Fiche de présentation

PICABIA, Francis

né le 22 janvier 1879 à Paris, France de père d'origine espagnole, né à Cuba ; 1894, son père présente de lui une toile au jury du Salon* des Artistes français, qui l'auait acceptée ; 1895, Arts décoratifs de Paris ; vit à Montmartre*; 1897, fuit en Suisse avec la femme d'un journaliste connu et, pour vivre, peint de petits paysages sur galets ; 1909, épouse Gabrielle Buffet* et voyage en Espagne ; 1913, participe à l'Armory Show*; 1914, est mobilisé comme chauffeur de général à Bordeaux ; 1915, lors d'une mission, déserte durant une escale à New York ; 1917, autorisé à rentrer en France via Barcelone où il crée la revue 391 ; 1918, nouveau séjour aux États-Unis ; arrête de peindre par suite de dépression ; 1919, rencontre Tzara* à Zurich ; 1920, constitue le groupe Dada* de Paris et rencontre André Breton*; 1923-1944, vit à Mougins; avant de quitter Paris, ayant, dit la rumeur, brûlé nombre de ses oeuvres ; 1925, Duchamp* organise une vente de quatre-vingt de ses oeuvres à l'hôtel Drouot ; rencontre Olga Mohler, citoyenne allemande ; 1944, à cause d'elle subit des ennuis politiques à la Libération ; 1951, hémorragie cérébrale ; 1953, meurt le 30 novembre à Paris ; inhumé au cimetière du Montparnasse. 
Biographie approximative, parce que la légende créée par lui-même est entretenue par "ses femmes", tout comme ses tableaux portent des dates délibérément inexactes.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Sa peinture est aussi agitée que sa vie sentimentale (trois mariages et de nombreuses liaisons). Il a tout peint, en périodes successives, bien délimitées, avec des oppositions brutales de manière.
De 1893 à 1909, il est post-barbizonien, Paysage, (1898), postimpressionniste*, Effets de soleil sur les bords de l'Yonne, (1905, MAMVP) dans le goût de Sisley,  ou Meules à contrejour, (1904), imitant Monet ; néo-impressionniste, Bords de l'eau à Poissy, (1906), expressionnisant*, L'Ile Saint-Honorat, (1906). Peupliers,Grez sur Moing, temps gris, (1908) Il ne travaille pas sur le motif, mais copie des cartes postales.
En 1902, Espagnole, (1902) - que l'on retrouve à compter de 1926 et dans des transparences de 1928 -, anticiperait le Picasso* classique de 1917, distante et fascinante. Il frôle l'abstraction*, battant au poteau Kandinsky*, avec Caoutchouc, (1909, MNAM), aux anneaux olympiques qui frappent une convergence de géométries floues; tolle hors normes et peut-être prophétique, Les Cygnes, en variations de gris, séparés par une mince solution de continuité (1910, KBe), singulière dans le déroulement de l'oeuvre,
Il vire rapidement, et pour cinq ans, vers le fauvisme* qu'il a touché dès 1905 avec Rivière. Adam et Eve, (1911), témoigne moins de cette période que de celle qu'il lui fera succéder, Monstres et Nus,. Sa fécondité est extrême : on assure qu'entre 1898 et 1907, il peint et vend plus de 1 000 tableaux. 1909, retour d'Espagne, il peint des toiles abstraites. 1910-1912, Paysages et figures en masses colorées, accumulées, série de Danses à la source, (1911, PMA et 1912, MOMA) et série de Procession, enroulements, en mouvement comme le futurisme* les pratique. On le dit orphique*, mais de manière plus sourde que Robert Delaunay*, ses teintes étant plus proches de celles du cubisme analytique orthodoxe; ses tumultes géométriques sont faits de rouilles et de marrons et c'est surtout l'exubérance de la forme plus que celle de la couleur qui compte, La Source, (1912, MoMA), Edtaonisli, (1913, AIC), Udnie, (1913-1914, MNAM), une abstraction en mouvement, et les deux versions de Je revois en souvenir ma chère Udnie, (1914, MoMA). En 1913, il peint, à New York, une quinzaine d'aquarelles de grandes dimensions, inspirées par la ville et sa vie ; elles se trouvent pour partie au musée d'Art moderne de New York et pour partie à celui de Philadelphie.
Les Mécanomorphes,
inventent des machines de rêves, inspirés de revues industrielles, ou des réductions constructivistes de machines réelles, accompagnés de légendes précieuses, vont de 1912 à 1923, Ville de New York à travers le corps, (1912), et Danseuse étoile sur un transtlantique, (s.d.) ; c'est l'intérieur des choses qui est représenté. Ces tableaux sont comme un écho statique au futurisme* tourné en dérision. Il crée parmi eux une série de toiles et de dessins consacrés à la musique et rendant plastiquement des impressions sonores, La Musique est comme la peinture, (1917), droites élancées, courbes et arcs en couleurs ; Optophone, (1922-1925, MNAM), suggère le disque par ses cercles dégressifs, frappés de corps de femmes nues, d'un bicorne d'académicien, de rubans roses, verts et blancs, images qui trottent dans l'esprit durant un concert. Violoncelle, (1922-1923), dresse une portée musicale dégressivement verticale, ancêtre de l'art optique*, sur laquelle se meuvent des ballons colorés comme si les notes avaient, à l'instar des voyelles de Rimbaud, une couleur. Le  Cacodylate, (1921, MNAM) provient de ce qu'atteint d'un zona de l'oeil, il peint uniquement celui-ci sur une toile et demande à ses amis de remplir le vide par leur signature. Les Espagnoles, (1916-1925) commencés, dit-il, dès 1902, coïncident et alternent avec la période des machines  ; portraits figuratifs au trait incisif et aux teintes douces ; ils sont doublés d'une autre série (1919-1924) de portraits de personnalités artistiques et littéraires.
