Fiche de présentation

PICASSO, Pablo ( Pablo Ruiz-Blasco, dit, )

né le 25 octobre 1881 à Málaga, Espagne ; fils du peintre José Ruiz Blasco et de Maria Picasso y Lopez  ; 1892, Beaux-arts, La Corogne ; 1893, Beaux-Arts La Llonja, Barcelone ; 1897, admis à l'Académie royale de San Fernando, qu'il ne fréquente pas ; 1900, premier voyage à Paris ; 1904, s'installe au Bateau-Lavoir* ; 1909, Daniel-Henry Kahnweiler* devient son marchand ; 1911, travaille à Céret* ; 1912, sa compagne Fernande Olivier, peintre, est remplacée par Eva-Marcemme Humbert (voir infra), Descendance et héritage) ; 1915, contracte avec Léonce Rosenberg*; 1917, séjourne en Italie ; 1918, contracte avec Paul Rosenberg*; 1924-1926, accepte d'être associé aux publications surréalistes* ; 1936, nommé directeur du Prado, vide de ses toiles, mises à l'abri à Genève, par le gouvernement républicain ; 1936-1943, vit avec Dora Maar* ; 1944, quai des Grands-Augustins, dans l'appartement des Leiris*, représentation de sa pièce Le Désir attrapé par la queue, interprétée par Camus, Sartre, Dora Maar, Queneau et Simone de Beauvoir ; 1944, adhère au parti communiste ;  1945, reprend Kahnweiller comme marchand ; 1946-1954, vit avec Françoise Gilot* ; 1958, achète le château de Vauvenargues, dans les Bouches-du-Rhône, et téléphone à Kahnweiler : "J'ai acheté la montagne Sainte-Victoire, "la vraie " ; 1961, s'installe à Notre-Dame-de-Vie, Mougins ; 1973, y meurt le 9 avril ; est enterré le 10 avril au château de Vauvenargues.
signature : à compter de 1901, adopte le nom de sa mère, Picasso.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Performeur

Présentation : Il est le grand mutant du XXe siècle, doué d'une fécondité picturale (et biologique) sans doute unique puisqu'on lui attribue de 13  000 à 20 000 toiles, 700 sculptures, plus de 100 000 estampes en 2 000 sujets différents, dont les cent planches de la Suite Vollard*, en 1933-34, et les quatre-vingts eaux-fortes de Degas dans la maison Tellier, 1970-72, des milliers de céramiques, réalisés dans plus de 16 ateliers, dont 4 à Paris.
Sa vie est un kaléidoscope où les périodes s'interpénètrent, jalonnées de quelques plans mondialement connus. Visitant une exposition d'œuvres d'enfants, il remarquait  "moi, je n'aurais jamais pu y participer : à douze ans, je dessinais comme Raphaël".
Les Premières toiles :
Celles que conserve le musée Picasso de Paris datent de 1895 ; il a quatorze ans et le métier est déjà parfait , Nus, recto-verso ; il apprend en copiant les antiques de 1893 à 1899, (MPB), mais alors que chaque débutant de l'époque s'essaie à l'impressionnisme, le jeune Picasso est académique, Première Communion, (1895-96, MPB) et Science et Charité, (1896, MPB), sont de parfaits "pompiers" d'où la mièvrerie n'est pas absente, et pourtant la même année, Le Portrait de Ruiz-Blasco, (1896, MPB) et La Lecture, (1899, MPP), sont des gouaches fortes et achevées, et l'Autoportrait à la perruque, (1897, MPB), est goyesque : il est déjà Protée.
Les Étapes de l'artiste qui se cherche :
Influence de Munch*, Jeune-homme, femme et grotesque, (1898, MPP) ; retour à l'académisme, Scènes de rue à Paris, (1900, MMSF), Le Moulin de la Galette, (1900, SGM) ; influence de Van Gogh, Mort de Casagemas, (1901, MPP), Portrait de Gustave Coquiot, (1901, MNAM) et, enfin, du post-impressionnisme, Nu couché, (1901, MNAM) et même Les Trois Hllandaises, (1905, MNAM).
