Fiche de présentation

SUTHERLAND, Graham

né le 24 août 1903 à Londres, Angleterre, Royaume-Uni  ; 1919-1920, apprenti mécanicien ; 1921-1926 Goldsmith's College of Art, Londres ; 1926, se convertit au catholicisme que pratique la femme qu'il épouse en 1927, Kathleen Sutherland*, née Frances Barry ; 1928-1929, enseigne la gravure à l'école d'art de Chelsea ; 1931, pour vivre, travaille dans la publicité, crée des affiches, des céramiques, des tissus ; 1932-1939, enseigne l'illustration à l'école d'art de Chelsea ; 1934, découvre le Pembrokeshire, pays de Galles ; 1940-1945, travaille comme artiste officiel de la guerre ; vit simultanément à Trottiscliffe, Kent, et, depuis 1955, à Menton, Alpes-Maritimes, enfin, depuis 1976 à Picton Castle, Haverfordwest, pays de Galles ; 1972, membre honoraire de l'académie américaine des arts et des lettres ; 1977, membre honoraire de l'académie royale d'Écosse ; 1980, meurt le 17 février à Londres ;  est enterré au cimetière de l'église protestante de Trottiscliffe, Kent.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Parce qu'il a participé, en 1936, à l'International Surrealist Exhibition, New Burlington Galleries, Londres, on l'a assimilé au surréalisme* ; à tort.
Il commence par être graveur, de 1923 à 1934 : les Américains sont friands de ses planches mais la Grande Dépression le force à des travaux alimentaires ; avec Pastoral, (1930), il attribue pour la première fois une âme à la nature. De cette époque, peu de peintures sont conservées.
En 1934, il découvre le Pembrokeshire en pays de Galles et la réalité de la nature. Non celle des paysages pour lesquels il subit quelque peu l'influence de Paul Nash*, mais celle de ses éléments séparés, racines, pierres, rochers, minéraux et végétaux torturés qu'il paraphrase, mieux, qu'il métamorphose. Il est le peintre des thorns and horns, des épines et des cornes, chérissant les formes déchiquetées, torturées, monstrueuses, remarquées dans ses promenades, qui sécrètent une angoisse, qu'il amplifie. Il capte la nature au moment où elle germine, où elle fend les éléments pour venir au jour. Végétations, pierres, squelettes d'animaux sont transposés en peintures dotées d'appendices zoomorphes pinçant et contondant, recréés en équilibrant la verticalité et l'horizontalité par des formes rondes, Entrance to Lane, (1939, Tate), Fallen Tree, (1939, Tate), Green Tree Form : Interior of Woods, (1940, Tate), Black Landscape, (1939-1940).
En 1940, il est artiste de guerre. Les ruines de Londres et celles de Paris en 1944 ; il y ajoute le travail de la mine et celui des hauts-fourneaux ; les engins militaires rejoignent le tragique de ses natures mortes du Pembrokeshire, où il s'évade encore pour peindre d'une palette allégée, comme contrepoint aux affres auxquels il est confronté. Ces toiles de format modeste, préparées au carreau, où il peint ces détails inquiétants, sélectionnés et promus à la monumentalité, il les reprend sur formats agrandis, dans une série de Standings Forms, (1952, MNAM). Grands totems, faits de l'amalgame vertical de ses formes cornues et épineuses auxquelles se joignent des carapaces annelées.
Ses œuvres religieuses sont plus explicites, Deposition, (1946, Fitzwilliam, Cambridge), le groupe de la descente de Croix est réalisé avec une imprécision et des dégradés de couleurs qui suggèrent le mouvement ; Standing Forms II, (1952, Sofidu) modifie les situations : la Croix est à l'envers, les trois personnages se présentent en échelle inversée, ramenés à des structures d'ossements carnés ; Crucifixion, (1946), étude pour l'église Saint-Matthieu de Northampton, est un renouvellement du Triptyque d'Issenheim de Grünewald.
Ses études lui servent à continuer la manière de ses natures mortes, Thorn Trees, (1946, British Council, Londres).
Visitant le Midi de la France depuis 1947, s'installant à Menton de 1955 à 1967, il subit la dialectique entre les formes sculpturales dressées qu'il y enregistre et les formes organiques de toujours, que le pays de Galles lui a fournies.
Ses toiles s'agrandissent, deviennent plus complexes, plus organisées, plus touffues, avec des cercles qui sont des bulles que rencontrent des pierres dressées prolongées par des bras ressortissant à l'humain, au mécanique, à l'animal, au végétal, Standing form Against Hedge, (1950, ACC). Sa palette s'éclaircit, ne refusant ni les rouges ni les jaunes, mais accueillant par prédilection les verts, aubergines et vieux roses marqués d'un soupçon de violet.
Alors que jusque-là il n'a guère peint de figures, sinon allusives, il devient portraitiste recherché. Entre 1949 et 1975, une quarantaine de toiles, se limitant aux célébrités. Le tout premier est celui de Somerset Maugham, (1949, Tate), à la hauteur aristocratique du sujet, répond l'usage incisif du pinceau en feuille de palmier ; Reverend Walter Husey, (1957), dont le visage morgueux, de trois quarts est engoncé dans la coule blanche ; Konrad Adenauer, (1965), la main agrippée au front, ridé comme une vieille pomme ; Lord Rayne of Prince's Meadow, (1968-1969, Fitzwilliam, Cambridge), prêt à bondir de sa chaise d'où il regarde de face l'étudiant ; Cuthert Airman Simpson (1968-1969, Christchurch hall, Oxford), dont la tête et les mains sortent de l'ombre où se tapit le corps, ou encore Sir Charles Clore, (1965-1975, Tate), en blanc et beige, dans une frontalité parfaitement équilibrée au milieu des accoudoirs de son fauteuil.
Le Portrait de sir Winston Churchill, (1954) : on ne peut plus parler de cette œuvre, offerte à l'homme d'État par le Parlement, en 1954, à l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire, et détruite en 1955-1956, sur ordre de lady Clementine, sa femme, par le jardinier de Chartwell, la maison de campagne du Kent, en même temps que les ordures végétales. L'ancien Premier ministre ne désirait pas, dit-elle, que passe à la postérité un chef-d'œuvre représentant un vieil homme qui se voulait toujours un lutteur en pleine forme...
Il n'y avait pas de quoi commettre cet "acte de vandalisme" (Sutherland) et infliger cette "perte à la nation" (Lord Clark, ancien directeur de la National Gallery), puisque l'art du portrait de Sutherland n'est pas révolutionnaire ; ce n'est pas du "Picasso" ; c'est au contraire dans la ligne de la tradition qu'il décèle l'âme de ses sujets, grâce à un pinceau ferme, parfois acéré, veillant soigneusement à la mise en page. Il se remet à des cycles de gravures, sans abandonner pour autant les autres techniques,The Rock, the Forest and the River, (1972), Bees, (1977), Bestiaire ou cortège d'Orphée, (1979).
Depuis 1952, il sculpte.

