Fiche de présentation

SCHIELE, Egon

né le 12 juin 1890 à Tulln, Autriche ; 1906-1909, académie des Beaux-arts de Vienne ; 1911, brève incarcération pour dessins immoraux ; 1912, s'installe à Vienne ; 1915-1917, mobilisé aux armées ; 1918, meurt le 31 octobre à Vienne de la grippe espagnole ; y est enterré au cimetière de St. Veit.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Presque oubliée pendant une trentaine d'années, son oeuvre échappe ainsi à la destruction comme art " dégénéré "*. Maison à Hutteldorf, (1907) ou Portrait du peintre Hans Massmann, (1909, musée de Zug) rompt avec les pochades à l'huile sur carton de paysages peintes sur le motif. La même année, il plonge dans un art personnel avec, comme prémonition, ce que sera Auschwitz. Thanatos auquel vient s'ajouter Eros. Par son souci de faire apparaître, fût-ce en transparence, les squelettes, par la mise en scène de l'érotisme qui n'est qu'un dernier cri contre la mort, par les gestes raides de marionnettes désarticulées au repos, il est le plus tragique des expressionnistes* germaniques, Jeune homme, (1910), encore raide de longues touches verticales.  S'il a un père, c'est Toulouse-Lautrec, avec qui il partage le graphisme acéré et acerbe, le goût de la mise en page posée, insolite en plongée, et de la chair prête à faire l'amour avant de se défaire ; il est aussi étrangement proche du Kokoschka* des années 1906-1907, son aîné de quatre ans. Au départ, quelque traits de son académisme laissent penser que la ligne droite et sereine ne sera pas son fort, Chemin le long du ruisseau Kierlinger, (1907, musée de Linz). Il est impressionniste, cloisoniste, et influencé par Klimt* moins qu'on ne le dit. Dans Gertrude Schiele, (1909) apparaît un sens décoratif, cher au Jugendstil* : dans le manteau noir entrouvert, on voit les motifs d'une robe comme celles dont Klimt revêt, depuis le début du siècle, ses femmes. La toile pivot, c'est L'Autoportrait aux doigts écartés, (1909, Wien Museum), aux motifs dorés et aux doigts pour la première fois démesurés, en éventail. C'est le langage de mains surdimensionnées et prenant la pose, tel qu'on le lit dans ses photographies, Autoportrait à la tête penchée, (1912, LEOP). Tragédie du trait, Tournesol, (1910, HMSW), qui n'est plus en somme qu'un cadavre de plante déchiquetée par le soleil. Cette ligne torturée, sans cesse brisée, délimitant des figures décharnées, rehaussées de rouge et de vert, de sang et de putréfaction. L'érotisme s'attarde sur les sexes, masculins ou féminins, protubérants, aigus, jamais vulgaires, si différents de Lucian Freud*; les arêtes des os sont visibles, les phalanges des doigts arthritiques à souhait, le sexe rduit à une section de bambou, les épaules en portemanteau, les muscles sous la peau émaciée, les touffes de poils en porc-épic. La mort s'est déjà introduite dans la vie ; c'est Mère décédée, (1910, LEOP), étreignant son enfant enveloppé de crêpe ; on la retrouve tant avec Karl Zakovsek, (1910), épaules déchaussées et main décharnée, qu'avec Arthur Roessler, (1910, HMSW), aux yeux clos, aux bras pliés à angle droit sur le torse dans un geste de protection contre une invisible attaqe; ses figures ressortent sur des fonds nus, noircis, neutres, Rainer Boy, (1910, OG). Le Double Portrait d'Heinrich Benesch et de son fils Otto, (1913, musée de Linz) indique par le bras levé en sémaphore le refus par le père de l'envoldu fils. Le cri de l'obscénité est d'autant plus significatif quand les corps restent habillés pour mettre en évidence ce que la bienséance bourgeoise cherche à cacher, Femme à demi nue couchée, (1911), fesses offertes dans une jupe bayadère retroussée ; Femme nue couchée, (1911) au regard troublé par l'orgasme ; Cardinal et religieuse, (1912, LEOP) dont les robes, rouge et noire, ne peuvent cacher les mollets nus ; Wally avec une blouse rouge, (1913), aguichante du regard e des sous-vêtements défaits. Les Ermites, (1912, LEOP), en pied, monumentaux, si proches l'un de l'autre, se détachent sur fond beige modulé. L'ondoiement vibratile de Mort et Jeune fille, (1915, ÖG) ou de l'Étreinte, (1917, ibid.) présentent des fonds aussi tourmentés que les figures qui s'y (con)fondent ; la raideur frontale de Paris-Von Gütersloh, (1918) relève de cette volonté de construire dans un monde dont la palette qui se faisande indique qu'il est entré dans une putréfaction générale.
