Fiche de présentation

ZAO, Wou-Ki ( Tchao Wou-Ki, dit )

né le 1er février  1920 ou 13 février 1921 à Pékin, Chine ; 1935, Beaux-arts de Hang-Tchéou, où il choisit l'étude de la peinture occidentale ; 1941, y devient assistant ; 1948, arrive à Paris avec sa femme, Lan-Lan, et, le jour même, se rend au Louvre ; s'installe à Montparnasse*;  il fréquente à l'académie de la Grande Chaumière*, chez Othon Friesz* ; apprend la lithographie; 1958, épouse Chan May-Kan, sculptrice, rencontrée à Hong Kong ; 1964, naturalisé français ; 1970, enseigne à Salzbourg; 1970-1972, maladie et mort de May ; il ne pratique que l'encre de Chine; 1977, épouse Françoise Marquet, conservateur des musées de Paris ; 1985, enseigne avec elle à Hang-Tchéou ; 1993, docteur honoris causa de l'université de Hong Kong ; 1994, Praemium Imperiale*; 2002, élu à l'Académie des beaux-arts de France ; ca. 2005, atteint de la maladie d'Alzheimer ; 2011, installé à Dully, Vaud, Suisse ; 2012, mis sous tutelle ; 2013, meurt le 9 avril à Nyon; inhumé au cimetière du Montparnasse.
L'idéogramme de Wou-Ki signifie "illimité".

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : On connaît peu le peintre d'avant l'Europe; on sait seulement que, portraitiste et paysagiste, il travaille sur le motif, Village, (ca. 1945), grêle dans un nuage de gris et de bleus. Coincé entre deux civilisations, la chinoise répétitive et l'occidentale académique, il découvre un jour par des reproductions des modernes dans le magazine Life, et commence à les copier - Picasso ou Cézanne -, essayant une synthèse de cette peinture avec les estampes de l'époque Han. De 1935, des fleurs dans un post-impressionnisme maitrisé ou des pommes cézaniennes, et aussi une pochade à la perspective chamboulée, Noce ou Mariage, (1941). Portrait de jeune-fille, (1942), est sous influence de Derain* et  Portrait de la soeur, (1943) sous celle de Matisse*.
Arrivé en France en 1948, il étudie pendant un an, peint peu, Le Sacré-Coeur, (1948), aligne arbitrairement le monument et des arbres dépouillés, précurseurs de ceux peints après 1949, et sa découverte de Klee* à Bâle; de ce regard naissent des toiles subtiles au graphisme arachnéen se détachant sur un fond de nébuleuse, Arezzo, (1950), éclate dans une explosion de signes et de couleurs, L'Incendie, (1954-1955, MNAM), ou s'étale sans que l'on sache s'il s'agit d'un déploiement de la perspective ou d'une simple construction de l'esprit, Piazza, (1950, MNAM), ou Paysage jaune, (1949, MNAM) reprenant en filaments un thème déjà traité en Chine. Avec Forêt verte, (1953), les signes, issus jusqu'alors, des caractères chinois ou des branchettes dépouillées, deviennent gratuits et la représentation est abandonnée. Beaucoup plus délibérément orientalisant, de 1953 à 1957, le recours à la forme verticale avec de simples jetés de signes, Vents, (1954) ou Poursuite, (1955-1957). Ce trait acéré, ces microsignes le mettent dans la famille de Wols* ou de Tobey*, La Rose, (1954). Cependant, Cinq poissons, (1954), affirme la réalité dans une eau saumâtre avec ses bulles d'oxygène.
Avec Traversée des apparences, (1956), il adopte parfois l'horizontalité et de grands, parfois énormes formats, Mistral, (1957, SGM) ou En mémoire de May, (1972, MNAM), 2 x 5,25 m, longue toile de sommets beiges et de cavernes noires et Nous deux encore, 10.3.7'4,  de 2,80 x 4 m.(10.3.1974), et Avril-Septembre 87, (1987, École Normale Supérieure, Lyon), de 2.80 x 4.60 m. Le thème devient le tourbillon cosmique qui raconte sans désemparer la genèse du monde, le tournoiement des éléments cherchant à s'assembler; ce sont les bleus, blancs et noirs des océans; les rouges, blancs et marrons des continents; les verts, bleus et blancs des végétaux. Ces grandes abstractions lyriques, il faut s'en laisser envelopper quitte à se perdre pour les myopes puisqu'il faut les appréhender à distance pour saisir à la fois la surface de reflet et la surface de profondeur qui cohabitent sur la toile. Pour peindre, il pose souvent la toile sur le sol, d'où un effet de vue des toits du monde, de là où les sommets baignent dans les éléments indéterminables, nuages ou eaux, balayés par les rafales.
C'est en 1971, et jusqu'en 1994, que devant les difficultés qu'il éprouve alors à manier l'huile, il retrouve la technique du lavis, apprise à l'école, et, en même temps, aux problèmes qui lui sont chers : l'espace et la lumière, toujours privilégiés à la forme. C'est, dans une non-figuration* permanente, au monde végétal qu'il fait référence. Il y revientde 1949 à 1958, de 1972 à 1992 de 2000 à 2006. Le lavis à l'encre de Chine, impose la spontanéité, alors que dans les huiles, il faut oeuvrer pour donner l'impression de la spontanéité, même s'il s'agit, comme il est fréquent, d'une toile reprise des années après qu'elle soit commencée.
A la fin des années 1970, il y une transhumance des sommets vers les éclaircies dans les brouillards, et au début des années 1980 une autre transition vers des banquises, montagnes et plaines de glaces et de neiges. Exceptionnel, L'Hommage à Matisse, (1986), paraphrase de Porte-fenêtre à Collioure de1914. Il inaugure le rideau qui obture une partie de la toile, jusqu'à devenir, sur trois cotés, rideau de scène, Mai-Septembre 1989, (1989), triptyque. La fumée des brumes le cède à des nuages denses, des roches compactes, des entrées de grottes, des nuées, améthyste ou émeraude, d'avant ou après orage, 22.6.91, (1991) Il lui arrive, dans ces années, de descendre dans la vallée et d'y saisir des bosquets dont chaque arbre est graphisme subtil et même de devenir franchement figuratif, après avoir éclairci sa palette, et de rappeler des paysages suisses, 06.02.96. Branches tordues d'arbres dépouillés sur fond grisé, (15,09,88), sur fond cochenille, violacé, (13,01,00). La couleur change, le brillant aussi grâce à des glacis. Emeraude, lappis-lazzuli, orangé vifs jusqu'à l'acidité, Hommage à mon ami Jean-Paul Riopelle, (2003), triptyque.
En 2009, il jette des traces de pinceau sur de la porcelaine blanche et fait de même sur une toile blanche, traces virevoltantes dans le vide.
L'oeuvre est estimé à 1,500 numéros.

