Fiche de présentation

MANESSIER, Alfred

né le 5 décembre 1911 à Saint-Ouen, Somme, France; 1924, Beaux-Arts d'Amiens; 1929-1935, architecture aux Beaux-Arts de Paris; 1935 se consacre à la peinture; académie Ranson dans l'atelier de Bissière*; 1943, séjour à la Trappe de Saligny qui le bouleverse, le " convertit "; 1962, grand prix international de la XXXIe Biennale de Venise*; 1963-1966, séjourne en Espagne;1967-1969, au anada; 1993, meurt le 1er août à Orléans d'un accident de voiture; est inhumé au cimetière de Saint-Ouen, Somme.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Il y a deux Manessier, celui de la palette froide, issue de la lumière de la baie de Somme, aux géométries statiques, et l'autre, le mystique aux couleurs chaudes et sinueuses qui illustre les drames du monde, qu'ils soient religieux ou politiques. " Illustrer " est impropre, puisque tout son travail consiste à trouver des équivalences chromatiques, marquées de signifiants, à des situations ou à des lieux, inscrits dans l'histoire ou la géographie, qu'il convient de transposer dans la sensibilité. C'est pourquoi il est important d'apporter attention aux titres qui servent de guide à l'oeil. " J'ai donc pensé qu'en rejetant la figuration, j'exprimerais plus aisément ce que je ressentais. " La césure avec les années de formation se situe en 1943, après le séjour à la Trappe. Dès ce départ, on sent dans sa peinture une aptitude à être traduite en vitrail. Les géométries s'enchevêtrent, soutenues l'une l'autre par leur chromatisme, ordonnées en morceaux unis ou modulés, séparées par le noir ou la couleur de traits approximatifs, interrompus, porteurs de pointes acérées, aptes à laisser passer la lumière des couleurs sourdes même si, pour le moment, elles se contentent de la refléter, Le Mandoliniste, (1943, MBALy), Salve Regina, (1945, MBANa), La 6ème heure,L'Hiver, (1957-1958, MNAM). Ses thèmes vont traduire aussi bien la peur et l'angoisse que la fête, ce sera une question d palette. (1950, NGOs), amorce du grillage qui fait premier plan est présente, avec des géométries irrégulières colorées sur fond gris. Il développe donc toute une oeuvre faite de grillages, de petites géométries noires, et de pièces colorées posées sur des fonds, conjuguant l'espace et la lumière fût-elle intérieure, Pietà, (1948, PIC), éclatement de petites géométries morcellées, Terre assoiffée, (1966, MNAM). ou ondulements étirés, Fishes Sanctuary, (1969, MNAM); il hante les abysses de l'océan ou de l'âme; ses fonds turquoise, émeraude, améthyste, profonds le disent; là se déroulent les rubans cloisonnés par des traits noirs; là s'érigent les treillages; là surnagent les formes empruntant des couleurs différentes, elles flottent en attendant un remous qui les animera. Il peint des vitraux sur toile avec leurs luminosités contenues par des armatures de fer, La Nuit de Getshémani, (1952, KNW), Barrabas, (1952, Vabbe), Pour la fête du Christ-Roi, (1952, MoMA). Autre part, la forme habite, sans fond, la totalité de la surface, bénéficiant d'un dynamisme interne grâce aux strates, à la rencontre de la courbe et du plan, à la conduite de la couleur en ramifications qui se croisent sans se fondre ni se séparer par des contours, Tumulte, Empreinte, (1961, KZ). Densité, sérénité, silence, portent à la méditation, (1962, MNAM), triptyque avec prédelle dont le panneau central laisse apercevoir la figure christique marquant le line de Véronique, dans la suite de Rouault*. Et aussi la très haute Offrande de la terre ou hommage à Teilhard de Chardin, (1961-1962, MNAM), 6 m. de verticalité, avec dans une anfractuosité centrale une forme qui pourrait évoquer la soutane du jésuite. De technique peu différente, mais d'inspiration politique, commencent en 1956 des toiles consacrées aux meurtres de notre temps, Requiem, (1956), à l'occasion de Budapest; Hommage à Martin Luther King, (1968, MNAM), Le Procès de Burgos, (1970-1971), Le 11 septembre 1973, (1973, MAMN), Pour la mère d'un condamné à mort, (1975, MNAM). avec toutes ses éclaboussures de sang noir sur fond rougeoyant, Les Favelles, (1979 à 1983, dont plusieurs au MNAM), ce sont les yeux de la nuit, ces fenêtres obscures perdues derrières les barrières concentrationnaires des quartiers réprouvés. Dans sa série des Passion selon... (1986), les taches en éclaboussures remplacent, pour la structure, les treillis; sur une toile de fond modulée, elles tracent une croix et des croix, dans une bordure. Liberté, liberté, hommage à l'abbé Grégoire, (1989), 6 x 2,30 m, déploie une grande forme noire qui rassemble les deux parties, bleu, blanc, rouge, assourdis, déchiquetés et mêlés, coulant de gauche, en traînées de liberté, pour se reconstituer à droite en un tourbillon entraîneur. Ses oeuvres - les seules religieuses depuis Rouault* - sont à voir dans l'architecture cistercienne du XIIe sièle, comme des taches méditatives profondes dans la blancheur dépouillée à laquelle elle s'accorde. Dès la fin des années 40, une première incursion dans les paysages extérieurs de la Somme, très équilibrés, Espace matinal, (1949, MNAM), horizontalité de la trame, ponctuée de petits triangles sombres sur fond glauque doté d'éclaircies; Hiver, (1950), NO, Per amica silentia lunae, (1954, FME) rendent les grisailles d'hiver de la mer du Nord, comme Fête en Zeeland, (1955, K) et Espace marin, variation I, II et III, (1991), avec leurs formes découpées superposées sur fond de sable. À l'opposé chromatique, toutes de blondeurs sereines, des toiles de Beauce étalent les blés dans les découpes des champs, de 1970 à 1974. À rattacher à cette veine, la série Sables, (1983, MNAM), lavis d'encre de Chine sur papier, reproduisant dans toutes leurs variétés les laisses des plages sablonneuses et leurs reliefs. Si la peinture de Le Moal*, son plus proche compagnon en abstraction* impressionniste, est atomisée, ponctuelle, la sienne tout en étirements réclame pour sécréter son meilleur de grands espaces où les expansions se trouvent à l'aise.
Et avant ? Il peint dès l'âge de 16 ans des marines " assez bonnes ", dit-il, Le Port du Crotoy, (1927), suivi de Dieux marins, (1935, MNAM), forme mécanique, terminée par une main d'un côté, d'un bras-rateau de l'autre, dans lequel on lit déjà les étirements qui deviendront abstraits* au moment de sa maîtrise, et par le cubisme-surréaliste* hérité de Picasso, de 1938 à 1943.
Ses vrais débuts, c'est peut-être Morte Eau, (1954, MNAM), ou Pêche au matin, (1955), lorsqu'il dépouille ne gardant que cinq formes oblongues superposées bordées de jaune profond, contenant des signes noirs sur bleus pâles.
Il est aussi dessinateur de vitraux, cartonnier de tapisseries, mosaïste, émailleur, décorateur de théâtre, illustrateur de livres.

