Fiche de présentation

MUSIC, Anton Zoran

né le 12 février 1909 à Gorizia, Vénétie, Autriche, (aujourd'hui Italie)  1930-1935, Beaux-Arts de Zagreb ; 1935-1936, voyage en Espagne ; 1939, revient à Gorizia ; 1941, réalise des peintures murales dans des églises ; 1944-1945, enfermé dans une cave à Trieste puis déporté à Dachau pour avoir refusé l'enrôlement dans l'armée du Reich ; 1945, s'installe dans un palais vénitien orné de stucs ; 1949, épouse Ida Barbarigo*; 1952, s'installe à Pari s; 2005, meurt le 25 mai à Venise.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Jusqu'à ses 35 dessin de Dachau, il refuse de montrer ce qu'il a fait, estimant que c'est oeuvre d'apprenti qui n'a pas gagné sa personnalité.
Une Montagne noire, (1952), suivi d'une Colline, (1963, Kunstsammlung Zoran Music, Klagenfurt ), d'une part et un tas de cadavres à Dachau et d'autre part, Nous ne sommes pas les derniers, (1973), de mêmes formes, sont les deux versants de son oeuvre, au demeurant remarquablement une par son chuchotement.
D'un côté, pendant vingt-cinq ans, les toiles affichent une sérénité sans soupçon : Portraits ou Autoportraits de 1947 et 1948, rappelant, par la frontalité, l'importance des yeux, et les teintes délavées, la peinture funéraire romaine. On ne réalise pas qu'il est déjà l'auteur d'un " reportage " où il n'y a d'outrance que dans la précision insoutenable de la vie à Dachau. Ces scènes de l'horreur et quelques portraits, sont datés de 1945, (ibid). Au-delà des portraits, à l'antique il peint de nombreuses scènes dalmates, chevaux vus de profils et de croupe, dans une palette éteinte, mate, beige et gris dominants, frottés de bleus ou d'ocres. Ces petits chevaux sont ceux de Tarquinia, sans conteste.De 1970 à 1975, il grave 46 oeuvres d'après ces dessins de Dachau.  On est en 1946 et 1953.
Mais, soudain, en 1949, dans une colline, il lit les strates et les ombres verticales comme autant d'os jadis côtoyés. Et la douceur des paysages ombriens se transforme en décor de danse macabre, Paysage ombrien, (1953, ibid.). C'est l'introduction à l'autre versant, après un intermède où il se révèle viennois, proche de l'art décoratif, lorsqu'il peint des Motif itatlien, (1963), corne de paillettes colorées s'épandant dans la brume, et ses Motif végétal, (1972, MAMVP, FNAC), une souche et la dégringolade des racines ou des rameaux secs, traités en deux couleurs. Il refuse également de montrer ce qu'il a peint entre 1953 et 1960. C'est sa manière de déclarer que l'abstraction* pratiquée est un fourvoiement. En 1962, un tas coloré jaune et orangé, prélude à ce qui deviendra tas de crânes, plus perceptible en 1967, lorsque l'amoncellement se fait noir. Il exorcise son passé et, jusqu'en 1987, c'est l'autre versant de l'oeuvre : il le traite sous le titre générique Nous ne sommes pas les derniers, (1971, MOMA, 1970, 1972, MNAM, et 1974, MBADi), le plus souvent crassier de cadavres ou contre-plongée d'un bagnard, en marron. Les visages, qui ne sont plus couverts que d'une pellicule de peau, affleurent du tas, comme les " os " géologiques affleurent de la colline; évocation sans pathos de la Saison en Enfer qui le marque à jamais, épisode du Purgatoire. Cette suite macabre est unique, traitée d'un trait souple et décharné - à l'inverse du trait brisé de Schiele*. On pourrait presque parler de " ligne claire ".
Il est aussi peintre néosymboliste, envoûtant, avec l'air et la lumière flottant autour de petits monticules, de vues de Venise, diluées comme un Fantin-Latour, brumeuses comme un Le Sidaner, ou floues comme un Bonnard* qui n'aurait conservé que les teintes funèbres de sa palette sable et cendre. Il montre de manière feutrée une section frontale de fenêtre, de mur, de ruelle, sans perspective, sans lumière, Venise dans les brumes de Bruges, ville morte avec quelque survivant enrobé de sépia.
Depuis le milieu des années 1980, il revient au portrait en buste et en pied. En buste, d'Ida la rousse, sa femme coiffée comme une infante,Ida, (1950) ; en 1983, la reproduction de vieilles photos sépia, en 1986, plus appuyé comme si la réalité prenait enfin chairu; parfois portrait double où les époux sont distants, c'est la série Atelier (1990), ocre et gris. En pied, lui dressé dans une toge de chambre, annonçant l'apocalypse, ou coiffé d'un chapeau à l'Aristide Bruant, c'est la série Il Viandante (1994). Les uns et les autres, sur fond nu, toile non préparée, ne recueillent que les coups de pinceau répétés et les tamponnements posant l'ombre. Sortes d'esquisses pour sculpture.
Les dessins et les toiles, de 1991 à 1994, insistent sur la gestuelle, celle du peintre notamment, avec une insistance sur les jambes, les bras et les mains.

Expositions : 1939, Venise, (P) ; 1941, Zagreb (P) ; 1943, Decrescenzio, Trieste, (P) ; 1952, gal. de France, Paris, (P) ; 1999, Marwan Hoss, Paris (P) ; 2009, Claude Bernard, Paris, (P).

Rétrospective : 1962, Musée de Brunswick ; 1965, Kassel, Rijeka, Trêves, Ljubljana, et Gal. de France, Paris ; 1972, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1977, Darmstadt ; 1980, Accademia, Venise ; 1986, Musée Jenisch, Vevey ; 1992, Rome et Milan ; 1995, Grand Palais, Paris.

Musées : Kunstmuseum, Bâle, 10 dessins de Dachau ; Kunstsammlung Zoran Music Klagenfurt, les autres oeuvres.

Citation(s) : Il a dit :
- Peindre les yeux fermés pour faire disparaître l'inutile.
- Désormais pour moi, peindre c'était quitter le superficiel, pour aller vers l'intérieur, l'essentiel.Ce que j'ai vécu à Dachau m'a appris à éliminer tout ce qui n'était pas indispensable. Aujourd'hui encore je peins avec un minimum de moyens. Il n'y a dans mes tableaux ni geste ni violence.. Nous pensions que jamais plus une telle horreur n'existerait. Alors quand j'ai appris que les mêmes atrocités se produisaient j'ai peint ces tableaux.
On a dit :
- Voir, c'est regarder mourir. (Edmond Jabès).