Fiche de présentation

DE CHIRICO, Giorgio

né le 10 juillet 1888 à Volo, Thessalie, Grèce, d'une famille italienne ; 1900-1902, fréquente dans une école de dessin d' Athènes ; 1905, sa mère devenue veuve s'établit en Bavière ; 1906-1909, Beaux-Arts de Munich ; 1909, s'établit à Milan ; 1911, gagne Paris et, durant le voyage, est marqué par l'architecture de la ville de Turin ; 1911-1915, vit à Paris ; 1915, mobilisé à Ferrare ; hospitalisé, peut continuer à peindre ; 1918, s'installe à Rome avec sa mère ; partage son temps entre l'Italie, l'Angleterre, les États-Unis et la France ; 1925, sa peinture est attaquée par les surréalistes*; 1927, retour en Italie ; 1932, s'installe à Florence ; 1934, à Paris ; 1945, à Rome ; 1974, élu à l'académie des Beaux-arts de France ; 1978, meurt le 19 novembre à Rome.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Dès 1909, il peint sous l'influence du peintre suisse du XIXe Böcklin, Combat de centaures, (1909, GAMR) ou Sérénade, (1910, NNG). Un Portrait de son frère, (1910, ibid.) indique le début de son évolution, dans sa manière plus cinquecento que Novecento* d'aborder la facture et la mise en page. Alors vient un peu plus d'une décennie de génie; il crée une oeuvre surréaliste avant la lettre, puissamment novatrice, à la filiation multiple. Mais ensuite, il fabrique le pastiche académique de ces dix ans. En 1912, Apollinaire baptise " métaphysique" * ses places à arcades répétitives, aux ombres démesurées et angoissantes, vides sous la chaleur écrasante, génératrices d'un silence pesant, marquées d'un symbole, sculpture antique, statue équestre, bananes ou artichauts avec au loin, dans une perspective fuyante comme un décor de théâtre, les ciels lourds d'orage vert se dégradant en aune. Méditation matinale, (1912), le thème monumental, est développé d'un pinceau tremblé qui devient ferme l'année suivante, Le Songe transformé, (1913, StLAM), et, à partir de La Récompense du devin, (1913, PMA), un train à vapeur dans les lointains, La Gare du Montparnasse, (1914, MoMA). À voir cette mélancolie du Sud, on se rappelle qu'en Espagne la sieste est nommée " la petite mort ". Ces inventions inspirent les architectes Guerini et La Padula pour Le palais du Travail, dans le quartier mussolinien de l'UER à Rome, sorte de Colisée devenu cube dont les arcades sont habitées de statues à l'antique. Sont aussi dits 'métaphysiques " les personnages à tête ovoïde, apparus en 1914, Le Voyage sans fin, (1914, WAH) ou Le Trouvère, (1917), et Les Archéologues, (1927, GAMR), sur un assemblage d'armures, de mannequins orthopédiques, avec équerres, tés, règles, ou ramassés dans le giron des réductions de ruines antiques. Ces toiles sont peintes de manière ferme, comme le tableau prémonitoire La Blessure du poète, (1914, MNAM), annonçant la blessure mortelle d'Apollinaire. Le mannequin retrouve une tête à moustache et impériale, Le Revenant, (1918, MNAM). Une rare nature morte, Le Salut de l'ami lointain, (1916). croissants, biscuits et lettre géométrisée, suivie de Vie silencieuse, (1924), grenades et raisins disposés avec désinvolture. Durant cette période, il est portraitiste envoûtant, Autoportrait, (1911-1912, MoMA) ou Paul Guillaume, (1915, MPSG), aux regards songeurs sur fond d'angoisse glauque, Le Cerveau de l'enfant, (1914, MMS), homme mûr, torse nu, barbiche début de siècle, yeux fermés sur fond de ville et encore Dr Barnes, (1926, BAR). Les portraits de sa conversion à l'Antiquité, suite de la découverte du Titien de la galerie Borghèse dans les années 1920, sont à la manière du cinquecento, Autoportrait, (1920) et Autoportrait, (1922), dans lequel le visage et la pose sont renaissants mais fondus dans une grisaille, ou en avant-plan d'un paysage, Buste de femme, (1921). Certains autoportraits des dernières années de la vie, en costume antique, prêtent à sourire d'une certaine mégalomanie sénile, (1935-1948, GAMR, pour la plupart).
La véritable métamorphose et le véritable déclin débutent en 1922 avec Ulysse, et des paysages ; la lumière angoissante a disparu, la rigueur du pinceau a disparu ; la touche s'est faite multiple, chinée, tremblée ; l'éclairage est plat, le sujet académique ou redondant, le style est néo-antique mussolinien. Il faut voir l'amas, bien construit au demeurant, des douze gladiateurs et des trois chevaux dans une grande machine, L'École des gladiateurs, (1928), pour mesurer ce qui sépare le peintre de ce qu'il fut ; ils font partie de la décoration de l'appartement de Léonce Rosenberg à Paris ; les corps sont élongés, les dessus de porte en nature morte de trophées, molles et les attitudes faussement viriles. Et ainsi jusqu'en 1970, avec cependant des retours en arrière dans lesquels il retrouve son génie., Cavaliere Frigo, (1939), ou L'Addio dell'Amico, (1950).
Autopastiche :
En 1970, il reproduit, d'un pinceau tremblant, approximatif, brouillon même, sa période métaphysique et les thèmes qui firent sa gloire. De 1920 à 1960, il se constitue un musée imaginaire par copie des maîtres, de Raphaël à Courbet. Il est aussi sculpteur de 1938 à 1969.
Les faux :
En 1960, le peintre est accusé d'avoir collaboré à des faux, revêtant de sa signature des toiles à sa manière, peintes par des tiers. En 1977, la police découvre à Florence 1 300 tableaux dont les faussaires, Renato Peretti et Umberto Lombardi, affirment que s'ils sont faux, leur signature est authentique. Ils ajoutent : " On sait que la production du maître atteint sinon dépasse dix mille tableaux : comment, même en travaillant durant soixante ans comme il l'a fait, aurait-il pu peindre tout cela tout seul ? " Il n'existe, de l'aveu même du peintre, aucun inventaire des 6 500 tableaux qu'il estime avoir peints et dès lors, il est le seul, dit-il, à pouvoir décerner des certificats. Prétention elle-même sujette à caution, puisque depuis les années 1970, il fait retirer des musées des toiles décrétées fausses et emportant pourtant la plus sérieuse présomption d'authenticité. Déjà lors de la rupture avec les surréalistes, vers 1925, il prétend, pour se justifier, qu'ils font circuler des faux destinés à le discréditer.

