Fiche de présentation

MONDRIAN, Piet, ( Pieter Cornelis Mondriaan, dit )

né le 7 mars 1872 à Amersfoort, Utrecht, Pays-Bas ; 1892-1895, académie d'Amsterdam ; 1911, arrive à Paris ; 1914, retourne à Amsterdam ; 1917, fonde De Stijl* ; 1919, revient à Paris ; 1929, participe à Cercle et Carré* et, en 1930, à Abstraction-Création* ; 1936, s'inscrit au chômage intellectuel ; 1938, s'établit à Londres ; 1940, arrive à New York grâce à Holtzmann*, dont il fait son exécuteur testamentaire ; 1944, y décède le 1er février d'une pneumonie.
Signature : (Piet) Modriaan (P), Mondrian (à partir de 1911), ou P.M.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Dès ses débuts et jusqu'en 1908, il peint dans les teintes bitumeuses chères aux réalistes* du XIXe siècle, Nature morte, (1893, SMA) ; des fermes à reflets dans l'eau et déjà, la verticalité des arbres, (1905) ; symboliste encore avec Fleur jaune, (1901, 1908, HGM) ; il termine avec, cinquante ans avant l'informalité, Le Nuage rouge, (1907, HGM), d'une modernité anticipatrice, et donne Dévotion, (1908, HGM), portrait de femme coulant comme un Munch*.
En 1908, il adopte des couleurs vives proches de celles des fauves* et pratique le divisionnisme ; une toile de transition, Arbres près du Gein, à la lune levante, (1908, HGM), avec encore la division de la touche, comme dans Dune, (1909, HGM), et déjà l'apparition des arbres, Bois près de Oele, (1908, HGM)  ; il symbolise, avec Dévotion, (1908) ou un curieux triptyque, Evolution, (1910, HGM), représentant trois énormes femmes bleues vues à mi-cuisses.
Vient le chemin vers l'abstraction. Paysage de dunes, (1911, HGM),  superposition  de longues bandes cassées, violettes et vertes, La Nature morte au pot, (1911, HGM), totalement figurative, se transmue en une autre toile au même titre (1911-1912, ibid), dans laquelle, mise à part la boule céladon du pot, apparaît un environnement de petits traits noirs verticaux, horizontaux et en demi-cercles, qu'il va systématiser dans ses toiles abstraites, dites Plu-Minus.
En 1909 commence la longue série des arbres isolés. Tantôt verticaux, il multiplie les troncs et les branches, noir et gris sur blanc, avec quelques références au demi-cercle ; tantôt horizontaux, l'arbre unique étendant alors ses ramures de plus en plus dépouillées jusqu'à n'être plus qu'un jeu de traits en T, avec, çà et là, quelques circonférences qui disparaîtront en 1912. Les tons sont retenus, vieux roses, gris-bleu, gris et beige, comme les palettes du Braque* et du Picasso* cubistes* analytiques, c'est la grisaille des façades de Paris, Composition en gris-bleu, (1912-1913, Th-B), Composition nº 7, (1913, SQMG). Parenthèse pour des toiles sombres, issues du cubisme* synthétique, Portrait de femme, (1912, HGM), Grand nu, (1912, HGM), l'orthogonalité pointe tout en acceptant quelques diagonales. La mer et les échafaudages alimentent, eux aussi, cette période, dite des Plus-Minus, (1914-1917), souvent peints en ovale. Il revient rarement à la figuration, Pietà d'Avignon, (1913, HGM), copie fidèle, Ferme près de Duindrecht, (1916, ibid) et aussi des bouquets "alimentaires" qu'il abandonne définitivement en 1926.
