Fiche de présentation

FRANCIS, Sam, ( Samuel Lewis Francis, dit )

né le 25 juin 1923 à San Matteo, Californie, États-Unis d'Amérique ; 1941-1943, botanique, psychologie et médecine à Berkeley ; 1943-1947, sert dans l'US Air Force, est blessé, une tuberculose osseuse se révèle, il commence à peindre à l'hôpital ; 1947, histoire de l'art à Berkeley et premières peintures non-figuratives* ; 1949, diplômé des Beaux-Arts de Berkeley ; 1950, épouse Muriel Goodwin, peintre, arrive en France ; académie Fernand-Léger* ; 1960,épouse Teruko Yokoi ; 1961, s'installe à Santa Barbara, Californie ; 1965, épouse Mako Idemitsu, fille de son mécène japonais ; 1964-1966, vit partiellement à Tokyo ; 1969, docteur honoris causa de l'université de Californie ; 1978, Jerry Sohn lui sert d'assistant ; 1979, amitié avec Liga Pang* ; 1986, épouse Margaret Smith, peintre britannique ; travaille à Santa Monica, Berne, Paris et Tokyo ; 1994, meurt le 8 novembre à Santa Monica d'un cancer.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Il est admirateur du Monet des Nymphéas et du zen. Mais Monet partait de la réalité pour aboutir à une toile presque abstraite*, tandis qu'il se situe dans l'abstraction et veut reconstituer l'effet optique que les couleurs de Monet produisent. Sans titre, (1947, A-KB) montre l'inspiration des débuts, celle de Gorky*, et comment il part d'une nature morte pour l'abstraire.
Dès la veille de son séjour de douze ans à Paris, il adopte l'accumulation de torsions, For Fred, (1949, IT). Cette forme, qui peut être aussi bien rognon que cacahuète, pavé irrégulier que grappe stylisée de raisins, il la prend et la reprend jusqu'au milieu des années 50, Black and Red, (1948, IT) ou Opposites (1950, ibid.). Les couleurs s'affirment peu, se voilent d'un grisé venu du ciel parisien, ce sont les "White paintings", Red and Pink, (1951, MMSF) ; elles se recouvrent de noir, puis de blanc, Other White, (1952, MNAM) ; le blanc n'est pas unique, n'est jamais blanc ; des lianes bleu eau vibrent et se fondent jusqu'à l'imperceptible dans ce blanc-grisé, Saint Honoré, (1952, JD) ou Grey Yellowed (1952, A-KB).
En 1952, des ondulations noires, épaisses, remplissent la totalité de la toile, comme un rideau, laissant soupçonner une première couche de couleur sombre, Blue Black, (1952, ibid.), Big Red (1953, MoMA,), le plus connu de ses tableaux aux États-Unis, Deep Orange and Black, (1954, KBâ), Composition en noir et jaune (1954, JD), Deep Black, (1954, IT), avec son encadrement de formes sombres sur formes plus claires, ou encore Sans titre (1956, Louis).
En 1955, on pourrait dire qu'il passe de l'abstraction expressionniste* à l' abstraction* impressionniste. Un océan de taches bleues mouvantes et des presqu'îles jaune et orange, In Lovely Blueness, (1955-1957, MNAM), Around the Blues, (1957-1962, Tate) - on pourra rapprocher cette période de Hartung* débutant de la fin des années 20. Apparaît le blanc comme un territoire que la couleur tente de violer ; c'est le triptyque du Basel, mural (1956-1958), 5,50 x 4 m, peint pour la Kunsthalle de Bâle qui, n'étant pas acheté, est démantelé : I (Norton Museum, Pasadena), II (SMA), quant au III, il est fait de quatre fragments de même hauteur, coupés par l'artiste lui-même dans la toile originale endommagée lors de son déménagement. Ce triomphe annoncé du blanc, The Whiteness of the Wale, (1957, A-KB) est mis en valeur par le dégoulinement, Structure n° 2, (1957, MET), ou par le dripping, Sans titre, (1957-1960, Louis), ou par les flocons multicolores qui flottent, Toward Disappearance, (1957, LACMA), Mexico, (1957, Ohara Museum, Kurashiki), dans un mouvement qui, petit à petit, refoule vers le bords de la toile, White Line, (1958-1969, MAG), Yellow II, (1958-1960, MMS).
