Fiche de présentation

KLEE, Paul

né le 18 décembre 1879 à Münchenbrichsee, près de Berne, Suisse ; parents musiciens, père allemand et mère suisse ; 1886-18990, apprend le violon et participe à la société de musique de Berne ; 1898-1901, école de peinture Knirr de Munich ; 1906, s'établit à Munich ; 1907, naissance de Félix Klee* ; 1911, adhère au Blaue Reiter* et fait la connaissance de Kandinsky* ; 1914, co-fonde la Nouvelle Sécession* ; voyage en Tunisie avec Macke* ; 1916-1918, mobilisé dans l'armée allemande ; 1918, retour à Munich ; 1920-1930, enseigne au Bauhaus* ; 1931-1933, à l'académie de Düsseldorf ; 1933, licencié de l'académie par les nazis, s'établit à Berne, où il commence une sclérodermie évolutive ; 1940, meurt le 29 juin à Muralto-Locarno, Tessin (Suisse) d'une scélodermie ; est enterré au cimetière de Schosshalten à Berne.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : En 1902, il écrit dans son journal : "Il est très difficile, mais nécessaire, de commencer avec l'infime [...]. Je veux faire quelque chose de très modeste : élaborer un tout petit motif formel que mon crayon pourra retenir sans avoir besoin de technique [...]. Il s'agissait d'une toute petite mais réelle affaire, et un jour, de la répétition de cet acte minime mais authentique, sortira une œuvre sur laquelle je pourrai vraiment construire."
Toute son œuvre est insaisissable, apparemment disparate, et chaque production envoûte, sans parvenir à s'articuler à sa voisine. Il faut découvrir, au-delà de la syntaxe, des traits et des carrés qui vont aboutir aux idéogrammes, la sémantique du dessin et de la couleur. Par suite du perpétuel renouvellement, elle est cryptée et la signification de chaque œuvre est singulière comme le regard qui la contemple, comme l'oreille qui écoute jusqu'aux croisements polyphoniques des traits.
Les sources d'inspiration sont à chercher dans les mathématiques, la musique, ou sous le microscope du physicien et du biologiste ; il moissonne aussi parmi les dessins d'enfants aux géométries primaires et dans ceux des schizophrènes à l'imagination débridée ; il se saisit de ces matériaux et les restitue "musicalisés", formant un pont entre la figuration et l'abstraction* géométrique. Il s'agit plus d'une peinture temporelle que spatiale.
Il est le premier avec Kandinsky à faire surgir des archétypes qui ne doivent rien à la représentation de la réalité et, à ce titre, il est un des grands novateurs de la peinture moderne, l'un des seuls qui aient osé une rupture radicale. Il rapporte de cette quête dans les profondeurs de l'irrationnel collectif, des œuvres de toute technique, de tout style, de sorte que ses épigones pourront s'abreuver à de multiples sources et les développer, lorsque le sourcier promène déjà sa baguette sur d'autres champs sans jamais se départir de l'esprit de finesse allié à celui de géométrie.
Il est le James Joyce de la peinture dont se sont nourris Feininger* et Bertrand*, Bissière* et Chemiakin*, Miró* et Dubuffet*, bien d'autres encore, comme Folon* ou Penck*, qui lui doivent telle trouvaille  systématisée.
Après des débuts traditionnels, en 1896, marqués par Ensor*, le Jugendstil* et le symbolisme, l'expressionnisme* comme l'orphisme*, il se réalise vers 1914, lorsqu'il rapporte de Tunisie des paysages géométrisés aux couleurs vives qui inaugurent l'usage des carrés rangés linéairement, Coupoles rouges et blanches, (1914, KW), Chameau dans un paysage, rythmes d'arbres, (1920, ibid.), dont il use jusqu'à Le Futur, (1933, KBe). Escalier, (1929, MMS), variation de rectangles aux couleurs sourdes.dont la forme pourrait servir à des touches de pianos.
Taeuber* l'avait cependant précédé dans ces rangements systématiques de carrés.
De 1930 à 1935, sa miniaturisation des carrés le porte au divisionnisme, La Lumière et les arêtes, (1935, KBe). Il peint toujours de petits formats, collant son support sur un autre afin d'ajouter de la profondeur, de manière délicate, voire arachnéenne, jusqu'en 1934.
Il pratique simultanément le non-figuratif*, Croissance, (1921, MNAM), l'abstrait, Plantes en agonie, (1922, MoMA), le figuratif, Portrait de Peggy Guggenheim, (1924, FPG), en se trouvant souvent à la frontière de l'un et des autres. Ces petits formats proviennent parfois des détails d'une œuvre plus grande découpée, pour les mettre en évidence, par un cadrage nouveau. De 1910 à 1940, on estime qu'une centaine d'œuvres ont été ainsi "sacrifiées".
Les dernières années de sa vie, la maladie n'est pas sans influencer le graphisme ; c'est la période des idéogrammes. Les formats s'agrandissent quelque peu, le trait est accentué, et les signes en flou léger qui peuplent déjà Cristallisation, (1924, KNW), sont devenus Cryptogamme, (1934, KBe), aux morphèmes épais, La Déesse serpent, (1940).
Le spectacle joue dans sa vie une place prépondérante : opéra, théâtre, bals, marionnettes, concert, carnaval, danse, cabaret, ballets, music-hall, mime, acrobatie, de sorte qu'on peut lire l'œuvre au travers de ceux-ci et y déceler des correspondances que Pierre Boulez met en évidence.
On estime l'œuvre à 10 000 numéros.