Dada.
Le début de la période mécanomorphe préfigure Dada et les oeuvres qu'il produit dans cette veine, Tableau rastadada, (1920, bibliothèque Doucet, Paris) ou La Sainte Vierge, (1920, ibid.), jet d'encre noire sur papier blanc. La transition se fait, insensiblement dans sa peinture comme dans la vie parisienne, avec le surréalisme* par des personnages à silhouettes, La Nuit espagnole, (1922), Dresseur d'animaux, (1923, MNAM), silhouettes noires, nez crochus et adoption du Ripolin (qu'il n'abandonne plus pendant près d'un demi-siècle). Il conceptualise avant la lettre en peignant son nom, sur des oeuvres de tiers qu'il signe, Autoportrait, (1920, MAMVP), Bière Sarrator, (1925). Sur des bandes verticales dégressives, il applique des cercles, ceux-là mêmes qui clôtureront l'oeuvre, Volucelle II, (1922).
Les Monstres,
La Vierge et l'Enfant,
retour au respect de la réalité des figures toujours traitées dans ce matériau funeste et lourdement bordées. Pondéreuses, ces toiles ont les reflets du Balatum (ce couvre-parquet populaire des mêmes années) ; elles s'inspirent de toiles célèbres pour les détruire en y introduisant des accumulations de déformations picassiennes ainsi que les nez pointus inaugurés dans ses Silhouettes. Paradoxalement, c'est pendant qu'il vit aux bords de la Méditerranée qu'il noie sa palette dans un jus verdâtre. Durant les mêmes années 1924 et 1925, il fait des collages* d'allumettes, de pâtes alimentaires, de cure-dents, d'autres menus objets destinés à rehausser ses compositions. (il en a déjà réalisé en 1919), Le Beau Charcutier, (1925, Tate). Sur une idée de Marcel Duchamp*, il entrecroise une corde à l'intérieur d'un cadre et y épingle sa carte de visite comme signature en écrivant "M...pour qui regarde", Chapeau de paille, (1921).
Transparences.
En 1926 apparaît une de ses séries les plus originales, les Transparences; c'est un essai pour multiplier les images comme le cubisme multipliait les angles de vue ; ces superpositions de plusieurs sujets s'imbriquant l'un dans l'autre révèlent aussi sa tentative de résoudre les problèmes de perspective. Elles superposent arbitrairement deux sujets ou plusieurs sujets et les contours d'autres en lignes expressives, L'Homme nouveau, (1924-1928, Md'O) ou L'Acrobate, (1926, MMS), Sphinx, (1929, MNAM), dont le fouillis suggère la forêt vierge et ses entrelas de lianes. Ces superpositions sont la plupart du temps arbitraires au lieu de proposer une lecture multiple et ambiguë, ce qui arrive parfois, Mélibée, (1931), dans lequel se révèle une dualité de caractères. On trouve encore quelques prolongements de transparences jusqu'en 1937. Exceptionnellement, dans Lodola, (ca.1928), la transparence surgit de vagues au sol,  Masque ouvert, (1932), le visage de femmest  incrusté dans un visage hiératique plus grand et Sans titre, (1935, MNAM) développe avec sobriété une ramure d'arbre surimprimée sur une vierge renaissante.
En 1931, il entame une seconde époque monstrueuse, non plus dans la forme mais dans les couleurs, agressivement vulgaires inspirées des magazines populaires même s'ils font référence à des oeuvres antiques, Médina, (1931, MPSG), Printemps,Nu devant paysage, (1935, MNAM), ou (1938, Mus. Magnelli, Vallauris) ; le pinceau s'avachit, l'attitude provocante, les ombres accusées, les poses artificielles, Les Baigneuses, femmes nues au bord de la mer, (1941, PPG). Les Acrobates, (1933) évitent le genre avec des aplats vigoureusement bordés. La bordure des figures disparaît en 1938, les nus ou les portraits deviennent sculpturaux, se détachant sur fond sombre (il peint peu d'intérieurs ou de paysages), affichant à la fois un certain maniérisme mondain et une certaine crudité des chairs qui ne suscitent pas la réaction de celles de Lucian Freud* plus tard ; cette manière culmine de 1940 à 1946, Danseuse de French Cancan, (1943) ; 
Parallèlement, à compter de 1937, il s'adonne à l'abstraction géométrique faite de courbes se croisant en sections différemment colorées en manteau d'arlequin ou de surfaces à fond grumeleux piqués de points colorés ; cette même abstraction sera son seul sujet de 1945 à sa maladie fatale de 1951, Je vous attends, (1948), si toutefois on excepte Villejuif, (1951) pour une figure qui fait se rejoindre l'art nègre de Picasso et la courbe de Matisse*. Sur des supports peints et repeints, il pose des cercles bordés ou non, points dans un firmament épaissi par les repeints et les sureints, Six Points, (1949) et La Terre est ronde, (1951), Instinct de vérité pour conserver la vie, (1952). Point final.