Expositions : 1941, Association sino-soviétique, Tchang-King, (G) ; 1947, Alliance française, Shanghai, (P) ; 1949, Creuze, Paris, (P) ;  1955, Biennale de Sao Paulo ; 1956, Kleenmann, New-York, (G) ; 1961, Kootz, New-York, (P) ;1983, Pékin et Hangzhou ;  2003, Vanuxem, Paris, (P)

Rétrospective : 1965, Folkwang Museum ; 1969, musée d'Art contemporain, Montréal et musée de Québec ; 1981, Grand Palais, Paris ; 1986, Artcurial, Paris ; 1992, Fondation Gulbenkian, Lisbonne ; 1993, musée des Beaux-Arts de Taïpeï ; 1995, musée Kaohsiung, Taiwan, et musée des Beaux-Arts de Hong Kong ; 1998, Pékin, Shanghai, Canton ; 2003, Jeu de Paume, Paris.

Musées : 1946, Musée Cernuschi, Paris, (P), une vingtaine de toiles peintes en Chine ; Musée d'art moderne, Paris, la plus grande collection en France

Citation(s) : Il a dit :
- Ma peinture devient illisible, je tends vers une écriture imaginaire, indéchiffrable (ca.1955). Je crois que tous les peintres sont réalistes pour eux-mêmes. Ils sont abstraits pour les autres.
On a dit :
- Beau spasme d'un haut barrage. (René Char).
- Tracer en musant, les détours de la promenade. Montrer en dissimulant, briser et faire trembler la ligne directe.   (Henri Michaux).
- Le pays qui flotte au vent, inquiet [...], un immense pays, sur lequel passent les vents venus des mers" (Rilke).
- Cétaient de très grands vents sur toute face de ce monde/ De très grands vents en liesse par le monde qui n'avaient d'aire ni de gîte/ C'étaient de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde/ C'étaient de très grandes forces en croissance sur toutes pistes de ce monde/ Des terres neuves, par là-bas, dans un très haut parfum d'humus et de feuillages/ Des terres neuves, par là-bas, sous l'allongement des ombres les plus vastes de ce monde. (Saint-John Perse).

Bibliographie(s) : Catalogue raisonné de l'oeuvre gravé, Nest Jacometti, Gutekunst et Klipstein, Berne, 1955, et The Graphic Work, 1937-1995.

Archives : Fondation Zao Wou-ki, Suisse

Succession : 2012, Mise sous tutelle, en Suisse, de sa femme et en France, de son fils né de son premier mariage, Jia-Ling Zao  ; conflit de loi dont on attend qu'il soit tranché. Rumeur d'euthanasie