Expositions : 1937, Breteau, Paris, (G); 1941, Vingt jeunes peintres e tradition française, Braun, Paris;1949, Jenne Bucher, Paris, (P); 1955, Van Abbe Museum, Eindhoven, (P); 1962, biennale de Venise; 1971, musée d'Art moderne de la ville, Paris; 1989, gal. de France.

Rétrospective : 1979, palais des Beaux-Arts, Charleroi; 1973, fondation Gulbenkian,; Lisbonne; 1990, musée Bouche de Perthes, Abbeville; 1992, Grand Palais, Paris.

Lieux publics : 1948, vitraux de l'église de Bréseux, Doubs; 1952, église de Tous-les-Saints, Bâle; 1958, chapelle d'Hem, Nord; 1964, St. Gereon, Cologne, et Unter Lieben Frauen, Brême; 1980, église évangélique Paul-Gerardt, Berlin; 1989, église du Saint-Sépulcre, Abbeville.

Citation(s) : Il a dit :
-On regarde le peintre pour essayer de comprendre la vérité de la peinture, alors qu'on devrait essentiellement regarder le peinture pour essayer de comprendre la vérité du peintre.
- L'esprit souffle et ne souffle pas. Il est la liberté même. On peut être génialsansle savoir, on y est pour rien. Si vous croyez être pour quelque chose, le génie disparaîtà l'instantet cele marcje sur les eaux, disons le, avec un  mot que je n'emploie qu'entremblant, mystique. A la limite, il faut se tenir dans le non-voulor de la prière.