Expositions : 1899, 1907, Salon des artistes français, Paris ; 1905, Hausmann, Paris, (P) ; 1907, Kasper's Kunst, Berlin, (P) ; 1913, gal. 291, New York, (P) ; 2002, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 2012, 1917, Pompidou-Metz, (G).

Rétrospective : 1949, Drouin, Pais; 1976, Grand Palais, Paris ; 1998, gal. Beaubourg, Vence ; 2002, Musée d'art moderne de la ville, Paris.

Citation(s) : Il a dit :
- Notre tête est rondepour permettre à la pensée de changer de sens.
On a dit :
- Sans Picasso, Picabia serait incompréhensible. Il essaie sans arrêt de reprendre les tableaux de Picasso et de les parodier. Il accomplit une anti-peinture Il est le sacrilège. Il aurait pu s'attacher au dadaïsme, mais il a préféré demeurer un bourgeois fou et s'élever contre le dadaïsme, comme contre une nouvelle convention. Aujourd'hui, il y a bien des tableaux qui n'existeraient pas sans Picabia - ainsi Schnabel, Clemente, Chia, Polke. (Georg Baselitz).
- Votre peinture était la sucession -souvent désespérée, néronienne- des plus belles fêtes qu'un homme se soit jamais données à lui-même, (...)  une oeuvre fondée sur la souveraineté du caprice,, sur le refus de suivre, toute entière axée sur la liberté même de déplaire.   (André Breton).