Fiche de présentation

DELAUNAY, Robert

né le 12 avril 1885 à Paris, France ; 1902, apprenti chez un fabricant de décors de théâtre de Belleville ; 1910, épouse Sonia Terk, qui devient ainsi Sonia Delaunay*; 1915-1921, avec sa femme, séjourne au Portugal et en Espagne ; 1939, tombe malade ; 1941, meurt le 25 octobre à Montpellier ; est enterré à Gambais, Yvelines.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Avant d'être saisi par le cubisme*, il est post-impressionniste, Bords de la Yèvre, (1903, MNAM), classique expressionnisant,  Bretonne et enfant, (1905, musée de Quimper), post-impressionniste encore, La Mer, (1905, MNAM), tout en blancs au léger relief, neo-impressionniste*, fauve*, Portrait de Mme Henri Carlier, (1906), tenté même par les outrances de Die Brücke*, Autoportrait, 1909, MNAM) et intéressé, comme Seurat, par la division du travail en touches de couleurs pures "contrastant simultanément" entre elles, selon les découvertes de Chevreul, Paysage aux vaches, (1906, MAMVP), Nature morte au perroquet, (1907, MUC). Ses touches autonomes sont éloignées du pointillisme et proches de la mosaïque.
Saint-Séverin,
En 1909-1915, la série  (huit exemplaires) montre le déambulatoire qui, pour être peint de manière "classique" en teintes sombres, n'en est pas moins distordu sous l'effet de la lumière traversant les vitraux. On évoque irrésistiblement la vision dans l'église du couvent de Jésus-Christ en Flandres de Balzac : "La danse de ces arcades mitrées avec ces élégantes croisées ressemblait aux luttes d'un tournoi. Bientôt chaque pierre vibra dans l'église mais sans changer de place." Saint-Séverin est sa première "déconstruction".
La Ville, 
Quatre exemplaires de la Ville, (dont un disparu) ; c'est l'entrée en cubisme synthétique, La Ville de Paris, (1910-1912, MNAM), avec une double préoccupation de la couleur et du mouvement. Le cubisme est statique et gris, alors qu'il veut un style coloré et dynamique. Retour pourtant à la grisaille avec des villes cubiques plus que cubistes, Étude pour la ville, (1909, KMW et SGM), à laquelle il ajoute une invention, celle de plaquer une trame de petites mosaïques sur certains points de vue, pour créer un effet prismatique, La Ville, (1910-1911, MNAM, et SGM).
Tour Eiffel,
L'évolution de la série (une trentaine d'exemplaires) est significative : parti des gris cubistes traditionnels, Tour Eiffel, (1910-1911, KBâ), il aboutit à la Tour rouge, (1911, SGM), qui fait éclater et la couleur et le mouvement apporté par le jeu de la réfraction de la lumière, et qu'encadrent les nuages mobiles et le rideau d'une fenêtre d'avant-plan. Il ma géométrise et lui attribue des couleurs pures sans noir, en plongée dans des jardins tout aussi vivement colorés, (1926) ; elle est réduite à sa base, en plongée, dans une manière léchée qui annonce le pop*, (1922, HIR.)
 Longtemps, la tour restera pour lui un sujet fétiche ; on la soupçonnait dans La Ville, elle va disparaître progressivement dans le thème des Fenêtres, (1912, MPSG), cryptée en son milieu, pour réapparaître cycliquement à travers l'oeuvre. En 1912, les paysages de Laon, et singulièrement  Les Tours de Laon, (1912, MNAM), sont d'un facture cézanienne, à laquelle s'ajoute la géométrisation de la lumière. L'Équipe de Cardiff, (1912-1913, trois versions au moins, (SGLM, MAMVP et VAbbe), allie la couleur, le mouvement et l'insertion de publicité. La série s'insère entre celle des Tours et celle des Fenêtres, commencée en 1912. Voulant signifier que les Fenêtres marquent le début de sa période "constructive", il déclare : "Elles sont des fenêtres sur une nouvelle réalité." Dans un châssis ouvert, des géométries lumineuses s'affrontent et se complètent (c'est à propos de cette série que le style qu'il forge, et la synthèse de ce qu'il représente, est baptisée orphisme* par Apollinaire). S'il y a encore référence au cubisme, c'est à celui des particules de la lumière; c'est déjà l'abstraction* colorée qui éclate dans les Formes circulaires, (1912, MNAM) et dans un essai figuratif, Le Dirigeable et le Tout, (1909). Blaise Cendrars* rapporte, à propos des Formes circulaires, (1912-1913), que l'artiste travaille dans une chambre aux volets clos, dans lesquels il a percé au vilebrequin un trou, et qu'il peint le rayon qui filtre, en s'attachant à en reproduire le spectre solaire. Ces formes constituent une période de médiation entre la division de la couleur de Seurat au service de la figuration, et l'abstraction* de l'après-Seconde Guerre mondiale. Il transpose la division en touches de couleurs, en cercles ou en spirales il dynamise la découverte de Chevreul et accompagne le futurisme*, Le Premier Disque, Tondo, ou Disque simultané, ou The Target, (1912), laissé à l'état d'esquisse, est retravaillé vers 1955 par Mansouroff* et vendu en 1953 par sa veuve à un amateur américain. Un autre, Le Disque, (1913), est accompli. Les teintes se trouvent fondues dans une même forme, et non les formes entre elles. C'est là l'origine du style auquel on identifie les Delaunay : Robert a réussi à créer le mouvement par la dynamique du cercle et la fusion chromatique. Il réintroduit la réalité avec La Femme et l'ombrelle, (1913, Th-B),  et rejoint l'abstraction dans cette intégration de la forme circulaire et des couleurs, L'Hommage à Blériot, (1913, MAMVP), L'Équipe de Cardiff, (1912-1913, SMKM), Nu à la toilette, (1915, MAMVP); dans toutes ces oeuvres, et dans les huit versions de La Grande Portugaise, (1916), le mouvement se fait par le cercle, soit qu'il se trouve être purement ornemental, soit qu'il informe les choses de la réalité (seins, fesses, épaules, pastèques), soit encore qu'il confonde l'un avec l'autre.  Femme au potiron, (1915, VDHW),  Femme au marché, (1915), Le Gitan, (1915), Plantes grasses, (1916), semblent marquer une pose, la facture n'est plus animée. De 1918 à 1928, de très nombreux portraits. À noter Le Baiser, (1922) ou Les Amoureux de Paris, (1929), à la crudité toute picabienne*. Les Coureurs, (1924-1926), dont les versions du MBAD, et GSS), se rapprochent, par leur poids sculptural géométrisé, de La Conquête de l'air de Roger de La Fresnaye*.
L'aboutissement de l'oeuvre, ce seront  Les Rythmes, (1930-1938), enchaînement de disques de couleurs limitées, articulés les uns aux autres, virevoltant par des glissements de spirales, reprenant la couleur de parties des cercles entourés.; l'un d'eux, Reliefs, Rythmes, (1932, BEL), double les cercles de deux disques en épaisseur de galette. Il aurait dit : "J'ai trouvé, ça tourne." C'est vrai de ces tableaux totalement non-figuratifs*, à la joie ornementale fraîche come les grands panneaux qui ornaient les pavillons des Chemins de fer et de l'Air à l'Exposition internationale de 1938, Rythmes, (1938, MAMVP), quatre exemplaires, dont un de Sonia.

Expositions : 1912, Barbazanges, Paris ; 1999, Centre Pompidou, (les années 1906-1914) ; 2015, Centre Pompidou pour les Rythmes.

Rétrospective : 1957, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 1976, Orangerie, Paris ; 1985, Musée d'Art moderne de la ville, Paris (en commun avec Sonia Delaunay) ;

Citation(s) : On a dit :
-Du rouge au vert out le jaune se meurt. Quand chantent les aras dans les forêts natales. [...]. Et maintenant voilà que s'ouvre la fenêtre. Araignées quand les mains tissaient la lumière. [...]. La fenêtre s'ouvre comme une orange. Le beau fruit de la Lumière.  (Apollinaire).