De fin 1901, date le véritable début de l'artiste qui va non seulement révolutionner la peinture (et la sculpture), mais qui va le faire en inventant tout. Il est, dès lors, le James Joyce des arts plastiques, Femme assise, (1902), plâtre.
Période bleue,1901-1905.
Elle s'est principalement déroulée à Barcelone, déclenchée par le suicide de l'ami Casagemas*, dont il fait trois toiles. Dans une palette dominée massivement par toutes les variantes des bleus sourds, il développe des interprétations misérabilistes, soit que le sujet y prête, Les Deux saltimbanques, (1901, MAPP), La Buveuse d'absinthe, (1901, ERM), à la pose si caractéristique et un peu maniériste de l'accoudement bras en avant, en équerre et tête engoncée, ou encore Le Vieux guitariste, (1903, AIC), dont la tête en équerre, elle-aussi signifie, vieillesse ou jeu esthétique, soit encore qu'il transmue son sujet comme dans la fascinante Famille Soler, (1903, MBL), avec ses six regards vrillant le spectateur, (le nom du tableau vient de son premier propriétaire, tailleur, qui l'avait échangé contre un complet et qui trouvant le fond trop nu y avait fait peindre un paysage par un tiers; il était encore dans cet état au musée de Cologne, lorsqu'il fut vendu comme art dégénéré), Madame Soler, (1903, SMKM), Sébastien Juner Vidal, (1903, CMALA), Femme à la chemise, (1905, Tate), La Célestine ou la femme à la taie, (1904, MPP).
Pour faire la transition, on retiendra le double face L'Accroupie, (1902, SS), au recto et au verso, L'Artiste, (1905) de période rose et surtout, Le Mariage de Pierrette, (1905, Musée Nihon Automobilis, Japon), bleue par sa facture, rose par son thème d'arlequin, dont on a dit qu'il faisait basculer l'artiste de la tragédie dans le drame.
Période rose,1905-1907.
La palette devient plus souriante, même si le regard des personnages, La Coiffure, (1905, MOMA), des arlequins, L'Acteur, (1906, MOMA), ou du Jeune garçon nu, (1906, MPB), sont empreints d'une mélancolie qui avoisine la détresse; il n'hésite pas à user de la grandeur nature, Garçon conduisant un cheval, (1905-1906, MOMA).
La fin de cette période conserve le coloris mais durcit le trait; dans l'Autoportrait, (1906, MPP) ou dans le sculptural Portrait de Gertrude Stein, (1906, MET) ou encore dans Tête de femme consentante, (1906, SS). On pressent la démarche qui va éclater dans le tonnerre des Demoiselles d'Avignon, (1907, MOMA).
Les Demoiselles d'Avignon,1906-1908.
Avec cette toile, 245 x 235 m, il introduit dans la peinture -malgré des déclarations contradictoires- l'art nègre, au confluent de Cézanne, de l'expressionnisme* et de qui s'appellera cubisme*; cinq femmes (putains d'un bordel de la rue d'Avignon à Barcelone), ocres-roses, dont deux sommées de masques africains, surgissent en demi cercle d'une tenture bleue aux draperies géométrisées. Les Trois femmes, (1908, ERM), importante oeuvre de 200 x 185 m, à peine plus réduite que Les Demoiselles, s'inscrit directement dans la filiation de celles-ci; taillées à la serpe dans la brique, la toile de l'Ermitage est sans doute plus achevée, mais moins géniale que Les demoiselles. Ces dernières ont connu quelques sept cent dessins préparatoires et de nombreuses toiles, achevées, signées qui ont préparé le tableau. "Qui donc, excepté Picasso après Les Demoiselles d'Avignon, a osé interdire à l'approfondissement de gouverner seul la succession de ses manières ?" (André Malraux ). La Femme à la mandoline, (1909, ERM), fait la charnière entre le cubisme nègre et le cubisme analytique.
Le cubisme analytique,1908-1912.