Expositions : 1923, Royal Academy, Londres, (G) ; 1927, Arts décoratifs, Paris, (G) ; 1928, The Twenty One, Londres, (P) ; 1940, Leicester, Londres, (P) ; 1946, Buchholz, New York, (P) ; 1952, Musée d'Art moderne, Paris, (P).

Rétrospective : 1951, ICA, Londres ; 1953, Boston, Stedelijk Museum, Amsterdam, Kunsthaus, Zurich et Tate, Londres ; 1998, Musée Picasso, Antibes.

Musées : Picton Castle near Haverfordwest, Pays de Galles, auquel il a confié une fondation regroupant toutes les toiles de sa collection inspirées par le Pembrokeshire, ainsi qu'un certain nombre d'œuvres spécialement conçues pour le bâtiment. La collection Ruggerini, Il Castello, Milan, regroupe des œuvres de toutes les périodes. Quant aux musées français de province, un seul, celui de Menton, conserve La Fontaine (1966).

Lieux publics : 1944, Crucifixon, St. Mathew's Church, Northampton ; 1954-1957, Cathédrale de Coventry, tapisserie géante, Christ in Glory; 1960, Noli me tangere, cathédrale de Chichester ; Crucifixion, Saint Aidan in Acton.

Citation(s) : Il a dit :
- Je suis intéressé par les formes dans la nature et surtout par leur étrange équilibre rythmique. Si vous regardez quelque chose suffisamment longtemps, ou si vous êtes en un jour d'état de grâce, vous pouvez voir presque d'un coup ce rythme extraordinairement complexe et contenu qui est pour moi la chose la plus fascinante qui soit. [...] Si j'aborde une série de "circonstances" comme je les appelle, six fois, rien ne se passe et la septième fois, il se peut qu'elle me parle et je sens qu'elle peut être les prémices d'une peinture. Alors commence le combat. Il faut recommencer et recommencer pour essayer d'extirper quelque chose qui apparaît insoluble et, souvent, l'est de fait ; c'est ainsi que l'on gâche tant de temps.
- Quand on regarde les autres peintres vivants, il n'y a pas beaucoup de concurrence.
On a dit :
- Ses portraits sont très jolis à condition d'aimer les couvertures de "Time". (Francis Bacon).
- Le seul artiste original que l'Angleterre ait donné au monde depuis plus de cent ans. (Douglas Cooper).