De 1913 date la première toile totalement géométrique, carrés jetés sur fond blanc : l'abstraction* a fait place à la non-figuration* ; dans Façade bleue, composition 9, (1913-1914, MoMA), on remarque encore dans le bas quatre touches grises non délimitées, Composition n°VI, (1914), Fondation Beyeler).  Il va vers plus de rigueur encore, Lozenge with Grey Lines, (1918, HGM), qui anticipe Morellet* et il devient l'inspirateur de toute une lignée, celle du néoplasticisme*. Sa méthode est minutieuse : il réclame à son fournisseur des toiles aux dimensions précises, au millimètre près ; il esquisse en traçant les contours des géométries sur un papier, parfois recto verso, en notant au crayon dans chaque partie, les couleurs à employer. Mais, à l'inverse de son disciple Vantongerloo*, il n'entrera aucune mathématique dans sa création : seule joue l'intuition de l'œil. En 1919, ses damiers sont des rectangles strictement égaux ; désormais il n'emploie plus que des droites, ses tableaux sont orthogonaux ; d'aucun fait penser à un nuancier limité et terne, Composition avec grille, (1919). En 1920, enfin,  et encore en 1921, MoMa), il n'use plus que des trois couleurs primaires et des trois non-couleurs, le noir étant principalement destiné aux traits de cloisonnement : l'orthodoxie du néoplasticisme est fixée, il la publie cette année-là.
À compter de 1921, les constructions se détachent sur un fond bleuté ou grisé, Composition, (1921, KBâ), ou sur fond blanc, Tableau-poème, avec texte de Michel Seuphor, (1928).  Il fait basculer le tableau sur une des pointes d'un carré, Composition dans le losange, (1921, AIC). On pourrait résumer cette production en trois périodes, de 1918 à 1921, des tableaux pleins, aux carreaux colorés, donnant l'impression de densité, (1920,1921, MoMA) et, de 1920 à 1942, des tableaux vides, où les blancs séparés des croisillons noirs règnent, à l'exception d'une primaire dans l'un d'eux, (1927, DMCH), et (1931, Th-B). Enfin, des tableaux dans lesquels le grillagé domine, Composition, (1930, KZ), et (1939, LACMA). Il a le génie de la variation, entre les lignes noires et les carrés de couleurs qui se meuvent sur la toile comme des parterres en suspens, s'arrêtant là où l'unité, la cohérence, la nécessité l'exigent. En 1926, il dessine pour Madame B. de Dresde, un salon à l'instar de ses toiles, jeux de formes vivement colorées ; ce salon n'est pas réalisé avant qu'en 1969, la Park Gllery, New York et Columbia, ne le fasse construire à l'échelle, en plaques de Formica, de sorte qu'au centre de la pièce on se trouve dans un Mondrian à six dimensions. La même année, il crée trois décors pour L'éphémère est éternel, pièce de Seuphor jouée au centre Georges-Pompidou en 1977 ; ces décors ne furent construits à partir de la maquette originale qu'en 1963, et ils se trouvent au Van Abbe Museum,  d'Eindhoven.
Durant la période new-yorkaise, les cloisonnements ne sont plus noirs, les constructions rectangulaires sont délaissées pour des "tissages" de bandes autocollantes de couleurs primaires, New York City I, (1942, MNAM), les rouges et les jaunes entrecroisés se superposent aux bleus. Dans la série des Boogie-Woogie, on peut voir  Broadway (1942-1943, MoMA), toile carrée, et le Victory, (1943-1944, MoMA), avec un angle au sommet inachevé ; les rubans sont constitués de petits carrés multicolores primaires qui scintillent.

