Fiche de présentation

MORELLET, François

né en 1926 à Cholet, Maine-et-Loire, France ; étudie le russe à l'École des langues orientales, Paris ; 1948-1975, mène de front un travail d'artiste et la direction dune entreprise familiale ; 1960-1968, participe au GRAV*; 1965-1973, délaisse les travaux artistiques ; 1975, les reprend et s'y consacre exclusivement ; vit à Cholet.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Plasticien

Présentation : De 1945 à 1968, il est, selon ses propres termes, " peintre amateur " et figuratif. Avec pour inspirateurs les peintres élégants pour salons cossus, il tient la réalité de manière expressionniste* ou surréaliste*. Ses sujets, il entreprend de les épurer et de les exposer sur grille géométrique : c'est son chemin de Damas.
En 1950 il se voue à l'abstraction* géométrique dans le style de l'op art*, rappelant le Vasarely* de l'immédiat avant-guerre. Les Américains, moins jansénistes, plus " spécialisés " et plus puissants vulgarisent ses inventions. Les répétitions des mêmes motifs, comme les grecques emboîtées, datent de 1952, Peinture, (1952, MNAM) - on les identifie à Stella*- Peinture, (1952, KBe) ; les carrés multicolores datent de 1956 - on les identifie à Noland*, Du jaune au violet, (1956, MNAM), et au Stella du Rêve de d'Alembert, (1974).
Ce qui lui est instinctivement attribué ce sont ces tableaux de 1962 à 1974, les plus calculés et qui respectent les 6 principes définis dont l'application seule est libre : juxtaposition, superposition, interférence, hasard, fragmentation et déplacement du support, systématiques : comme Lacan dit " ça parle ", Morellet pourrait dire " ça se peint ". Stochasticisme apparent néanmoins, car le hasard se soumet à la nécessité : par exemple, Répartition aléatoire de 40 000 carrés, 50 % vert foncé, 50 % gris, (1961), nombreuses versions, où le carré est réduit à de minuscules formes et l'ensemble à un camaïeu, 3 200 Carrés, (1957, MAMStE) de couleur pastel, avec une infime vibration optique. Ce sont surtout les lignes qui se disposent en fonction de décisions mathématiques ou de régularité absolue. Partant d'un motif simple, des parallèles par exemple, il les complique d'autres éléments simples, perpendiculaires, verticales, etc., et obtient un résultat graphique comme les enfants travaillant, avec leur compas, à rendre le dessin de plus en plus complexe. Il se refuse toute liberté, toute fantaisie ; une fois sa règle adoptée, il l'applique immuablement.
La mécanique est rodée, mais c'est une mécanique même si le motif a été inventé. Le résultat suggère des cannelures de chaises ou un circuit de carrés en rotation. Sa géométrie est menue et terne puisqu'il use principalement du noir et blanc, Répartition aléatoire de 20 % de carrés superposés cinq fois en pivotant au centre, (1970, MBANa), cercles et carrés rouges et bleus, qui se rapprochent de l'art cinétique*, Deux Trames de petits tirets 3 /77, (1973, MBANa), Tirets, 1 2 3 4 5 6, interférences tous les 60, (1974, MAMStE), et jusqu'en 1976. Le motif s'est fait monumental, les bandes croisées épaisses sur des toiles de très grandes dimensions, Trois Doubles Trames 0 30 60 , (1975, MNAM). Et encore Trois Lignes au hasard, suivant les lettres, (1990). Il vient à la troisième dimension lorsqu'il crée des objets de grillage comme Trame en boule, (1970, EAC) ou qu'il donne à ses lignes la consistance véritable du grillage en les remplaçant par des fils de fer, Trois Trames grillages, 0 -2 +2, (1974, EAC), ou par des poutres, 4 trames en dessin et en relief, (1981) et Carré à demi libéré, (1990).
Depuis 1974, il manie ou manipule le carré blanc, comme ces deux toiles blanches, l'une verticale, l'autre horizontale, et à l'endroit où elles se touchent, une droite noire les traverse, Seule droite traversant deux carrés dans deux plans différents, (1978, MNAM). De 1975, date sa plus grande peinture en plusieurs panneaux, une Trame, de 32 x 7 m. (MAMVP). Ses toiles quadrangulaires peuvent rester monochromes, et seule leur disposition inclinée sur le mur fait variante,avec des intentions anthropomorphes difficilement transmissibles sinon au travers des titres, En levrette, (1986), désigne un rectangle contre un carré... Il reprend cette allusion, de manière toujours aussi hermétique, Delacroix défiguré, la Mort de Sardanapale, (1989), où des jetés de carrés sur le mur se situent à l' endroit des protagonistes de la toile et plus tard,  Picasso défiguré,  Les Demoiselles d'Avignon, (2011).  À la toile toujours blanche, toujours carrée, il associe l'acier comme encadrement aux formes diverses, dans un jeu de mots, Stel Life, (1987-1991).