Travaillant avec Braque, ils vont inventer de conserve le cubisme*; il commence par quelques toiles cézanniennes, comme La Rue des Bois, (1908, ERM). Les deux sont prêts à aborder l'analyse des formes : Femme assise, (1909, MNAM), Le Portrait d'Ambroise Vollard, (1909-10, MAPP), Le Sacré-Coeur, (1909-1910, MPP), ou le Poète, (1911, FPG), sont tous de la même facture, celle qui consiste à désintégrer les formes pour les réduire à leur construction d'arrêtes.
Tête de femme, (1909, Met) est considérée comme la première sculpture cubiste.
Le thème de la guitare, de la bouteille, de la pipe et du journal est fréquent, Homme à la mandoline, (1911, MPP).
Ne signant pas toujours leurs oeuvres, il est parfois difficile d'identifier, Picasso de Braque, de distinguer à qui attribuer les mêmes entrecroisements de lignes, les mêmes mosaïques d' arrêtes ou les mêmes rares arrondis, noyés dans une pâte fine grisâtre ou brunâtre; mais Picasso recourt seul aux verts profonds. Souvent les formats sont des ovales verticaux. Exceptionnelle donc cette toile horizontale, Bouteille, verre, éventail, pipe, violon, clarinette sur un piano, (1911, Berggruen*, Berlin), où les teintes décroissent d'intensité à partir du centre comme un soleil funèbre.
En mai 1912, il réalise le premier collage*, en incorporant à un tableau un morceau de toile cirée représentant le cannage d'une chaise, Nature morte à la chaise cannée, (1912, MPP). Quelques semaines auparavant -selon ses dires- il aurait incorporé un autre matériau dans Guitare en tôle, (1911, MoMA) (cfr. infra). Reprenant l'idée de Braque, il introduit des lettres dans la toile avec, en prime, un clin d'oeil au "cubisme" avec Le Bouillon KUB, (1912).
Le cubisme synthétique, 1912-1919.
La réaffirmation de la réalité va commencer par les papiers collés* de Braque. Ce nouvel avatar du cubisme montre l'objet -le plus souvent repris à la thématique même qui fut celle du cubisme analytique-, composé de ses polyèdres juxtaposés. De nombreuses oeuvres à deux ou à trois dimensions vont naître, Le Vieux Marc, (1914, MAMVP). Les collages de papiers vont s'insinuer entre les objets, comme des "trompe l'esprit".
Plus encore que dans le cubisme analytique la surface des objets coïncide avec la surface de la toile : il n'y plus qu'un plan, celui de celle-ci. De cette période date la sculpture, Le Verre d'Absinthe, (1914, MNAM) qui introduit pour la première fois la réalité -une cuiller- dans une création de l'imagination.
Retour à la tradition, 1917-1919.
De cette période date le Rideau de Parade, (1916-1917, MNAM), 500 x 160 m. peint à la colle, (ainsi que les costumes), il représente l'envers du décor, c'est à dire, sous les plis des rideaux traditionnels des salles à l'italienne, les acteurs se reposant. L'ouverture de fenêtres réinstaure une certaine perspective. 'Parade', (1917, MPP), de 170 x 100 m. rideau de scène pour la première au théâtre du Châtelet, le 18 mai, d'un ballet sur une musique d'Eric Satie. Portrait d'Olga dans un fauteuil, (1917, MPP), presqu'académique et surtout 'Portrait de Mme Paul Rosenberg et sa fille, (1918, MPP), seule commande de la carrière. Le Repas des paysans et La Famille heureuse, (1917-18, MPP), adaptations pointillistes d'après Le Nain; Les Baigneuses, (1918, MPP), avec une pointe de vulgarité; Nature morte sur la commode, (1919, MPP), établie dans l'intemporalité, et les Les Premiers communiants, (1919, MPP), qui annonce les gonflements de l'étape suivante.
De la même période le rideau (et les costumes) de Mercure, (1924, MNAM). Il peint encore Rideau de scène pour le 14 juillet de Romain Rolland, (1936).
Période ingresque,1919-1923.
