Fiche de présentation

DIX, Otto

né le 2 décembre 1891 à Untermhaus, près de Gera, Thuringe, Allemagne ; 1910-1914, Arts décoratifs de Dresde; 1914-1918, volontaire de guerre dans l'armée allemande, sur les fronts de France et de Russie ; 1919-1922, Beaux-Arts de Dresde ; 1920, participe à Dada*; 1922-1936, vit à Düsseldorf ou à Berlin ; 1924, membre de la Berliner Sezession*; 1927-1933, enseigne aux Beaux-Arts de Prusse; 1933, destitué de son poste d'enseignant par les nazis; 1937, figure à l'exposition de l'art dégénéré*, à Munich, de nombreuses oeuvres sont détruites, d'autres vendues aux enchères ; 1945, mobilisé dans la Volksturm, prisonnier à Colmar ; 1955, élu membre de l'académie des Beaux-arts de Berlin-Ouest; 1956, de Berlin-Est; 1964, de l'académie de Florence; 1967, hémiplégie du côté droi t; 1969, meurt le 25 juillet à l'hôpital de Singen, près du lac de Constance ; est enterré a cimetière de Hemmenhofen.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Il est, avec Grosz*, l'un des membres véristes* les plus représentatifs de la Nouvelle objectivité*. De 1910 à 1913, son expressionnisme* est généralement tempéré, de traits raides dans une pâte des plus sombres, Fonderie, (1913, Gera), encore que Autoportrait en fumeur, (1912, Gera), oscille déjà entre fauvisme* et cubisme*, et que Le Poète Gunther, (1913, SMKM) soit sombrement halluciné. La même année s fait sentir l'influence du futurisme*, Lampadaires, (fondation Otto Dix, Vaduz, ou ODV), du rayonnisme*, Joueur de billard, (1914, Schaffausen, et 1917, ODV) ou Tête d'homme, (1919, SS). Triple influence, donc, ingérées à la germanique, syncrétisées dans un toile comme La Nonne, (1914, MoMA), lignes cubistes*, couleurs fauves, ébranlement futuriste. Singulièrement, The Sunday  Stroll, (1922), frôle l'art naïf*.
Vient la guerre. Il en dessine au fusain de nombreuses scènes dans une hâte cubo-futuriste*, avec la terre dans une incessante foison. Il réserve l'horreur crue pour plus tard, La Guerre, (1924, Historial de la Grande Guerre, Péronne), suite de 51 eaux-fortes, reprises à des photographies, qui font se rejoindre Goya et Grünewald, dont La Sentinelle de la sape, montant la garde dans sa capote qui ne contient plus qu'un squelette. En 1919, quelques toiles dada*, dont Le Matelot Fritz Müller et les poissons, (1919, GNT) ; quelques autres ésotériques, et encore du cubo-futurisme*.
Le principal n'est pas là : L'Autoportrat en soldat, (1914, SS) ouvre l'oeuvre brutalement expressionniste* à la Die Brücke*, et L'Autoportrait en prisonnier de guerre, (1947, SS), la clôt, entourant Portrait d'un prisonnier de guerre, (1945, MUC), à la touche cézannienne. Le sommet du travail se déroule entre les deux autoportraits : c'est d'abord le peintre féroce des années de dépression de la république de Weimar, annoncé à l'époque de Dada, par des portraits étranges dont la cruauté le dispute à l'iconoclasmie; il manie rudement son pinceau, le poussant jusqu'à la caricature des prostituées décaties et des mutilés mendiant dans l'indifférence générale, ou réunis pour se distraire, Les Joueurs de cartes, (1920, NNG) ou Le Vendeur d'allumettes I, (1920, SS), privé de jambes, il est entouré des seules jambes hâtives des passants, tandis qu'un chien lui compisse le pilon, Invalides de guerre jouant aux cartes, (1920). Il ne cesse pas de reprendre ce thème, La Rue de Prague, (1920, SS). Les Mutilés de guerre, (1920) et La Tranchée, (1920-1923) ont disparu, ainsi que nombre d'autres tableaux, lors des purges de l'art dégénéré*. Dans La Guerre, (1929-1932, ALB), les chairs lacérées rappellent le retable d'Issenheim de Grünewald par le trait torturé, et l'allégorie de la passion du Christ est apparente. D'un trait aussi désespéré, Le Nouveau-Né, Ursus dans les mains, (1927, SS). De 1920 à 1928, il réalise 400 aquarelles, dont un certain nombre sont perdues. Simultanément, il est un portraitiste léché, d'un glacis tantôt d'un hiératisme renvoyant aux gothiques, le plus souvent d'un trait impitoyable, soit qu'il refuse tout accommodement avec la réalité, Dr Stadelman, (1920, AGO), aux yeux de mort, Les Parents de l'artiste, (1921, KBâ), Deux Enfants, (1921, MRAMBx), plus demeurés que nature, Mère et enfants, (1925, KH), L'Avocat Hugo Simons, (1925, MACM), avec son jeu de doigts, soit que, fasciné par le vice, il se délecte à en faire ressortir toutes les nodosités, Le Marchand de tableaux Alf Flechteim, (1926, NNG) ou Sylvia von Arden, (1926, MNAM). On note les portraits de Dr Ferdinand Schmitt, (1921, SS), de la Famille de l'artiste, (1927, SGF), de Mme Maria Dix II, (1928, SS), d'Ursus, (1931, ibid.), de La Danseuse Tamara Danichensk, (1933, ibid.), du Peintre Théo Richter, (1933, GNMN). Parfois, au lieu de la distance glacée, il use d'une technique ensorienne* Trois prostituées dans la rue, (1925). Il est moraliste, et poursuit la série vériste, commencée avec les mutilés, par des toiles plus lisses dans lesquelles seul le trait est gravé, Nature morte dans l'atelier, (1924, SS), où modèle et mannequin sont confrontés; Trois Femmes, (1926, ibid.), avec la prostituée grasse, la maigre et celle à quatre pattes face au petit chien dont elle prend la pose. Le triptyque Grosstadt ou Metrpolis, (1927-1928, SS), l'une des oeuvres les plus spectaculaires, résume sa peinture des années folles - avec au panneau central dames et messieurs dansant le fox-trot au son du jazz -, tandis que sur les panneaux latéraux, à l'extérieur, les mutilés sont confrontés aux prostituées. Le travail préparatoire au fusain, très poussé, existe dans les mêmes dimensions (GSS). Sa haine de la guerre n'a d'égale que celle de ceux qui en profitent, et c'est un autre triptyque, Les Noctambules, (1927-192, FME). Les Sept Péchés capitaux, (1933, SKK), resté à peine inachevé, dans son atelier de Dresde, au moment de sa destitution par les nazis, dénonce l'arrivée d'Hitler, représenté par un nain bigleux chevauchant des vices à la Breughel. Beaucoup de ses oeuvres sont précédées par des études de grandes dimensions, encore visibles et à elles seules pièces d'une importance considérable. Tandis qu'un dernier tableau " libre ", Flanders, (1934, NNG), montre un haut premier plan de morts pétrifiés, et, au loin, l'Yser. Avec sa mise à l'index s'ouvrent les deux dernières étapes de son oeuvre et avec elles, le déclin. Condamné à se limiter à des sujets " neutres ", il les peint, de 1935 à 1942, ouverts sur l'espace puis repliés sur eux-mêmes, avec u chromatisme dissonant. De grandes "tartines" aux teintes acidulées sont à la limite de la vulgarité, Lot et ses filles, (1939, SMA), ou aussi des paysages, " Devant un paysage, je suis là comme une vache ", d'une minutie à la Breughel, Altdorer,, ou romantique à la Carl-David Friedrich, Paysage de neige avec corbeaux, (1935, ODV), Glaces brisées avec arc-en-ciel, (1940, ODV), d'une part, Forêt ensorcelée, (1942), d'autre part. En 1946, il unit mascarades ensorinnes* et décor de ruines. Il retrouve l'expressionnisme modéré de ses débuts, qu'il applique à des allégories religieuses, Tentation de Saint Antoine, (1944, ODV), La Madone aux barbelés, (1945, église Maria-Frieden, Mariendorf, Berlin) ;  Tête de Christ, (1946, Musée de Colmar) parmi les les 75 oeuvres du prisonnier., Un  dernier portrait pathétique, Perls, fondateur de la gestalt-thérapie, (1966, ODV); à ces exceptions près, la tragédie humaine s'estompe et il se survit, Autoportrait avec Marcella, (1969, ODV).

