, (1993, MCM). Elle ironise l'art primitif, quand elle trace une silhouette d'homme en poubelle de plastique, au sein du musée des Arts africains et océaniens, Muntu, (1998).
A compter de 2001, elle introduit le mouvement dans des installations qui deviennent spectaculaires, Articulés, Désarticulés, (2001, MNAM), coïncide avec l'apparition de formes biologiques humaines, matières diverses rembourrées, qui tournent sur rail, La Ballade des pendus, (2002), ou enfermées dans des filets noirs, s'abattent, de plusieurs mètres sur des larves, La Ballade de Pinocchio à Beaubourg, (2007). Toujours le mouvement déclenché par ordinateur pour un voile de crêpe recouvrant au sol des ossements et la baignoire de Marat, et le jeu de "prendre le voile", (2002) ainsi que pour Casino, (2005), soie rouge au sol, recouvrant des tubes fluorescents, des fibres optiques, se soulevant et s'affalant, tandis que des simili pipistrelles noires, descendent de leur cache -et remontent- pour rejoindre ce sol de feu, comme Gonflés-Dégonflés, (cfr supra). Dans la pénombre, des photos d'autrefois, agrandies, sont posées sur des rotondités de dunes et recouvertes d'une tulle noir ; elles se soulèvent et s'abaissent, respirent et expirent, A corps perdu, (2009).  Composé de morceaux de corps et de et de tissus de déménagement, Mes trasnports, (2013).
Elle filme les sept dernières minutes de sa mère, (2007) et déclare "pour la première fois de sa vie, elle n'était pas impatiente". 
Elle écrit au mur des mots faits de filets noirs, Jalousie, (2010).

Expositions : 1972, Studetskog, Zagreb, et gal. Germain, Paris, (G) ; 1973, Lembachhaus, Munich, et Yellow Now, Liège, (P) ; 1999, Reina Sofia, Madrid, (P) ; 1972, 2002, Documentas, Cassel ; 2000, 2013, Maria Goodman, Paris, et 2006, 2012, New York, (P), 2005, 2007, Biennale de Venise ; 2008, Centre Pompidou, Paris, (P) ; 2009, Southbank Centre, Londres, (P) ; 2012, Musée d'art moderne, Strasbourg, (P).

Rétrospective : 1989-1990, Musées de Grenoble, de La Roche-sur-Yon, de Bonn et de Düsseldorf; 1995, ARC, Paris.

Citation(s) :
Elle a dit :
- De toute façon, je pensais que j'étais une artiste dévaluée en tant que femme. J'avais envie de mettre cette dévalorisation en évidence, je sentais que c'était à cela qu'il fallait que je m'attache.