Nature morte au pichet et aux pommes, (1919, MPP) ouvre la période durant laquelle il, pratiquera le gonflement des formes qui va porter le nom d' "ingresque". La réalité est respectée même si elle se trouve un peu bouffie; la valeur sculpturale de la forme est accentuée par la masse ocre des chairs sur fond gris, La Liseuse grise, (1920, MNAM), le superbe Enlèvement, (1920, MOMA), de dimensions modestes, Deux femmes nues assises, (1921, KNW), Trois femmes au printemps, (1921, MOMA), Femme assise, (1923, Tate). Scated Bather, (1923, MOMA), représente une sculpture sur fond de mer. La structure d'une toile comme , Femmes à la fontaine, (1921, MPA) et sa couleur ocre, doivent quelque chose à Puvis de Chavannes. Les personnages sont parfois habillés, La Lecture de la lettre,(1921, MPP) ou Femme au peignoir vert, (1922, LMK). Dans le Grand nu à la draperie, (1920-23, ORP), il se déprend du lissé de ses formes opulentes. Comme signe de "repentir" on retiendra les deux toiles de Mère et enfant, (1921, AIC), dont le fragment de gauche, retrouvé après l'achat du surplus, chez Picasso lui-même, avait été coupé par lui pour recentrer la toile.
Dans le même temps coexistent des toiles au trait plus acéré, Baigneuses regardant un avion, (1920, MPP) ou La Flûte de Pan, (1923, MPP.) Si les deux Guitare et buffet, (1920, MPP), représentent les dernières toiles cubistes synthétiques, (le cubisme sert aux natures mortes et l'ingrisme aux figures), une autre toile, néo-cubiste, Paysage de Juan -les -Pins, (1920, MPP), annonce par sa palette électrique le début de la grande destruction telle que l'inaugurera Le Baiser, (1925, MPP).
Retour à la tradition,1923-1925.
Arlequin, (1923, MNAM) avec ses losanges versicolores, Paul dessinant, (1923, MPP), Maria Picasso Lopez, (1923, Réattu), Paul en arlequin, (1924, MPP), Paul en Pierrot, (1925, MPP), et surtout Olga (1923), d' un hiératisme qui refuse le genre mondain dont il est proche, marquent le dernier retour à la tradition comme pour montrer que la peinture de toujours,la plus grande, n'est en rien devenue étrangère.
De très nombreuses natures-mortes, comme d'ailleurs durant les autres périodes, mais elles sont remarquables parce que très colorées, traitées dans une complexité de couleurs et dans un style post-cubiste, Mandoline et Guitare, (1924, SGM et NGI). Les ombres et les lumières ne portent plus sur une angularisation des objets, mais sont exprimés par opposition chromatique des à-plats. La Destruction, 1925. Elle revient définitivement dans la manière, Le Baiser, (1925, MPP), (précédé, il est vrai, d'une Mandoline, (1924, MPP), cubiste synthétique), c'est l'éclatement de deux corps "shrapnellisés", eût-on dit à cette époque, par une étreinte. L'oeil se perd à vouloir retrouver les quatre yeux, les deux bouches, les deux nez éléments d'une composition qu'on dirait à première vue abstraite; les teintes agressives achèvent de donner à ce magma un ton strident à ce qui apparaît comme une véritable schizophrénisation.
Suivent, une série de Guitares, (1926, MPP), à trois dimensions, papier, tissu, ficelle etc, qui préfigurent ce qu'on doit appeler.
Période surréaliste, 1926-1933.
Le Peintre et son modèle, (1926, MPP), premier titre d'une longue série qu'on retrouvera plus particulièrement en 1963-64. Les deux personnages sont reliés entre eux par un entrelacs de sinuosités dans un camaïeu de gris. Le Peintre et son modèle, (1928, MET), les plans et les angles sont présentés sous la seule fonction de l'effet pictural. La Dormeuse, (1929, MPP) proche de Miro, La Nageuse, et L'Acrobate, (1930, MPP), une silhouette pentapode, tous deux à la linéarité matissienne, Le Baiser, (1930) ou Le Chapeau de paille au feuillage bleu, (1933, MPP), proches de la caricature ou du gag; enfin le portrait crypté de Marie-Thérèse Walter dans Grande nature morte au guéridon, (1931, MPP), tout en ondulations illustrent la vision surréaliste. Celle-ci s'exprime aussi dans la manière aiguë inaugurée par Masson* en exploitant trois thèmes principaux : La Crucifixion, (1930, MPP), Le Minotaure, (1927, MNAM et 1933, MPP), La Corrida, (1933, MPP).
