Fiche de présentation

VAN DONGEN, Kees, ( Cornelis Théodore Marie Van Dongen, dit )

né le 26 janvier 1877 à Delfshaven, Rotterdam, Pays-Bas ; 1892-1897, Beaux-Arts, Rotterdam ; 1897-1898, séjourne à Paris ; dessin pour des journaux satiriques hollandais ; 1899, épouse Guus Preintiger, condisciple de l'académie ; 1900, s'installe à Paris ; dessine pour La Revue blanche et L'Assiette au beurre ; 1908, adhère à Die Brücke* ; 1910, voyage au Maroc ; 1929, naturalisé Français ; 1958, meurt le 28 mai à Monaco.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Nature morte au faisan, (1890) est peint sous influence des maîtres anciens. Ensuite, de 1896 à 1901, il cherche du côté du symbolisme, Portrait d'une zélandaise, (1898, MAMVP) ou Le Sacré-Coeur, le matin, (1904, Musée de Monaco),  voire du naturalisme, Chez elle, (1902) ou de l'expressionnisme*, La Pluie, (1903), Un Carrousel, (1905). On perçoit le futurisme* dans Le Lustre, (Musée de Monaco) Renoir, dans La Mattchiche, (1906, MAMT). Avec, en 1895, une modernité exceptionnelle, La Chimère-pie, (1895, MJCN), dans laquelle, du Van Dongen avant Van Dongen, il inaugure cette doublure de la lisière des formes dont il use ensuite en l'incorporant à la forme pour l'ouvrir sur son fond, et Autoportrait en bleu, (1895, MNAM), ombre chinoise à contre-jour, et La Jarretière, (1906), toutes à dominante blanche.
L'inspirateur principal de ses lavis, aquarelles ou gouaches, c'est Toulouse-Lautrec, Au musée (1898), qu'il transforme jusqu'à un expressionnisme* au sens propre dans Autoportrait (1905), qui rappelle le visage d'Ivan le Terrible dans le film d'Eisenstein.
De 1899 à 1904, il se consacre presque exclusivement aux dessins pour revues. S'ils prédominent, c'est que, dit-il : "J'ai toujours travaillé avec l'idée qu'il vaut mieux travailler pour le bien général, pour la communauté toute entière, et non pour quelques bandits, calculateurs ou pas. C'est pour cela que je dessine pour des journaux et que j'ai lâché la peinture, bien que j'en fasse encore un petit peu à l'occasion pour moi-même." Il y revient cependant, par nécessité de reconnaissance.
En 1904-1907, Seurat le marque et son divisionnisme, La Vigne (1904, MPP), jusqu'à parfois évoquer Klimt*, Guus et Dolly portées aux Nues (1905), c'est une manière pour lui de rester attaché au symbolisme, tout en peignant d'une manière néo-impressionniste*. Voire postimpressionniste*, jusqu'en 1908, Le Peignoir rose, et Femme à la toilette (1904), (1908).
En 1905, il utilise pour la première fois le pastel. Dans Les Fêtards, (1901-1903, MAMT), apparaît la touche verte si ambiguë de ses portraits mondains futurs, tandis que vient l'année des fauves* avec lesquels il expose Torse (1905, Fridart). Alors on l'y assimile, il semble cependant qu'il ait plus été marqué par l'air du temps que résolument fauve ; il continue d'ailleurs jusqu'à la fin, ou à peu près, à user de couleurs dissonantes comme Van Gogh et Die Brücke*, dont il est proche chromatiquement, avec une palette plus variée que celle des fauves, Caoutchouc et le Medrano Circus (1905, SGM), La Danseuse rouge (1907, ERM), Vieux Clown, (1906, PPG) et Portrait de Kahnweiler, (1907, ibid.). L'une des œuvres typées, c'est Modjesko, Soprano Singer, (1907, MoMA), avec le rouge strident des lèvres répondant au jaune franc de la chair, entourée d'un rappel rouge dans l'aura.
A compter de 1908, il se consacre exclusivement à la peinture. Il devient le peintre des putains et des célébrités, avec, pour les unes comme pour les autres, une représentation superbe, élégante,  hiératique ou lascive Odalisque couchée, (1909); de la putréfaction en chemin, Les Trois Grâces ou Fluctuat Nec Mergitur (1909). Exceptionnel, La Grille de l'Elysée,(1912, MNAM)
Du voyage au Maroc, il rapporte Jeune Arabe, (1910) ou Portrait de Marocain, (1911, ERM), d'une concision à la Matisse*, et Les Fellahs le long du Nil, (1913), d'une matité à la Marquet*. Saïda, (1913, NGW) ou Marchandes d'herbes et d'amour, (1913), le teint basané est porté au rouge ocré.
Pour la première fois, il éclaire la femme des reflets de la lumière électrique, La Femme au châle, (1913, MNAM), retirée du Salon d'Automne* par le préfet de police, pour obscénité... En revanche, des portraits comme Guus en bleu (1910) sont tout à la fois d'une grande beauté décorative et d'une totale pudeur ; qu'il touche à la femme du monde ou à la femme-objet (ou aux deux à la fois), parée de sa nudité ou de ses brocarts et toujours de ses bijoux, il ménage des contours colorés, mûrissement prémonitoire de la dégradation programmée d'une chair aujourd'hui encore triomphante. Pour elles, cela va être l'opulence, chair laiteuse, cheveux courts, rangs de perles, bas noirs à jarretelles marquant l'assurance de la bourgeoisie par l'éclat de la bague sur la minceur du doigt, dans l'attente du délitement de la quarantaine, Femme au chapeau rouge (1920, MAMVP), Portrait de la commodore Drouilly (1926, FPG), ou une symphonie de noir, de gris et de lamé, marqués de la cravate sanglante de la Légion d'honneur, pour Anna de Noailles (1931, SMA) ou encore Deux Femmes (1940, MAMVP). C'est aussi la morgue du Sphinx (1925, MAMVP), de Jasmy Jacob (1919, MNAM).
Il anticipe l'ère de La Garçonne, parue en 1922. Ce que l'on a appelé la "manière indienne", c'est un style particulier, plus sobre et un peu maniériste par élongation des corps, dont il use à l'occasion, entre 1914 et 1925. La silhouette est dépouillée, les personnages monochromes se découpent sur des fonds monochromes, Mlle Miroir, Mlle Collier et Mlle Sofa (1914, MJCN), Homme bleu, femme rouge (1918, ibid), Adam et Ève (1922, ibid). Il n'y a pas de dégradé, une pâte nette avec, de temps en temps, un soupçon de joliesse Art déco* que l'on retrouve plus nettement dans les allégories, L'Enlèvement (1917), La Nuit (1925, MJCN), même dans ces paysages habités de silhouettes frêles faites de quelques traits verticaux comme Le Sentier de la vertu (1913), anticipant Brasilier*.
Les portraits d'hommes, en général, sont moins convaincants, parce que, ne s'attendant pas à les voir flattés, le choc est moins grand de les voir tels qu'il les a vus. Yves Mirane (1924), supérieur, Louis Barthou (1931, MRBABx) , qui cache sur son épaule droite, sous un relief de la pâte, une égérie. Remarquable, parmi les hommes, L'Ambassadeur d'Haïti Auguste Casseus (1923, MJCN), pour lequel toutes les nuances du marron et du noir ont été convoquées, frappées seulement de l'éclat de quelques médailles. Quant au Roi Léopold de Belgique (1936, MJCN), bellâtre sans ressemblance, et au Bourgmestre de Vlucht (1938, MJCN), ils ne se distinguent guère de la moyenne des portraits bourgeois. Jean-Marie et Nika (1953) affiche l'académisme d'une fin de vie.

