Fiche de présentation

DELVAUX, Paul

né le 23 septembre 1897 à Antheit-les-Huy, Wallonie, Belgique ; 1907, découvre les Jules Verne dans l'édition Hetzel ; 1916-1924, Beaux-Arts, Bruxelles, un an dans la classe d'architecture, puis dans celle de peinture monumentale ; 1932, pénètre dans la baraque du musée Spitzner de curiosités anatomiques à la Foire du Midi ; 1934, découvre De Chirico dans une exposition bruxelloise ; 1948, se marie pour la seconde fois, avec "Tam", après avoir dit de ses parents "Dans un ménage, il faut toujours qu'il y en ait un qui soit autoritaire"; 1950-1962, professeur aux Beaux-Arts de La Cambre à Bruxelles ; 1960, quitte Boitsfort-Bruxelles pour Furnes, Flandre occidentale ; 1963, élu membre de l'Académie royale de Belgique ; 1977, élu membre de l'Institut de France ; 1979, docteur honoris causa de l'université de Bruxelles ; 1982, inauguration de la Fondation Delvaux à Saint-Idesbald-Coxyde ; 1983, premières atteintes de la cécité, cesse de peindre ; 1989, décès de Tam ; 1994, meurt le 20 juillet à Furnes ; y est enterré.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Les paysages qu'il peint de 1920 à 1925 ont des empâtements terreux, voire bitumeux, façon XIXe siècle, petite maison à Rouge-Cloître, (1920, Fond. Delvaux), voire des éclaircies, façon Barbizon, ou, en Belgique,  Franz Courtens*. Sous-bois à Rouge-Cloître, (1820). Sa première Gare, (1922). Il est redevable à Renoir, Portrait de famille, (1925). De 1927 à 1932, il peint avec un trait ingresque, qui subit le souvenir de Laethem-Saint-Martin*, Le Banc, (1927), doré, sombre et chaud, traite déjà de l'incommunicabilité ou Jeunes filles à la campagne, (1929, Fond. Delvaux), Suite de personnages nus dans une forêt, (1927), dans le souvenir de Modigliani*, aborde le thème de l'homme impubère égaré parmi les femmes ; La première Vénus endormie, (1932) rend compte de la visite au musée Spitzner. En 1935, il subit brièvement l'influence de Magritte*, La Fenêtre, (1936), tout en abordant une procession de femmes qui lui est propre, Le Cortège en dentelles, (1936, LMH) ; enfin, la grande influence avouée, c'est celle de De Chirico* qui apparaît dans Palais en ruine, (1935) ; ici pointe le surréalisme*. Cette influence est vite absorbée, et revient dans les grands décors qui suivent sous forme d'une statue aux ombres immenses. Sont apparus, en 1989, une centaine des dessins de la décennie 1920 qui attestent la sûreté du trait qui sous-tend toute l'oeuvre à venir. Dès lors, c'est la déclinaison de thèmes que l'on va retrouver sans cesse harmonisés : nus, savants, trains, squelettes qu'il ne cesse d'agencer différemment, comme Rodin articulait sa réserve de fragments d'anatomies. Il devient leur metteur en scène néorenaissant, Femme dans une grotte, (1936, Th-B), avec des perspectives outrées, fantômes de ruines gréco-romaines, aux colonnes corinthiennes, où se promènent des femmes nues, Les Noeuds roses, (1937, KMSKA), se croisant dans l'indifférence, avec leurs gestes arrêtés, s'éclairant en plein jour de lames à huile et dégageant d'elles-mêmes des ombres lunaires ou solaires accusées. Cette atmosphère si particulière, Carel Willink* l'a imaginée dès 1931 pour Les Visiteurs de Pompéi, (BvB). Sexualité impuissante, mort et évasion. La mort et la vie. Une vie réduite à une statuaire de musée Grévin, Vénus endormie, (1944, Tate) ; une mort qui est vie lorsque des squelettes discutent entre eux, Squelettes dans un bureau, (1944, Mus. d'Israël) ou lorsque ses grandes toiles religieuses montrent Jésus et les apôtres en squelettes agissants, La Mise au tombeau, (1951, BAM), Ecce Homo, (1957, KMSKA), seul le crucifié est de chair et le tout est une grisaille. Parmi les femmes nues, un homme, un jeune homme prépubère - le plus souvent son autoportrait de l'heure ; souvenir de quelque "scène primitive", La Visite, (1939), où le garçon ouvrant une porte découvre une femme mûre qui se flatte les seins, ou Pygmalion, (1939, MRBABxl), ou encore L'Aube sur la ville, (1940, Paribas, Belgique), avec ses panathénées au loin. À cette impuissance congénitale s'ajoute le contrôle professionnel, lorsque les femmes côtoient des savants corsetés dans leur redingote ou leur blouse médicale, évocation des personnages d'Éduard Riou pour l'illustration de l'édition Hetzel de Jules Verne, Otto Lindenbrock et Palmyrin Rosette. Les femmes effrayantes, il les exorcise en les rendant douces, frigides, face à des mâles impuissants. Il ne cesse de peindre Gabrielle d'Estrées et sa soeur, dans un décor de Mantegna ou d'Eiffel. Enfin, il y a sa passion pour les tramways, La Rue aux tramways, (1946) ou le tramway de notre enfance, en vue latérale toute en longueur, non sans une pointe de naïveté, et la même passion pour les chemins de fer, Train de nuit, (1947, Mus. de Toyama), les gares de province, avec leurs wagons d'antan, et les maisons en brique que se construisent les petits-bourgeois belges à l'aube du siècle. Elles sont vues entre chien et loup, les fenêtres sont allumées et les réverbères, mais le jour n'est pas tombé, Solitude, (1955, État belge). La femme, nue bien entendu, attend sur un sofa, enchapeautée de plumes, L'Âge du fer, (1951, PMMK). Son rendu marmoréen, hiératique n'est léché ou lisse qu'à vue superficielle : le coup de pinceau n'est jamais celé; au fil du temps, la couche des couleurs, toujours rompues, s'amincit. À compter de 1973, la scène se vide, les jeunes filles paraissent perdues, assises frontalement sur un miserere, dos à la vacuité de l'océan. En 1983, il peint sa dernière toile, La Rue.
Du 26 avril 1954 au 9 mars 1956, il se consacre presque exclusivement à la décoration de la maison de Gilbert Périer à Bruxelles, en collaboration avec Émile Salkin*. Son style glacial l'amène, en 1961, à être le décorateur du film d'Alain Robbe-Grillet L'Année dernière à Marienbad.
On estime son oeuvre peint à 400 numéros.