Il y aura aussi -idée reprise également à Masson, mais transformée, huit Tableau-Relief, (août 1930, MPP), fabriqués d'un assemblage d'objets de rebut, recouverts d'une couche de sable qui leur fait donner l'impression de venir de quelqu'au delà.
Les grandes figures sculptées du bord de mer, 1931-1937.
De Figures au bord de mer, (1931, MPP), à Jeunes filles jouant avec un bateau, (1937, FPG), la toile la plus empreinte de plénitude est sans doute La Grande baigneuse au livre, (1937, MPP), de face, recourbée dans une atmosphère tragique sur fond dégagé. Peintures de sculptures anthropomorphes qui ne sont pas sans rappeler l'oeuvre d'Henry Moore et qui opposent leur ocre au bleu océanique. Deux Femmes sur la Plage, (1956, MNAM) reprendra le même thème, mais les personnages sont devenus cubiques.
Portraits de Marie-Thérèse Walter, 1934-1938, et portraits de Dora Maar, 1936-1945.
Dora Maar lui apportant sa technique photographique, Il s'essaie aux "clichés de verre" (1936-1937), il peint sur plaque, photographie, agrandit considérablement et publie quatre variantes, Dora de profil, (1937, MPP) ou Dora de face, (1937, ibid.) Dans les portraits peints, il alterne la courbe et l'angle, l'inspiration voluptueuse de Marie-Thérèse, Nu dans un jardin, (1934, MPP) ou l'inspiration tumultueuse de Dora, Nu au bouquet d'iris, (1936, MPP), mais aussi une femme conventionnelle, cheveux au vent, Dora Maar sur la plage, (1936), ou coiffure serrée au delà du front proéminent, Dora Maar aux ongles verts, (1936, NNG).
La référence se fait plus précise lorsqu'il s'agit de portraits donnés comme tels où l'on voit le personnage de face ET de profil à la fois, genre de représentation qui va abonder, Dormeuse aux persiennes, (1936, MPP), (Marie-Thérèse), et Portrait de Dora Maar, (1943, MNAM). En sculpture, Tête de femme aux grands yeux, (1931, MPA) et Tête de femme au chignon, (1932, MPA), toutes deux en ciment, c'est le profil de Marie-Thérèse. Tête de femme, (1955), est inspiré par Dora Maar, pour servir de monument à Appolinaire. On revient à la peinure avec La Femme qui pleure, (1937), le cubisme coloré atteint la perfection du classicisme dont est vêtue la désintégration : le nez, les yeux, les larmes, la zone inférieure du visage de Dora, se répondent dans un équilibre qu'on retrouve dans Le Chat à l'oiseau, (1939), dont le gros dos est parallèle à l'échine creusée. Les portraits deviennent rapidement elliptiques, Tête de femme, (1939, MPP) "monstrueuse" parce que quelque partie du visage manque. Il se livre à un "meccano neo-cubiste".
Nénamoins, il coule aussi vers l'ébauche et la virtuosité, Femme assise au chapeau en forme de poisson, (1942, SMA). Et de nouveau, Le portrait de Madame Paul Eluard, (1941), est d'un académisme frisant le maniérisme.
Guernica et les grands tableaux de tragédies, 1937-1952.
En 1937, c'est Guernica, 780 x 350 m. (voir détails infra), le grand jalon, qui reprend le thème du Minotaure, présent dans l'oeuvre depuis 1927. Il a dessiné la couverture surréaliste du même nom, en 1933. Dans la série des gravures, commencée en 1930, pour Vollard, ce Minotaure est vaincu et humilié. La République espagnole nomme Picasso directeur du Prado et lui commande une toile pour l'exposition universelle de Paris en 1937. Il grave les quatorze premières planches de la série Songe et mensonge de Franco, (janvier 1937, FPG).
