Fiche de présentation

LAM, Wifredo ( Wifredo Oscar de la Conception Lam y Castilla, dit )

né le 8 décembre 1902 à Sagua-la-Grand, Cuba ; mère afro-cubaine et père chinois ; 1914-1915, commence le dessin ; 1916-1923, Beaux-Arts, La Havane ; 1923, Beaux-Arts, Madrid ; 1924-1938, séjourne en Espagne, à Madrid, puis à Barcelone et participe à la guerre civile dans les troupes républicaines ; 1938, arrive à Paris et se lie d'amitié avec Picasso* et les surréalistes*, confie ses tableaux à Pierre Loeb*; 1940-1942, fuit la France et retrouve La Havane; 1947-1952, partage son temps entre Cuba, New York et Paris où il s'installe définitivement; 1955, rencontre Lou Laurin ; 1960, l'épouse ; 1982, meurt le 11 septembre à Paris ; funérailles nationales à Cuba, le 8 décembre.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : De 1924 à 1938, il cherche ses maîtres ; il suit Matisse*, La Fenêtre, (1936), ainsi que Picasso, Le Réveil, (1938), Mère et enfants, (1940). Une gouache, La Chaise, (1938), est assez symbolique parce qu'elle conjugue le délié simplificateur de Matisse avec les réminiscences nègres de Picasso. La série de ses Jeunes Filles, (1938-1942) des contours stylisés et flous aux visages négroïdes, Femme nue, (1939, MPSG). En 1940, Lam est encore influencé par son ami Picasso, Portrait au cadre rayé, mais quelques protubérances biscornues sont ajoutées au cubisme* synthétique et annoncent sa propre emblématique. La même année, Le Couple, montre la première élongation des membres repliés verticalement, les premières cornes initiatiques, les premiers seins en forme de calebasse. La Femme aux bras levés, (1941) est une des premières oeuvres à pratiquer une technique dont il usera épisodiquement, jusqu'en 1947, de taches colorées se détachant du vide et produisant l'effet d'un négatif photographique ou celui d'une image vue, le soleil dans les yeux. En 1942,il décroche et devient son propre maître : Femme construit un ensemble parfaitement équilibré, à base de formes syncopées, dans lequel on voit apparaître les éléments d'une mythologie personnelle, Lumière dans la forêt ou la grande jungle, (1942, MNAM), détail esquissé en sépia de La Jungle (1943, MoMA), construction verticale, à la gouache, touffue, en plans successifs, avec de haut en bas, une végétation serrée de bambous et de feuilles de caoutchouc, des masques africains et des troncs féminins, sains, jambes fuselées, pieds largement empâtés. On peut constater le circuit court (1906-1942) entre deux chefs-d'oeuvre, l'icône du cubisme en 1906, d'un Catalan, Les Demoiselles d'Avignon, et, en 1942, celui d'une peinture tiers-mondiste, La Jungle, en 1942. Celle-ci suinte d'humidité tropicale grâce aux verts très légèrement tachés de jaune et de rouge. Il trouve dans l'art africain en particulier, et dans toutes les civilisations tropicales en général, les éléments symboliques et décoratifs qu'il fait foisonner dans des toiles grises, sépia, terres de Sienne, en construction savamment charpentées : crêtes de Sénoufo, lances, seins érigés d'adolescentes, poupées Ashanti, cornes Ngéré, disposées en braches de sapins ou en régimes de bananes, et qui transmettent, en même temps que les touffeurs équatoriales, le mystère inquiétant de peuples initiatiques : c'est l'apport de Lam au surréalisme*. Végétation tropicale, (ca 1948, MMS), Femme nue (1939, MPSG), Femme renversée, (1942, MNAM) : toutes ces formes lamiennes anthropo- et zoomorphes. Dès 1947, les signes "nègres" s'accompagnent de subtiles allusions phalliques, quand une tête hippique, transformée en masque africain mâche une verge et des testicules. Depuis 1946, ses constructions deviennent de plus en plus totémiques, assemblages verticaux coupés de pièces horizontales, Annonciation, (1947), Maternité, (1952, MBA, Cuba) ; on y décèle aussi l'influence du culte vaudou, Les Noces, (1947, NNG).  Ce statisme hiératique s'anime à compter de 1960, Grande Composition, (1960), Tiers monde, (1966, MBA, Cuba), Les Abaloches dansent pour Dhambala, dieu de l'unité, (1970). Les totems se sont élongés horizontalement, ils volent en compagnie d'insectes-fétiches terminés en fer de lances et en losanges cuivrés sur fond sombre. Dans certaines toiles, le tourbillon n'est pas sans rappeler celui de La Chute des anges rebelles de Breughel, à ceci près qu'ici, toutes les formes sont aspirées par le même destin et qu'il n'en est pas une, isolée, qui incarne l'ange sacrificateur.

Expositions : 1932, Cercle d'art, Léon ; 1939, Pierre Loeb, Paris.

Rétrospective : 1966, Bâle ; 1967, Hanovre, Amsterdam, Stockholm, Bruxelles ; 1983, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; Musée d'Ixelles, (Bruxelles) ; 1988, Düsseldorf, Hambourg.

Musées : Musée national des beaux-arts, Cuba, une trentaine d'oeuvres de 1938 à 1955.

Citation(s) : On a dit :
- Un apport transcendantal à l'univers nouveau de la peinture américaine [...]. Lam a commencé à créer sa propre atmosphère à l'aide de formes où l'homme, l'animal et la végétation se mêlaient étroitement, en donnant vie aux mythes primitifs et en ayant un aspect à la fois antillais et universel, lié de très près non seulement à la terre cubaine, mais à toutes les îles.  (Alejo Carpentier, à propos de La Jungle).
- Le surréalisme, on peut presque dire que c'est une révolte contre l'esprit européen traditionnel et l'on peut presque dire que l'esprit non-européen est naturellement surréaliste.  (Aimé Césaire).
- Il a le droit, lui, il est nègre. (Picasso).

Bibliographie(s) : John Yau et Gerardo Mosquera, Catalogue raisonné, 2 vol., Acatos, Lausanne, 2002.