Expositions : 1919, Richter, Dresde, (P) ; 1926, 1935, Neumann-Nierendorf, Berlin, (P) ; 1930, biennale de Venise ; 2008, Traces du sacré, centre Pompidou, Paris,  et Glitter and Gloom, Metropolitan  Museum of Art, New York, (G).

Rétrospective : 1972, musée d'Art moderne de la ville, Paris; 1985, palais des BeauxArts, Bruxelles; 1992, Tate, Londres; 1998, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence ; 2010, Neue Gall. New York.

Musées : Galerie der Stadt, Stuttgart : très nombreuses oeuvres; Fondation Otto Dix, Vaduz, Lichtenstein : surtout les oeuvres d'après guerre.

Citation(s) : Il a dit :
- La vermine, es rats, les fils de fer barbelés, les poux, les obus, les bombes, les souterrains, les cadavres, le sang, l'alcool, les souris, les chats, l'artillerie, la saleté, les balles, les mortiers, le feu, l'acier : voilà la guerre. C'est l'oeuvre du diable. Je n'ai pas peint des scènes de guerre pour empêcher la guerre; jamais je n'aurais eu cette prétention. Je les ai peintes pour conjurer la guerre.
On a dit : "
- Sa vue du monde est effarante. Elle ferait penser à Jérôme Bosch par le manque total d'illusions " (Julien Green, 26 avril 1975).