Fiche de présentation

MITCHELL, Joan

née le 21 février 1926 à Chicago, Illinois, États-Unis d'Amérique ; 1944-1951, Art Institute, Chicago ; 1948-1949, séjourne en Europe et notamment en France ; 1955, s'installe à Paris ; 1955-1979, vit avec Jean-Paul Riopelle*; 1969, s'installe à Vétheuil, Val-d'Oise ; 1984, première attaque du cancer, de la hanche, puis de la mâchoire ; 1989, grand prix national de peinture ; 1991, grand prix des arts de la ville de Paris ; 1992, meurt le 30 octobre à Paris.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Les premières toiles, celles de 1951 et 1952, font songer à une Vieira da Silva* distendue : même palette terne, même agglomérat de formes qui s'enfoncent au centre. Dès 1956, elle adopte le trait épais, en ruban, pour traduire une évocation végétale, si elle n'était aussi grave, Peinture, (1956-1957, MNAM) pourrait renvoyer, avec son mélange d'horizontales et de diagonales, à une haie vive. History of Leroy Borton, (1956, MoMA), fait de touches, et Towards Disappearance, II, (1958, MoMA), fait de taches, Lucky Seven, (1962, BEL), massif centrifuge en léger relief d'huiles sombres et de lacis, allant vers la clarté, ou Mon paysage, (1967, FMSP), toutes ces toiles la situent dans l'école de New York* pour sa monumentalité et dans l'expressionnisme abstrait* pour sa palette. Lorsque ses traits se pelotonnent, Chicago, (1964-1965), c'est l'évocation de la ville au bord du Michigan. Cette consécration à la longue touche en ruban, elle l'interrompt de 1968 à 1979, au profit du rectangle, parfois sagement rangé, parfois aussi jeté à la va-comme-je-te-pousse, entre des coups de peinture anarchiques, Clearing, (1973, WM), ou Chasse interdite, (1973, MNAM), tetraptyque, Aires pour Marion, (1975), et encore Sans titre, (1978), diptyque. Le jaune et le bleu dominent, des fleurs en vase sont posées sur fond blanc, des carreaux aux couleurs froides et chaudes n'ouvrent que sur eux-mêmes, une vaste composition de formes quadrangulaires arrondies, Les Bluets, (1973), ramène à la nature. À compter de 1976, enfin, sa facture est devenue impressionniste abstraite, elle retrouve ses serpentins gestuels, et ses couleurs deviennent automnales, Autumn, Mist, (1976), mais surtout florales. À la Monet. Même si elle récuse le rapprochement. Car elle demeure américaine par l'énergie de sa gestualité et ses formats importants. Elle fait éclater les couleurs dans des toiles follement printanières, dans une exubérance de jaunes citron, de jaunes cadmium, répondant au cobalt et au saphir, les véronèse se mariant à l'améthyste. Cette explosion chromatique est gerbée, " dans le frais ", sans attendre le séchage de l'une avant de poser l'autre, la touche épaisse se superposant ou se juxtaposant à la touche plus mince, laissant des solutions de continuité sur une toile sans complétude, The Good-Bye Door, (1980, MNAM), La Grande Vallée, IV, (FRAC Haute-Normandie). En 1985-1987, la densité de ses entrelacs se distend en même temps que l'intensité des couleurs s'affaiblit, et que le blanc intervient de manière plus prégnante. C'est marginalement qu'il se pose, dans la série des Barges, (1975), où l'entrelacs des traits sombres se trouve comprimé dans le bas, sous un ciel opalescent ou dans celle des Champs, (1990, FNAC), où l'horizontalité remplace la sarabande : ses " paysages " apparaissent dans un encadrement de lacis blancs qui " signifient " le châssis au travers duquel ils sont vus. Si elle veut rapporter arbres ou éléments, elle en vient à la verticalité : c'est la série des arbres qui s'étend de 1976 à 1992, Rain, (1989) ou Tilleul, (1992).
Sa prédilection va à l'assemblage de trois ou quatre panneaux totalisant une vingtaine de mètres carrés, La Vie en rose, (1979, MET), tétraptyque : " C'est le seul moyen de réaliser de grandes toiles qui puissent sortir facilement de l'atelier "; c'est aussi le moyen d'englober le spectateur; et d'être acculée aux césures verticales affectionnées parce qu'elles détruisent l'effet horizontal Triptyque, (1973) dans lequel les huiles sont réparties en rectangles à la Rothko*, ou Triptyque, (1976), aux couleurs touffues d'automne. Le panneau unique subsiste néanmoins, Tooth Paste, (1987), aux couleur de la verdure, aux touches noires baladeuses, à la chinoise, Sans titre, 1989).
La dernière année, son graphisme est réduit à une écriture touffue et éclatante, perdue sur la toile blanche, Sans titre, (1992). Elle peint aussi quelques tondi.
Cette oeuvre personnelle chevauche l'expressionnisme* américain et l'abstraction impressionniste française. Elle appartient à deux mondes sans la moindre schizophrénie.

Expositions : 1950, St. Paul, Minnesota ; 1960, Neufville, Paris ; 1982, Centre Pompidou, Paris ; 1967, Jean Fournier, Paris.

Rétrospective : 1974, Whitney, New York ; 1982, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1988, itinérante à travers les États-Unis ; 1994, Jeu-de-Paume et musée des Beaux-Arts de Nantes.

Citation(s) : Elle a dit :
- Quand mes peintures sont parties pour New York, j'étais dans le jardin : les arbres et le jardin étaient beaux et il y avait une belle lumière et je voyais les peintures qui bougeaient. Un grand homme fort les bougeait avec beaucoup de facilité et je voyais toutes les couleurs qui bougeaient derrière les arbres. C'était comme une parade et j'étais heureuse; pour une fois je ne me sentais pas abandonnée.  (1986).