Le 28 avril 1937, l'aviation hitlérienne alliée à Franco, réduit en cendres la ville basque de Guernica, lui fournissant sa funèbre inspiration. Il se met au travail le 1er mai. La toile représente à la fois, la destruction de Guernica et celle de son foyer ravagé entre Marie-Thérèse Walter, devenue mère et Dora Maar; entre elles, le cheval hennissant symboliserait Picasso lui même. C'est la sombre symphonie syncopée, en blancs, gris et noirs, -on dénombre 17 gris différents- que rend le cheval désarticulé permettant au peintre de rejoindre la guerre et de le justifier.
 A un officier allemand qui lui demande, durant l'occupation, et devant une reproduction de Guernica, "Ca, c'est vous qui l'avez fait ?", Picasso répond, "Non, ça, c'est vous". La genèse et l'exécution de Guernica est suivie jour après jour par les photographies de Dora Maar* qui permettent à Picasso de modifier.
Dans la ligne de Guernica, on trouve, par la suite, Le Charnier, (1945, MOMA); la facture en est plus ondulante; de l'amas des corps, eux aussi blancs,gris et noirs,un bras est brandi comme une dernière protestation ou un dernier espoir, vers une table simplement tracée comme le broc et le pain qu'elle porte. Dans un genre plus classique, plus ironique, Massacre en Corée, (1951, MPP), la population civile se trouve affrontée à des guerriers mi-robotisés, mi-médiévaux.
Enfin, La Guerre et la Paix,1952, diptyque (et même triptyque si l'on retient le panneau du fond moins signifiant), aux voûtes de la chapelle du château de Vallauris ne fut inauguré qu'en 1959. A gauche, le char de la guerre piétine le livre et, accompagné de la soldatesque, se heurte au génie de la paix; à droite, les oeuvres de paix : danse, jeu, travail domestique intellectuel et familial. L'opposition des couleurs, ocre pour la paix, noirs et blancs pour la guerre, ajoute à la réussite graphique que la hauteur très faible des voûtes ne permet pas toujours d'apprécier à suffisance.
Durant cette période le sculpteur ajuste des rebuts et les fond dans la forme générale, le plus souvent animale; ce sont La Chèvre, (1950, MPP), La Guenon et son petit, (1951) ou La Danseuse à la corde, (1950, MPP). On peut y retouver les paniers, voitures d'enfant, et autres objets intégrés à la sculpture et se fondant en elle après lui avoir apporté la spécificité de leur forme.
 Le Collagiste.
On sait que les collages font partie de la naissance du cubisme, mais ce ne sont alors que des pièes rapportées. Avec Femmes à leur toilette, (1938, MPP), à l'aide de papiers peints collés, découpés et marouflés, il réalise une immense composition de 299 x 448, cm. dans laquelle et Marie-Thérèse et Dora apparaissent chacune deux fois.
Le musée d'Antibes, Château Grimaldi, 31 août-28 octobre 1946.
Dès La Pêche de nuit à Antibes, (1939, MOMA), 205 x 345 m, indique sa prédilection pour cette ville. La toile, bâtie en demi cercle entre deux bras d'eau, use du raccourci des personnages, de la stylisation, de l'échelle de grandeur différente entre le décor et les acteurs, à la façon médiévale et surtout de l'éclairage nocturne par opposition des trois tâches de couleur des sources de lumière et de la scène de pêche traitée dans les noirs, les gris et les violets.
Il est invité à travailler au château Grimaldi du 31 août au 28 octobre 1946; il s'y rend avec Françoise Gillot et y oeuvre dans une grande alacrité reflétée dans les oeuvres de ces deux mois, photographiées au jour le jour par Simia et dont une grande partie constitue le fonds du musée Picasso d'Antibes : toiles, lithos et sculptures.