Expositions : 1909, Musée municipal, Amsterdam ; 2010, De Stijl, Centre Pompidou, Paris, (P).

Rétrospective : 1945, Museum of Modern Art, New York ; 1946, Stedelijk Museum, Amsterdam ; 1947, Kunsthalle, Berne ; 1955, Gemeentemuseum, La Haye ; Kunsthaus, Zurich ; 1968, Orangerie, Paris ; 2002, Orsay, Paris, (1894-1914).

Citation(s) : Il a dit :
- Cette volonté des cubistes de représenter des volumes dans l'espace était contraire à ma conception de l'abstraction qui est fondée sur la croyance que le dit espace doit être détruit. C'est ainsi, pour aboutir à la destruction du volume, que j'en vins à l'usage des plans.
On a dit :
- Moi, j'ai un faible pour Mondrian, car, adorant Vermeer, je trouve dans l'ordre de Mondrian la propreté de femme de chambre de Vermeer et même sa rétinienne instantanéité des bleus et des jaunes. Je ne m'empresse pas moins de dire que Vermeer est presque tout et Mondrian presque rien. (Dalí).
- Lorsque je regarde une peinture néoplastique de Mondrian, mon esprit s'arrête, les multiples affairements de la vie quotidienne tombent de moi comme des écailles, ma pensée entre calmement dans un jardin nouveau où tout est noblesse, vérité, évidence. Pour tout esprit contemplateur, cet art est un merveilleux royaume de transcendance. (Seuphor).
- Pour Mondrian les mathématiques étaient chose inconnue. "C'est l'intuition qui doit tout faire", disait-il. "Oui, répondait Vantongerloo, mais il faut être Mondrian. Il n'y a que lui qui soit capable de cela et il n'y en aura jamais un second." (Seuphor).
- Sa priorité était l'œuvre et c'est à elle qu'il était marié. En justes noces, définitives et radicale. C'était le tableau à peindre, pas le tableau achevé [...]. Rien d'autre ne comptait que l'œuvre à faire. Il disait : "Tu ne peux pas savoir comme c'est difficile. C'est très difficile." [...] Il mettait sur le chevalet, juste en face de la porte d'entré, un tableau achevé de la veille. Je devais rester au sommet des trois marches et dire ce que j'en pensais. C'était toujours un problème, car je ne pouvais rien faire d'autre qu'admirer et me dire : "Ce qu'il a fait est extraordinaire. Personne d'autre ne fait cela. C'est un au-delà de l'art." (Seuphor, en 1921).
- Quand Katherine Dreier* est venue lui acheter son premier grand tableau pour sa collection en Amérique (1926), c'était la première fois qu'il touchait une somme assez importante pour une de ses peintures. Elle revenait à Paris presque chaque année et lui prenait un tableau à chaque fois" (Seuphor).
- Emily Tremaine, important collectionneur américain, lorsqu'elle apprit la mort de Mondrian fut consternée car elle désirait le connaître et avoir une de ses œuvres. Elle s'en voulait beaucoup de n'avoir pas osé aller le voir et elle se rendit chez Dudensing (marchand) où se trouvait le Victory Boogie-Woogie pour lequel il avait donné à Mondrian un chèque de 400 dollars en acompte. [...] Dudensing déclara que le tableau n'était pas à vendre. [...] Elle finit par apprendre que le rêve de Dudensing était de terminer ses jours en France dans un petit château en Dordogne. [...] Elle offrit son rêve à Dudensing en échange du Victory Boogie-Woogie. [..] C'est cette même œuvre qu'elle et son mari avaient pensé offrir à la France, mais le musée d'Art moderne n'en a pas voulu. [...] Jean Cassou, son directeur a déclaré : "Moi vivant, jamais un Mondrian n'entrera dans un musée français." [...] Ils me demandèrent gravement : "Michel, what shall we do with the Victory Boogie-Woogie?" [...] J'ai dit à Emily qu'on exposait à ce moment-là au Stedelijk Museum d'Amsterdam une si mauvaise copie du Victory Boogie-Woogie, soi-disant achevé, que d'après moi, ce musée ne méritait pas le tableau. [...] Je lui ai raconté qu'on ne voulait pas de Mondrian à Paris et que le tableau "étant" à New York, c'est à New York qu'il appartenait. Sa place était donc au Museum of Modern Art". (Seuphor).

Archives : Réunies à Amersfoort, Pays-Bas, dans sa maison natale.

Divers : L'affaire des "faux" Mondrian du Musée national d'art moderne du centre Georges-Pompidou.
Jusqu'en 1978, le musée ne disposait que d'un seul Mondrian, acheté à l'occasion de l'inauguration en 1977, pour 400 000 francs. Trois toiles lui sont alors proposées, Composition abstraite, signée et non datée, des années 1913-1914, Composition Plus et Minus, signée et non datée, de l'année 1916, et Composition, signée et datée de 1921. Chacune des œuvres, vue par Seuphor en 1975, est certifiée par lui. À l'unanimité, la commission d'achat les acquiert pour 6 millions de francs.
Si leur qualité est grande, leur origine est floue et le comportement des vendeurs, trouble. Le centre Pompidou refuse finalement de payer et saisit la justice. Au procès, en 1984, d'une part Seuphor, poursuivi pour "complicité en matière de fraude artistique", maintient son avis et d'autre part, Harry Holtzmann*, exécuteur testamentaire de Mondrian, qui déclare les tableaux faux, est soutenu par des experts techniques. Le jugement, confirmé par un arrêt de 1984, déclare le tableaux faux, condamne la venderesse, relaxe Seuphor pour sa bonne foi et... remet les toiles à Holtzmann pour un musée du faux. En fait, il semblerait qu'elles soient parties pour Amsterdam aux fins de comparaison et d'expertise.


Oeuvres


Reconstitution de l'atelier de Piet Mondrian
Reconstitution de l'atelier de Piet Mondrian