Expositions : 1923, Giroux, Bruxelles, (G) ; 1925, Breckpot, Bruxelles, (P) ; 1938, Internationale du surréalisme, Paris ; 1946, Julien Levy, New York, (P) ; 1948, René Drouin, Paris, (P) ; 2010, Musée d'Ixelles, (P).

Rétrospective : 1962, Musée des Beaux-Arts, Ostende ; 1966, Palais des Beaux-Arts, Lille ; 1967, Musée d'Ixelles;  1969, Musée des Arts décoratifs, Paris ; 1973, Musée Boymans-Van Beuningen, Rotterdam, et casino, Knokke-Heist ; 1989, Kunsthalle, Munich ; 1991, Grand Palais, Paris ; 1997, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.

Musées : Vlierhof, Fondation Delvaux, inaugurée en 1979, Saint-Idesbald-Coxyde, Flandre occidentale, Belgique.

Lieux publics : 1948, Maison Périer, Bruxelles ; 1952, Kursaal d'Ostende ; 1954-1956, hôtel Périer, 573, avenue Louise, Bruxelles ; 1959, Palais des Congrès, Bruxelles ; 1960, Institut de zoologie, Liège.

Citation(s) : On a dit :
- Qu'il faisait de l'univers, l'empire d'une femme toujours la même, qui règne sur les faubourgs du coeur où les vieux moulins de Flandres font tourner un collier de perles dans une lumière du minerai. (Anré Breton). - Parmi les bijoux, les palais des campagnes [...]. De grandes femmes immobiles [...] Et leur sein baignant leur miroir. Oeil nu dans la clairière de l'attente. Elles tranquilles et plus belles d'être semblables... Livrées à leur destin ne rien onnaître qu'elles-mêmes. (Paul Éluard).
- Peindre autrement ou bien peindre autre chose : pour renouveler la peinture, les impressionnistes, puis les cubistes*, choisirent le premier parti. Paul Delvaux résolument l'autre. Il peint comme faisaient les maîtres anciens. [...] À tous ceux qui en reçoivent la révélation, le monde créé par le génie de Delvaux apparaît plus vrai et plus désirable que celui où se défait la trame de leurs jours. (Claude Lévi-Strauss).
- Elles sont comme une sorte d'absence. Elles son comme si Delvaux avait peur de la femme. Elles sont comme une sorte d'éternité absente, à la fois transparentes et totalement opaques. (Alain Robbe-Grillet).

Bibliographie(s) : Michel Butor, Jean Clair Suzanne Houbart-Wilkin, Catalogue de l'oeuvre peint, Cosmos, Bruxelles, 1975