Ce produit permet d'illustrer son talent protéiforme et de juger, en raccourci de la perfection qu'il était capable d'atteindre par des voies différentes suivies au même moment : maniérisme de La Symphonie en Gris; dépouillement de La Chèvre, réduite à une épure d'un classicisme parfait avec un sens animalier aigu, -angle du ventre et de la tête, triangle de la cuisse- et une certaine aristocratie du port caprin; baroque de La Joie de vivre ou Antipolis, avec ses faunes microcéphales exultant en jouant da la musique sur un fond géométrisé, peint sur fibrociment ; distorsion du Gobeur d'Oursins, tête vue de face parallèlement au tronc dans un curieux effet d'assouplissement des cervicales; construction "rayonnante" de la Nature Morte à la Bouteille, à la Sole et à l'Aiguière, articulée rigoureusement, en géométries à partir de la sole qui ordonne la toile; sens décoratif de la série des Oursins, (toutes les toiles citées au MPA.); Nu, gris, femme-fleur, grand marabout gris sombre dont s'inspirera Matta*. Avant de quitter le musée d'Antibes, il faut rappeler la sculpture Femme aux Grands Yeux (Marie-Thérèse) faite d'un assemblage de proéminences, joues, nez, chignon et conservant malgré ces données frustres une douceur de sourire, énigmatique (exemplaires et variantes au MPP), réplique de Jeannette IV, 1913, due à Matisse*.
La Cuisine
, (1948, MOMA), illustre ce que l'on pourrait appeler la série des cordes tendues et noeuds. La toile tend vers la non-figuration, indiquant un parcours, un pourtour, noir sur gris ombrés.
Le Céramiste, 1947-1949.
A Vallauris il commence la céramique, et en produit 2000 pièces en un an. Il persiste et l'on estime qu'en une vingtaine d'années, il en produit 4000.
Juillet-Août 1951 à Saint Tropez.
Suite de 20 dessins à la ligne classique, très pure, de Geneviève Laporte, sa liaison de l'été, dont "Le Songe". "L'écrivain, en vieillissant, prend pour sujet l'écriture" (Paul Valéry),1953-1973 . Avec le départ de Françoise Gillot et de ses enfants, à la fin de l'année 1953, il abandonne presque totalement la nature morte à laquelle il a consacré de nombreuses toiles, dans l'esprit de Chardin -des objets de tous les jours- et dans celui des "vanités". Il se concentre, désormais, sur la figure, Matador et femme nue, (1970, NNG), tout est désarticulé et tout est remis en place.
Durant la même période, Grand nu couché, (1974, NNG), que l'on prend pour post-cubiste, dans une unité de gris, aux angles pliés comme ceux d'une cocotte de papier.
Le Verrier, 1954-1965.
Il travaille sous l'impulsion de Costantini* à la Forge des anges à Venise.
Les Pastiches et les autres.
On peut mettre en exergue cette phrase notée en 1963 : "La peinture est plus forte que moi, elle me fait faire ce qu'elle veut". Son premier pastiche est la transformation en pointillisme du Retour du baptême de Le Nain, réalisé en 1917, (MPP). Si les sujets sont toujours abondamment traités en séries, trois de celles-ci sont consacrées à scruter des peintres anciens qui le fascinent. Et d'abord Delacroix avec les femmes d'Alger, 1833, Louvre : quinze exemplaires se trouvent dans la collection Ganz, New-York; deux d'un décor picassien traditionnel et coloré, 1954 et 1955, entourent un autre d'un cubisme synthétique orthodoxe, 1954. S'en rapproche Baie de Cannes, (1958, MPP), ramenée à une tapisserie de motifs emboîtés sur le même plan. De même, L'Atelier de la Californie, (1956, MPP, MOMA), matissien par l'orbe des fenêtres, le découpage de leurs croisées et la confusion des plans juxtaposés, qui se lisent sans avoir été désignés.