La verticalité tranquille d'Edith Schiele, (1915, HGM), marque un apaisement et une insistance sur l'aspect décoratif de la jupe, bayadère encore une fois; même assouplisement dans La Famille, (1918, ÖG) ou dans (1918, LEOP) frontalement dans une pâte meurtrie. Ce n'est donc guère qu'en 1918 qu'il abandonne les figures squelettiques, pour des corps limités d'un trait ondulant Edith Schiele, assise, (1918, OG), Hugo Kolle, (1918, ibid.) et pour ce dernier morcelé par l'acuité du trait mince. Plus généralement, sous la peau, du muscle prend place ; il développe l'art du rouge et du blanc, attirant d'une touche de celui-là le regard, l'estompant par des allusions de celi-ci, délavé. Lyrique, (1911) est inspiré, dans sa structure, de l'Accomplissement de Klimt; chez celui-ci, la décoration prédominait, noyant le sujet, chez Schiele, le souci décoratif s'efface devant celui de la construction et c'est aisi que, en 1912, il commence à explorer le symbolisme, dans une marche à rebours, mais à sa manière qui est celle de l'art du vitrail. Les corps lovés ou appliqués dans un décor d'à-plats ouvragés, sans perspective, comme une verrière aux teintes sourdes, Agonie, (1912, NPSG), un moine priant pour l'autre mourant, et Mère aveugle, (1914, LEOP). La même tragédie habite ses paysages et ses sites urbains ou ruraux , la nature elle-même est torturée et pathétique, Petit arbre de fin d'automne, (1911, LEOP) et Arbre d'automne au vent, (1912, ibid) et Paysage aux corbeaux, (1911, LEOP), morcelé. Ou le même effet de vitrail dans leur expression la plus chargée, Ville morte, (1912, Kunsthaus, Vienne et LEOP), quadrangles sombres entassés frontalement avec un effet d'orbites pour les deux fenêtres principales, Stein sur le Danube, (1913, LEOP), en superposition de plans et en juxtaposition de formes, La Vieille Ville, (1914, Th-B), avec ses parallélépipèdes de maisons bien rangées, vides de toute présence, comme Mur, (1914, ÖG), avec ses cinq bandes horizontales, trois de fenêtres et deux de tuiles, alternées, dans le goût de la décoration viennoise. Les rares intérieurs rappellent la volonté décorative dominées par la tragédie de l'absence, La Chambre de l'artiste à Neulengbach, (1911, HMSW) est la transposition en Jugendstil de La Chambre de Van Gogh en Arles, (1888) ou L'Atelier, (1910), avec sa marqueterie d'objets. L'oeuvre comprend 350 toiles et 3 500 oeuvres sur papier.

Expositions : 1908, Klosterneubourg,(G) ; 1911, Miethke, Vienne, (P) ; 1914, Rome, Bruxelles et Paris, (G) ; 1915, Kunsthaus, Zurich, (P).

Rétrospective : 1918, Sécession, Vienne ; 1941, États-Unis ; 1948, 1968, simultanément dans différents musées de Vienne ; 1987, Palais des Beaux-arts, Charleroi ; 1995, Fondation Giannada, Martigny ; 2006, Albertina, Vienne.

Musées : Fondation Schiele, Krumau.

Citation(s) : Il a dit :
-  J'aime la vie, j'aime la mort. Tout est mort vivant. Je suis si riche que je dois m'offrir.
On a dit :
- Pour Schiele tout est tragique. Le corps humain, c'est le sien. Il se peint sous tous les angles. Telle est la gravité de son inspiration qu'une scène d'amour devient un drame : un homme et une femme lovés dans l'espèce de mer houleuse que font les draps sur leurs corps. Nous sommes tous dans un monde panique. (Julien Green, 29 otobre 1977).