Fiche de présentation

DERAIN, André

né le 17 juin 1880 à Chatou, Yvelines, France; 1895, commence à peIndre; 1898-1900, académie Camillo, Paris; 1900, rencontre Vlaminck*, qui s'installe à Chatou; 1901, visite de l'exposition Van Gogh; 1902, illustrateur; 1904, académie Julian*; 1905, séjourne à Collioure*; 1907, premières sculptures; détruit une partie de a production; 1908, participe à l'exposition La Toison d'or à Moscou; 1913, à l'Armory Show* de New York; 1914-1919, mobilisé, continue à travailler; 1940, son atelier parisien est dévasté par les Allemands, qui détruisent bien des oeuvres; 1954, meurt le septembre à Garches des suites d'un accident de voiture ; est enterré à Chambourcy.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : " C'est un bon tableau, ça n'est pas moderne, ça n'est pas ancien, c'est Derain ", disait-il à Mme Denise Lévy. Cependant Pont de Waterloo, (1906, Th-B) est pointilliste de couleurs plus acides que chez d'autres. Il est co-géniteur du fauvisme* avec Matisse*, il est  pré-cubiste ou post-cézannien jusqu'à la guerre, alertant Picasso*, semble-t-il, sur l'art nègre dès 1906. Malgré quoi, le mot de ce dernier demeure : " J'ai quitté Braque* et Derain en 1914 et je ne les ai jamais revus " : c'était la période dite gothique ou byzantine à laquelle appartient La Jeune Fille, (1914, MPP).
Effectivement, après guerre, Derain devient un peintre classique. Il oublie -selon Apollinaire - de participer à l'art de son époque. C'est ce qui explique son succès, que n'obtient guère la peinture hors classe, Portrait d'Alice Derain, (1921). Il est devenu un homme du milieu, de l'aurea mediocritas, admirateur des Flamands, de Georges de La Tour, dont il retrouve parfois les éclairages et les airs étonnés, de Corot, de Renoir, des Hollandais, des Espagnols, pêle-mêle, avec parfois une touche de platitude, Forêt de Fontainebleau, (1930, An), émule simpliste des bois d'Albin Van den Abeele*, voire de vulgarité, ou Fleurs des champs dans un vase, (1938). 
Mais avant la guerre de 1914, il est maître, précurseur : il est moderne par sa mise en page, par ses couleurs : Autoportrait dans l'atelier, (1903); si la mise en page est expressionniste*, la couleur émeraude de la face droite du visage vient en droite ligne de Van Gogh. Comme vient de lui la construction en diagonale du Pont de Chatou, (1904-1905, MNAM), avec vue plongeante, et touches verticales pour le ciel, horizontales pour l'eau, diagonales pour le sol en pente. En 1904, la couleur est libérée de ses attributions conventionnelles en référence avec la nature : c'est le fauve qui n'hésite pas à peindre un chemin violet, et des arbres rouges, Portrait de Matisse, (1905, Tate), ou, mieux, Portrait de Derain, (1905, Mus. de Chartres) et Portrait d'Henri Matisse, (1905, MMCi). Ses paysages chantent, dans un éclatement de couleurs de feu, Le Phare de Collioure, (1905, MAMVP), avec pour partie la division de la touche, Bateaux à Collioure, (1905, KNW) . L'on n'est pas peu étonné de voir, dans cette gamme chromatique, des vues de Londres et de la Tamise : Le Pont de Waterloo,(1906, Th-B), Barque sur la Tamise, (1906, City AG, Leeds) ou Blackfriars Bridge, (1906-1907, AGG). Il marie le fondu et le divsionnisme, Reflets de soleil sur l'eau, (1905, An), qui est " serré ", tandis que Westminster, (1905, An) est divisionniste, ou encore, Bathers, (1907, MoMA). En 1906, il éteint sa palette, il prend le mode impressionniste, Pot sur le Riou, (1906, MoMA,). Il accompagne la naissance du cubisme* d'une touche et d'une construction cézanniennes, déjà apparente dans ses dernières toiles londoniennes, La Tamise au pont de Westminster, (1906). Il refuse les paroxysmes ds amis avec lesquels il a travaillé : Braque en 1909, Picasso en 1910, l'un et l'autre en 1914. Ce sont Les Baigneuses, (MoMA, 1907, MPP, 1908, MAMVP, 1908, NAR), inspirées de celles de Cézanne. Ce sont Vue de Cagnes, (1910, FME) et Maisons à Cagnes, (1910, KBâ).  Il cherche, lui aussi, à rendre les facettes multiples des choses, mais il saute les étapes créatrices des cubismes* analytique et synthétique. Nature morte à la table, (1910, MAMVP) introduisant déjà le modelé des anciens dans tel détail, La Table, (1911, MET), nostalgique de Cézanne, Le Bois, (1912,MRL), osant une grande composition religieuse, La Cène, (1911, AIC), regardant vers les muralistes sud-américains, Les Buveurs, (1913, Menard Art Museum, Aïchi).