Il y a aussi le jeu des néons clignotant ou non (1963-2000), disposés en angles droits égaux aux côtés d'un carré de couleur ou éclairant un carré blanc sur mur blanc; les interventions de carrés ou de rubans adhésifs sur des monuments ou des sculptures; il y a les " géométries ", carrés dans lesquels il intègre une branche d'arbre, Géométrie n°86, (1984, FRAC) et Géométrie, (1993), branche sur adhésif sur mur, réminiscence de l'arte povera*. De cet usage de la lumière, Labyrinthe, (1964), donne une idée de ses idées, dans une installation noire, cinq " effets " se succèdent, tous singuliers. Il ne cesse de pratiquer " le hasard et la nécessité " puisqu'il fait constater par huissier que " le concept à partir duquel cette série a été réalisée consiste à disposer des angles droits sur une surface plane, le tableau, d'après le principe du jeu de bataille navale, les coordonnées étant fournies rigoureusement par les chiffres aléatoires d'un annuaire du téléphone " : All Over, (1992), 5 toiles carrées monochromes, 4 paires d'angles en métal, néons et rubans adhésifs. Ainsi pratique-t-il depuis 1958 lorsque pour la première fois recourt aux chiffres d'un annuaire. Oeuvre en trois temps, il fait dessiner un carroyage par des enfants, à partir de son oeuvre 16 Carrés, (1953), puis, partant de ces travaux, il les traduit en néons colorés aux tubulures nécessairement irrégulières, Récréations, (1994). C'est la tentation du baroque qui affleure,et que l'on voit plus explicitement dans BaroKonKret,(1991-1994), où il exprime " frivolité et joie de vivre " avec des néons courbés et colorés, en volutes, qu'il baptise Rococo, (1997), évoquant même la silhouette de Gitane, (1997). Adoptant un autre principe qui porte à oeuvre sérielle, il crée sa trame fine, à la fin des années 90, à compter des décimales du nombre 1, les utilisant pour définir l'inclinaison des droites qui forment les angles de sa résille; ensuite intervient 'épaississement de certains fragments, la coloration en primaires de certains segments, donnant une figure plus ou moins refermée, plus ou moins compliquée. Reprenant les néons courbes, il les applique en volutes d'un sommet d'angle à un autre.
En 2007, il se livre à une expérience titrée Blow-Up, Quand j'étais petit je ne faisais pas grand. elle consiste à reprendre onze tableaux de 1952 au modeste format et de les présenter, confrontés à eux-mêmes quatre fois plus grands, les originaux étant présentés sur des panneaux blancs au dimensions des dupliqués; ceux-ci changent de signification et rejoignent le minimalisme américain qu'ils ont précédés. Il se livre également au land art*, en redessinant des pelouses au carré, A Public Square (1983, Middelburg), en traçant des géométries en briques, visibles l'été seulement, À la française, (1987, Munster); Géométries n° 1, (1986-1987, KMO), ou le dialogue de la forme et de l'arbre. Il reconstitue des installations de naguère ou d'autrefois, de manière que de 1963 à 2011, on puisse suivre son parcours, (2011) ; reprenant une idée de 1975, il procède à une suite de six Plus ou Moins, (2011), inspiré des Plus-Minus de Mondrian*, mais progressif, le - se rapprochant petit à petit du +.Il continue,à rendre hommage à ce dernier par le jeu de la lumière  ou une nuée de néons, (2014)

Expositions : 1950, Greuze, Paris ; 1971, Van Abbemuseum, Eindhoven, et CNAC, Paris, (P) ; 1975, Biennale de Sao Paulo ; 1993, 2003, Durand-Dessert, Paris  2014, Kamel Mennour, (P).

Rétrospective : 1978, Musée d'Art moderne de la ville, Paris, National galerie, Berlin et Kunsthalle, Baden-Baden ; 1986, Centre Pompidou, Paris ; 1995, Le Capitou, Fréjus ; 2000, Jeu de Paume, Paris ; 2011, Centre Pompidou, Paris.

Lieux publics : 1991, Foyer du Théâtre de la ville, Paris ; 2009, oculi et fenêtre grillagées, escalier Lefuel, Louvre, Paris.

Citation(s) : Il a dit :
- Je n'ai aucun goût pour le " mal-foutu " que certains appellent " sensibilité " dans l'exécution.
- Je n'ai jamais reçu un choc comparable. C'est pour moi, l'art le plus intelligent, le plus précis, le plus raffiné, le plus systématique qui ait jamais existé. (à propos de l'abstraction géométrique*).