Expositions : 1912, 1913, salon d'Automne, Paris ; 1918, Anton Giulio Bragaglia, Rome, (P) ; 1922, Paul Guillaume, Paris, (P) ; 1923, 1942, biennale de Venise ; 1925, Effort moderne, Paris, (P) ; 1928, Valentine, New York, (P) ; 1975, Musée Marmottan, Paris.

Rétrospective : 1970, Palazzo Reale, Milan et Kestner, Hanovre ; 1981, Galleria d'Ae Moderna, Rome ; 1982, Musum of Modern Art, New York, Tate, Londres, Haus der Kunst, Munich, centre Pompidou, Paris ; 2009, musée d''Art moderne de la ville, Paris.

Musées : Musée d'Art moderne de la ville, Paris : 61 tableaux, de 1936 à 1975,  legs Isabelle Pakzwer, veuve de l'artiste  ; Musée Billotti, orangerie de la villa Borghese, Rome : 20 tabelaux ;   Barnes Collection, 16 tableaux ; fondation Giorgio et Isa De Chirico, Rome.

Citation(s) : On a dit :
-  Voici l'artiste le plus étonnant de sa génération. [...] Un peintre ennemi des arbres mais ami des statues " (Apollinaire).
 - Ce calme antique des accidents qui viennent d'avoir lieu et montre la vitesse surprise par l'immobilité sans avoir eu le temps de faire ses préparatifs. (Cocteau).
- Vers 1926, De Chirico abandonna sa conception (métaphysique) et se tourna vers un coup de pinceau moins discipliné; ses admirateurs ne pouvaient le suivre et décidèrent que le De Chirico de la seconde manière avait perdu la flamme du premier. Mais la postérité pourrait avoir un mot à dire.  (Marcel Duchamp, 1943).
  -De Chirico est en train de faire mon portrait. Cet artiste est un homme étrange, hautain et très timide, tantôt distrait, tantôt profond et subtil. Il a une culture insoupconée qui perce constamment et presque sans qu'il y paraisse, dans sa conversation. (comte Galeazzo Ciano, Journal politique, 1939-1943).