Le souvenir des autres envahit alors son talent, les anciens avec Le Joueur de cornemuse, (1911, MIA), Samedi sombre, allongeant des jours, (1913, MAPP). C'est le retour à l'ordre. Les Portrait de Mme Kahnweiler, (1913, MNAM), Portrait d'Itturino, (1914, MNAM) et d'Un lecteur inconnu de journal, (1914, ERM) sont graves, solides, dépouillés mais mois épurés que les grands portraits de Matisse* de 1916 et 1917. Ses paysages courbent les arbres comme s'ils se penchaient vers l'Art nouveau*, Bosquet, (1912, ERM), Arbres, (1912, MAPP). Il y a encore le Portrait de Paul Poiret, (1915, MPSG), dont le graphisme souple et fin rappelle celui de Modigliani*, et le Portrait de Mme Derain au châle blanc, (1919, Tate). Il anticipe, voire explore toutes les tendances de son époque et du passé. Du passé surtout. Le goût du classicisme prédomine, qui l'amène à tout tempérer, à moderniser des maîtres anciens, les Espagnols, Le peintre et sa famille ou l'autoportrait avec allégories, (1939, Tate), et les Hollandais, Nature mort au potiron, (1939, muse de Santa Barbara), les Italiens aussi, La Chasse au cerf, (1938, MAMT), à modeler de beaux nus académiques, Nu devant un rideau vert, (1923, MNAM), à préférer l'inspiration du musée à la création de la vie. Dans les années 30, Geneviève, sa nièce, devient son inspiratrice et il trouve le silence de la toile comme très peu après lui, Balthus*, La Nièce du peintre, (1931, ORS), ou Les Alpilles, (ca. 1932).  Comme il renouvelle l'usage du noir, Nature morte sur fond noir, (1938, et au MAMT, 1945), fat de quelques traits gravés comme en fluorescence, ou exprimant la désespérance des campagnes, Paysage au lac, (1941), ou Paysage triste, (1946, MAMT), ou Paysage sinistre (1935, MAMT), à la lointaine parenté avec les plâtres gravés de Braque* de 1931.
Il est aussi sculpteur. En 1906, il commence la taille directe du bois; en 1907, de la pierre; il agence également les matériaux du hasard. En 1930, il collectionne les bronzes du Louristan (Iran). En 1938, un arbre arraché par une tornade met à sa disposition un amas de glaise qu'il se met à pétrir avec homogénéité en petits visages-masques, inspirés de l'art grec revu par la statuaire nègre. Son oeuvre sculpté compte 151 pièces.
Enfin, il est décorateur de théâtre de 1918, avec L'Annonce faite à Marie, à 1953 pour Le Barbier de Séville,  il réalise 10 décors et costumes. Très différetnt de l'oeuvre peint, il reste dans les limites du classicisme en y ajoutant la fantaisie; ses rideaux s'ouvrent largement comme pour prolonger la scène, sur la mer souvnt; ils sont de couleurs soutenues, vert bouteille, bruns clairs, bleus nuit ou ocres foncés.

Expositions : 1905, Salon d'Automne, Paris ; 1916, Paul Guillaume, Paris.

Rétrospective : 1954, 1994, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1977, Grand Palais, Paris.

Musées : Musée de l'Orangerie, Paris : 26 oeuvres de 1919 à 1933, et une de 1913. Collection Lévy, Troyes : 7 oeuvres antérieures à 1914 et 23 postérieures à 1921 (ainsi que 77 petites sculptures ); Musée de l'Ermitage, Leningrad, qui rassemble le plus grand nombre d'oeuvres de la période d'avant 1914.

Citation(s) : On a dit :
-  L'art de Derain est maintenant empreint de cette grandeur expressive que l'on pourrait dire antique  (Apollinaire). "
- Il ne s'agit pas de reproduire un objet, mais la vertu de cet objet au sens ancien du mot  (Breton).
- Derain est le peintre qui me passionne le plus, qui m'a le plus apporté et le plus appris depuis Cézanne, il est pour moi le plus audacieux  (Giacometti). 
- Derain me fait penser la chienne du voisin qui, selon les saisons, accouche de bassets, de fox-terriers ou de caniches. Il fait du Claude Lorrain, du Corot, du Renoir, ad libitum  (Vlaminck).