Fiche de présentation

GASIOROWSKI, Gérard

né le 3 mars 1930 à Paris, France ; 1947-1951, Arts appliqués ; 1951, commence à peindre ; entre 1953-1964, cesse de peindre ; travaille dans une compagnie d'assurances ; 1960-1970, dans l'édition ; 1964, recommence à peindre ; 1980, 1982, détruit une partie de son oeuvre dans un autodafé ; 1986, meurt le 19 août à Lyon d'un infarctus.
signatures : Gasiorowski, ou G., ou Kiga, ou AWK., ou GGXXS (c'est-à-dire Gérard Gasiorowski, XXe siècle).

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : On ne sait rien des années 1951 à 1964, sinon qu'il n'a semble-t-il peint - non-figuratif* - qu'en 1952 et 1953. Ensuite, il est présent de 1965 à 1972 à l'hyperréalisme* en noir et blanc. À l'aide d'un épiscope, il transpose des photographies sur des toiles ; il n'use que du noir et de la réserve du blanc, et la photographie grandie s'en trouve durcie, distancée par rapport à l'original, Nature, l'ensemble des choses qui existent réellement, (1965, LFIK), Des limites de ma pensée, (1969, FRAC Poitou-Charentes). Mais ces mêmes travaux, passés en bichromie, donnent des oeuvres pop*, L'Approche, première figure pour un nouvel âge d'or, (1965).
À partir de là, disposant d'une bonne culture de l'histoire de l'art, il produit une oeuvre faite de gammes allusives, qui peuvent être une relecture, de Lascaux à Manzoni* en passant par Giotto et les arts dits primitifs. Les Croûtes, (1970), pastiche de l'expressionnisme*, OIPAH HO OIPAH STRA, (1970) renvoie peut-être aux ,bolides de Formule 1. Albertine disparue,(1971) et Les Impuissances, (1972), collection d'images du passé, évanescentes en noir sur fond blanc, ou reprises de vignettes d'encyclopédies, Les Aires, (1973), monochromes blancs, portant le minuscule et presque invisible d'un vol d'oiseau. La couleur revient avec des études répétées de Pot de fleurs, de 1973 à 1982, regroupés par deux sur le même support et dont pot terne et fleurs flamboyantes sont séparés par une solution de continuité, à moins qu'il ne s'agisse de deux papiers superposés. Des centaines de Chapeaux,  (1973), attribués à des peintres, couvriront des feuilles de papier.
Malcolm Morley* l'introduit dans le monde des jouets et il en sélectionne les engins de catastrophes ferroviaires ou de guerre, les passe à l'acrylique sombre, ce sera la série de La Guerre, La Guerre de 1974, (1974, MAMVP) mobilise sur un mur de 10 x 5 m, 56 petits panneaux par séries de trois grandeurs différentes montrant des images de la guerre de 1939-1945, tanks, avions en flammes, drapeaux français. Des morceaux de sparadrap, ensanglantés, disposés sur des cartons, représentent Les Soins (1975) prodigués au peintre mourant. Il enferme dans une succession d'emballages emboîtés les objetssymbolisant, représentant ou liés à la peinture : papiers coloriés, tubes de couleur, reproduction de Cézanne, cartes postales peintes, etc., Les Fleurs, (1973). Une autre série au format identique aligne soixante-dix huit dessins au brou de noix, Voyage avec Colette Postal, (1982). Des successions de dessins au doigt d'aspect primitif et régulier, obtenus avec le jus des tourtes d'excrément et de plantes séchés, Les Jus, (1978).
Sa hantise de l'histoire de la peinture lui fait montrer une série de 300 Amalgames, (1980), qui sont autant d'allusions, ou de pastiches, ou de réinterprétations des maîtres plus ou moins grands.
Ce touche-à-tout cultivé est un parfait mythomane, à l'instar des héros de Handji de Robert Poulet : en 1983, devant une caméra vidéo*, un homme rangé, mesuré, ordonné, raconte sa rencontre avec le professeur Arne Hammer, fondateur, en 1976, de l'académie Worosiskiga (AWK) (anagramme de Gasiorowski), ce qu'il lui doit, comment il s'astreinit aux plus fastidieuses formalités administratives pour ses quatre cents étudiants, et ce qu'il exige d'eux pour les faire passer de 3e en 4e année; parmi les élèves, Joseph Beuys* et aussi une Indienne, Kiga ; celle-ci, incarnation de l'ingénuité originelle, mène la révolte contre le professeur et le tue le 2 septembre 1981, tout en continuant à appliquer ses leçons..., avant de mourir la nuit du 3 mars 1983, à 87 ans. Ce discours, c'est Gasiorowski qui le tient, comme faisant appel à sa mémoire, sans rien laisser paraître de ce qu'il a de schizophrène. Tout ce qu'il a fait "avant", il le (re)nie, l'hyperréalisme, les "croûtes", qu'il appelle "tableaux" par opposition à "peinture". Sous l'impulsion du professeur Hammer, puis sous celle de Kiga (dernières syllabes de l'anagramme), il va enfin créer... Il y a aussi, en 1983 et 1984, de grandes toiles grises, à l'expressionnisme* généralement informel, à la manière de Naissance, (1983), fétiche nègre pathétique ou Kiga, Crucifixion, (1984, MBANa), tête de Christ qui sourd de la pénombre d'une cathédrale, Les Cérémonies, (1984, FRAC Pays de Loire), anticipant d'un lustre Pei Ming* ou encore cette série de douze toiles de 2 x 2 m, Fertilité, (1986). De temps à autre, un titre répond à une figuration. Mais il y a également, en 1983, ces toiles blanches, donc préparées, sur lesquelles s'inscrit une forme  qui pourrait être un début inachevé d'oeuvre, ou 17 toiles, Sans titre, (1985-1986), qui n'ont d'autre proximité qu'un trait indéfini que l'on peut reconstituer si les toiles sont accrochées dans le bon ordre ; le contenu de celles-ci est, à deux exceptions près, informel, les exceptions étant l'esquisse d'une botte italienne et une tête de guenon chapeautée. Il déroule encore sur 40m. Le Chemin de peinture, (1986) où se retrouve comme par résurrection du réel revisité.
Par destructions, parodies, citations, ratiocinations, cet artiste polymorphe joue à massacrer le passé au prétexte très conceptuel* de trouver sa propre voie, sa propre voix. Rarement on aura plus parlé de la peinture pour dire qu'il suffisait de la faire.

Expositions : 1965, Mathias Fels, Paris, (G) ; 1970, Thelen, Essen, (P) ; 1972, Laplace 3, Paris, (P) ; 1983, Arc, Paris ; 1986, 1995, Maeght, Paris, (P) ; 1988, Musée d'Art moderne, Villeneuve-d'Ascq.

Rétrospective : 1983, Musée d'art moderne de la ville, Paris ; 1995, Centre Pompidou, Paris ; 2010, Carré d'Art, Nîmes ; 2012, Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence.

Citation(s) : Il a dit :
- Celui qui se perd dans sa passion a moins perdu que celui qui perd sa passion.
- Parfois je préfèrerais un autre métier mais on tient à son malheur.