Expositions : 1897, Paris (G) ; 1904, Ambroise Vollard, Paris (P) ; 2011, Musée d'art moderne de la Ville, Paris, (P).

Rétrospective : 1942 Charpentier, Paris ; 1943, musée des Beaux-Arts, Bordeaux ; 1949, Charpentier, Paris ; musée Boymans-Van Beuningen, Rotterdam ; 1959, Galerie des Ponchettes, Nice et musée Rath, Genève ; 1960, musée Toulouse-Lautrec, Albi ; 1967, musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1990, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 2002, Fondation Giannada, Martigny ; 2007, Nouveau musée national de Monaco et Musée des Beaux-arts, Montréal.

Musées : Musée d'Art moderne de la ville, Paris, 26 œuvres, dont 14 peintures ; Musée Jules-Chéret, Nice, une vingtaine d'œuvres ; Musée Boymans-Van Beuningen, Rotterdam, la plus large collection de dessins.

Citation(s) : Il a dit :
- La règle essentielle c'est d'alonger les femmes et surtout de les amincir. Après cela, il ne reste plus qu'à grossier leurs bijoux. Et elles sont ravies.
On a dit :
- La très chère était nue et connaissant mon cœur /
  Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores /
  dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur.
- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure /
  À cette horrible infection /
  Étoile de mes yeux, soleil de ma nature /
  Vous mon ange, et ma passion.     (Baudelaire, Les Fleurs du mal)