Ce qui fut d'abord simples anfractuosités sur la banquise cède la place à l'océan blanc dans lequel s'écartent les continents légèrement drippés*, Sans titre, (1980, BRCF). C'est éloge du blanc tout autant que celui de la couleur, avant que ce n'en soit l'apogée de l'immaculé, lorsque la couleur est renvoyée en bandes minces aux confins de la toile, de 1965 à 1969. Quatre-vingt-dix pour cent de la toile éclate alors de blancheur, mise en valeur par ces bordures aux taches multicolores, aux contours diaprés en dégradés soyeux, obtenus par l'absorption des acryliques par le support humide : la non-couleur est mise en évidence et, du même coup, l'espace qu'elle permet de délimiter, Upper Red-Berlin (1969), et Berlin rouge, (1971, NNG), 12 x 10 m. On parle de "métaphysique du vide". Pour ce faire, il applique des couches si minces de couleur diluée qu'elles sèchent plus vite et deviennent translucides.
Entre-temps, il y a la série des Blue Balls, de 1959 à 1963, gros ballons prêts à éclater, cellules biologiques égarées, ou "infusés d'astres et lactescents", anticipant Gagarine, qui estimera que vue de la lune "la terre est bleue", Compo bleu sur fond blanc, (1960, FNAC).
C'est en 1964 qu'il sculpte pour la première fois, et en 1966 qu'il se fait auteur d'interventions*, en faisant lâcher par hélicoptère, au-dessus de la baie de Tokyo, 6 traînées de couleurs pures. En1965, il commence les "Sail paintings", en 1970, les "Matrix paintings", en 1973, les "Mandala paintings". Il réintroduit alors le noir et resserre le motif. Les bordures deviennent poutres, les poutres deviennent carroyages ou fermes, ou simple taches, Big Red II (1979, Louis.). Les couleurs vives et acides alternent avec les taches sombres, noir, bleu nuit, violet épais, mettant en valeur des blancs préalablement protégés par des caches géométriques qui structurent la toile, en croisement de bandeaux, de carrés concentriques, Naked Spotless Mind, (1980), en résilles, Sans titre, (1979). Comme il peint toujours immense - 100 m2 ne sont pas rares -, le spectateur se trouve enveloppé de barrières fleuries géantes.
De petits formats, de 1974 à 1978, sont moins convaincants, car la peinture de chevalet se prête mal au propos de l'artiste, qui suggère les immensités à l'échelle de l'Amérique,. L'une de ses dernières oeuvres est un tondo modeste de 45 cm de diamètre, (1994).
De 1977 à 1983, Francis a produit des monotypes, comme le premier le fit Degas ; le truchement, ce sont des bois qui, grâce à leurs veines enduites de peinture, permettent de rapporter sur le papier un graphisme subtil et vivant, tandis que la structure est assurée par la géométrie des planches employées, SF80-02, 1980, (1980). 
De 1983 à 1987, il réalise des miniatures " d'une moyenne de 10 cm2. Dans la seconde moitié des années 80, ce sont des satellites qui tournent autour d'une planète, renouant avec la période des Blue Balls.
À la fin de la décennie, la palette s'assombrit, les empâtements se multiplient. De la légèreté, on passe à la densité, de la lumière solaire à la crépusculaire.

Expositions : 1952, Nina Dauset, Paris (P); 1956, Martha Jackson, New York (P); 1968, 1988, Jean Fournier, Paris (P).

Rétrospective : 1967, Museum of Fine Arts, Houston ; 1968, University Art Museum, Berkeley ; FNAC, Paris ; 1972, Albright-Knox Art Gallery, Buffalo ; Corcoran Gallery of Art, Washington Whitney Museum, New York ; 1973, Museum of Fine Arts, Dallas ; 1993, Kunsthalle, Bonn.

Musées : musée Idemitsu, Tokyo, nombreuses œuvres.

Lieux publics : 1986, mural* pour l'Opéra royal de la Monnaie, Bruxelles.

Citation(s) :
Il a dit :
- J'ai eu un rêve [...] J'étais debout sur un promontoire de rochers et je regardais un énorme mur de glace qui semblait venir des montagnes comme un glacier. La couleur en était verte, un vert translucide, très beau et très étrange ; et je regardais ce mur de glace ; et soudain se formaient dans ce mur d'énormes cristaux.

On a dit :
- Ça n'a rien à voir avec ce que nous faisons ici. (Fernand Léger).