Expositions : 1911, Blaue Reiter, Tannhauser-Golz, Munich, (G) ; 1925, Vavin, Paris ; 1963, Beyeler, Bâle, (P) ; 2010, Fondation Beyeler, Musée de l'Orangerie, Paris, (P) ; 2011, Cité de la musique, Paris, (P) ; 2013, Tate Moder, Londres, (P).

Rétrospective : 1935, Kunsthalle Berne ; 1969, musée national d'art moderne, Paris ; 1972, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence ; 1985, centre Georges-Pompidou, Paris ; 2008, Palais des Beaux-arts, Bruxelles ; 2013, Tate Modern , Londres.

Musées : Zentrum Paul Klee, Berne, 4 000 numéros, soit 40% de la production , tout ce qui figure dans l'atelier à sa mort ;
Kunstsammlung Nordheim Westfalen, Düsseldorf, 94 œuvres achetées en 1960 à Ernst Beyeler*, en provenance de la collection Thompson de Pittsburgh ; Staatsgalerie Moderne Kunst, Munich, 13 œuvres ; Metropolitan Museum, New York, 90 œuvres, donation Heinz Berggruen* en 1984 ; Collection Bernard Koelher, 30 œuvres disparues dans le bombardement de Berlin en 1945 ; Collection Felix Klee, Berne, de très nombreuses œuvres ; Fondation Beyeler, Bâle, le Klee tardif par préférence mais non exclusivement.

Citation(s) :
Il a dit :
- L'art ne reproduit pas le visible, il le rend visible. Et le domaine graphique, de par sa nature même, pousse à bon droit à l'abstraction. Il n'y a guère qu'avec la musique que je me sois toujours bien entendu.

On a dit :
- Il m'est impossible de parler de Klee sans alléguer la légèreté, la grâce, l'esprit, le charme, la finesse qui lui sont essentiellement propres. On ne sait que préférer, de la délicatesse de ses aquarelles ou de l'invention sans cesse renouvelée de ses dessins. Cette grâce qui est celle des poètes, d'atteindre aux limites de l'imagination, s'appelle de nos jours puérilité ou démence, suivant le notaire ou le manœuvre qui juge et tranche du coup ce qu'il y a de plus précieux et de plus subtil. (Aragon).
- Dans le genre fœtus, il organise quelques intéressantes visions. J'aime assez quelques-uns de ses cauchemars, ses synthèses mentales (ou ses architectures au caractère mental), et quelques synthèses cosmiques où toute l'objectivité secrète des choses est rendue sensible. (Artaud).
- L'œil écoute. (Paul Claudel).
- Il est l'inventeur du futur puisqu'il a ouvert toutes les portes. (Folon).
- Il s'exprime en demi-tons dont la juxtaposition est dune harmonie exquise; placées les unes près des autres, ces teintes fragiles ont plus de force que les couleurs violentes chez d'autres peintres. (Julien Green).
- Vous êtes le plus grand peintre du petit format et moi, le plus grand du grand format. (Picasso).
- Klee est un ange qui recrée toutes les merveilles du monde. (Sartre).

Bibliographie(s) : Centre Paul Klee, Berne, Catalogue raisonné, 9 tomes , Benteli, Berne 1998-2004.  On y constate qu'une majorité d'oeuvres sont passées par les mains du marchand Beyeler*.