Fiche de présentation

DADO, ( Miodrag Djurig, dit )

né le 4 octobre 1933 à Cétinjé, Monténégro ; 1947-1952, Beaux-Arts d'Hercec Novi, Monténégro ; 1952-1956, Beaux-Arts, Belgrade ; 1956, s'installe à Paris ; épouse le peintre Hessie ; ensuite Milena Palakarkina* ; 1992, occupe un atelier à Sérignan, Hérault ; vit à Courcelles-les-Gisors ; 2010, meurt le 27 novembre à Montjavoult, Oise.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre

Présentation : Son monde est celui du déchet, une Fin de partie dont les vieillards sont jeunes, où les bébés, hydrocéphales, sont vieux, encombrée de résidus humains, animaux ou végétaux de toutes sortes. Ces amas sans âge peuplent des toiles sans fond, d'un amalgame de bric-à-brac lézardé, hanté par des visages sans cou à l'hilarité inconsciente, de cous sans visages, de détritus de décharge publique, reflet d'un monde détraqué, asilaire. Après Figure assise (1955, MNAM), portrait classique d'un nain à la tête arrondie, Le Cycliste (1955, MAM) amorce les rondeurs enfantines et l'éparpillement de pièces détachées dans des couleurs vives bientôt abandonnées et dans une forme qui rappelle le purisme*. L'accumulation devient son mode favori, comme elle est celui de Bernhard Heisig*. Elle prend la forme de trophées lithiques, La Guerre (1958) ; puis la radiographie des milliards de sous-humains hagards, sa voie d'investigation. Ses monstres anthropomorphes aux visages lunaires montrent leurs intérieurs d'écorchés, ossature, muscles, viscères, Massacre des innocents (1958-1959, MNAM), têtes amoncelées parmi lesquelles on distingue une poupée, recouvertes d'une résille de sang.
En 1958, L'Architecte (1959, MNAM) entame la période des pierres rongées par une pollution très ancienne; la couleur s'est tamisée pour une ville pétrifiée, dans l'attente de quelque archéologue, La Grande Ferme, Hommage à Bernard Requichot, (1962-1963, MNAM) en est une variante rurale. Durant deux ans, il pratique le pointillisme, soit au sens propre, soit par des divisions minuscules de l'objet, comme les pierres d'un mur vu au loin, faites d'une seule touche, Sortie d'hôpital,l (1961), avec les difformités monstrueuses que le sujet appelle. On retrouve le monde urbain carcéral avec Le Diptyque de Hérouval,(1975), d'un rez-de-chaussée aux allures de sous-sol peuplé d'êtres aux silhouettes de rats. Certaines toiles sont faites de collages, papiers préalablement peints, puis découpés et réarticulés sans point focal, grotesques sur fond noir aux yeux globuleux, monde d'un Bosch, Sans titre, (1968, MNAM). De cette technique particulière, il tire des originaux ou des multiples (1979-1987), rehaussés d'un collage original, sous le titre collectif Job. Au milieu des années 1960, on assiste à une transition d'éclairage : venu de la froideur hospitalière, il évolue vers une lumière glauque d'aquarium baignant son monde devenu amniotique. Ce sont les embryons qui y stagnent, d'humain ou de batracien, Le Diable amoureux, (1989), Les Grands Maux et les grands remèdes, (1989), sur les pages d'un ancien ouvrage de médecine, des collages de ce que les maladies de la tête peuvent apporter de déformations imaginaires. Ces collages sont rehaussés de menus objets, et placés en boîtes, comme chez Cornell*. C'est la transition vers la sculpture qui lui permet d'assembler et de peindre de manière cocasse dans la ligne de ses phobies proliférantes : un réfrigérateur, par exemple surmonté d'une cuvette de W.-C. Dan les années 1990, une nouvelle évolution de l'éclairage autour des mêmes éléments, le tumulte baroque de chute verticale ou de bataille horizontale prennent des couleurs pastellisées à la dominante de brume bleue et au milieu de ces mêmes années, l'éclairage devient mat, l'huile appliquée sur bois et les hybrides lunaires aux yeux globuleux traités un à un. Les Méchantes Petites Filles, (1996), et leur amalgame de groupe, comme Silvia (1996) en boîte avec ses deux animaux desséchés. La peiture cesse d'être minéralisée et devient sanguinolente. Les têtes restent les mêmes, ahuries mais écorchées, se présentent en solitaire, Les Chartreux (1998), noyées dans une des balafres de couleur, rageuses et expéditives.
En 1997, il bascule dans la (presque) non-figuration expressionniste* : entrelacs en bataille, partiellement camouflés par le collage d'une pièce importante, dans lequel se mêlent ossements, avions, objets guerriers sans qu'ils se laissent identifier réellement; planches anatomiques d'organes internes perdues dans les coulures de noir sur blanc.
À la fin du siècle, il réduit le travail au tracé de ses sujets de toujours, devenus transparents dans leurs limites bleues et rouges d'anthropoïdes, Ecole de Precilla, (2001, MNAM), sur la toile en blanc cassé ou grège, amoncellements de formes mécaniques et/ou squelettiques, mues de manière centrifuge, balafrés, qui font penser au texte du Miserere "et exultabunt ossa humiliata", Gamogonies, (2002).
Il ne cesse pas les collages, d'une palette rouge vif sur des planches anatomiques, accompagnées de livres d'enfants. Il existe une suite de dessins de mode d'après les création du couturier Izet Curi, (1987).

Expositions : 1956, Salon de Rijeka, Croatie ; 1958, 1965, Daniel Cordier, Paris (P) ; 1974, 1978, Aberbach, New York, (P) ; 2000, Alain Margaron, Paris, (P) ; 2009, Biennale de Venise.

Rétrospective : 1969, Centre national d'art contemporain, Paris ; 1984, Musée Ingres, Montauban.

Musées : Musée Dado, Cetinje, Monténégro.

Lieux publics : ca. 1990, Les Orpelières, Sérignan, ancienne cave vinicole, décorée en plein air. 2001, chapelle Saint-Luc-des-Lépreux, Gisors, dont les murs intérieurs sont couverts d'une danse de mort dite Le Conciliabule (2002), entrelacs et amas d'ossements à tête vive, grotesque, en bleu et bistre ; mis à part le mur du fond, la lisibilité disparait au profit du frémissement, le collage se prête à l'écrasement des formes qu'il accompagne.

Citation(s) : Il a dit :
- Ce qui m'intéresse, c'est le vomissement. On nous a inculqué une culture de meurtres et de viols.
On a dit :
- Une écriture où la matière est l'homme.Il y a un rapport qui n'appartient qu'à vous,entre les formes matières ou l'homme animal, l'invertébré, et les fonds couleurs qui donnent les pouvoirs de transparence ou de réflexion.    (Gilles Deleuze).