Les Ménines
, du 17 août au 30 décembre 1957; il se confronte au tableau à la construction la plus sophistiquée de l'histoire de la peinture; c'est une dissection-recomposition, aux quarante-quatre variantes de totalité ou de détails; l'une des premières fois, apparaît ce qu'il faut bien appeler un relâchement sénile, (15 septembre 1957, 19 septembre 1957, tous deux MPB). Que reste-t-il du chef d'oeuvre de Vélasquez dans ces esquisses bâclées aux traits enfantins, aux éléments jetés à la va-comme-je-te-pousse, alors que le 17 avril 1957, MPB, l'étude transposée parlait du dialogue d'un nouveau avec un ancien La Chute d'Icare, (1958, Palais de l'Unesco, Paris), une oeuvre dépouillée à l'extrême, peuplée de cinq formes, chacune picassienne, mais hétérogène.
Dès 1929, il écrivait "Quand je vois Le Déjeuner sur l'Herbe de Manet,1863, ORS, je me dis : des douleurs pour plus tard". Il les affronte dans ses carnets en 1954 et sur la toile en 1960-1961. Dans chaque interprétation, on retrouve des poses communes aux deux peintres, traitées par Picasso qui tout en redistribuant personnages ou détails reste fidèle à l'inspiration de Manet, (10 juillet 1961, SS) ou (13 juillet 1961, MPP). Poussin, en 1635, David, en 1799 avaient traité L'Enlèvement des Sabines, Louvre. Picasso s'y attaque en 1962-63. La composition (du 24 octobre, Nar), est créée dans une exaltation frénétique, hâtive, tout en rondeurs relâchées; la plus construite est celle (du 4-8 novembre 1962, MNAM), tandis que (9 janvier-7 février 1963, MFAB), rappelle Guernica.
Le Graveur, 1963-1972.
C'est avec Le Gaucher, (1899) qu'il découvre que le picador gravé comme droitier s'inverse dans la gravure une fois imprimée; c'est sa première expérience. Les dix dernières années de sa vie sont presqu'exclusivement consacrées aux gravures. La Femme à la résille, (1949), la dignité calme. Elles sont précédées par des linogravures et sont suivies par des sérigraphies. Les gravures de cette période, 750 numéros, sont tirées par Piero Crommelynck* voisin devenu familier qui tire jusqu'à 13 épreuves, "à chaud" pour permettre à l'artiste de transformer. Ce sont entre autres les 70 gravures du Peintre et son modèle (mi-octobre 1963) ; les 12 planches du Cocu magnifique, (1966); suit une interruption d'un an environ du à la maladie; la Suite 347, (16 mars - 5 octobre 1968), sujets divers dont 25 planches Raphaël et la Fornarina, (août 1968) et le début de la série de 66 gravures consacrées à La Célestine ; comme pour la Suite 156" (janvier 1970-25 mars 1972) dans laquelle il la reprend et les 156 dernières de l'année 1972.
Le peintre et son modèle,
Face à face obsédant, reprise d'un thème souvent exploité, notamment en 1926  ; anthropophagie de l'artiste qui progresse vers un nu, s'identifie à lui, se l'approprie jusqu'à se fondre dans la toile ou en lui. Ses planches sont incisives tandis que ses tableaux sont peints dans la hâte, à l'emporte pièce, tirbouchonnés, laissant de larges plages vides. Ce sont les nus couchés ou assis, La Pisseuse, (1965, MPP), Le Baiser, (1969, MPP), avec les deux bouches et les quatre narines, en très gros plans formant une spirale dans laquelle sont scellées les lèvres. Ce seront enfin Les Mousquetaires, (1968-1969) haut en couleurs venus d'on ne sait quelle Espagne ou quelle Hollande, avec leur grand chapeau, leur fraise, leur pipe et leur épée, (30 juin 1968, MOMA). Sa production ne se limite pas aux thèmes du passé, Le Peintre et l'enfant, (1969, MPP), Piero à la presse, (1969, musée Zervos, Vézelay), Femme à l'oreiller, (1969, MPP), en noir et blanc, atomisent les éléments divers de la composition, les réaglomèrent en leur ajoutant des motifs décoratifs.
Il peint Jacqueline aux mains croisées, (1954, MPP), au coup de girafe et aux géométries, striées de traits colorés parallèles, comme des ombres. De même inspiration, Femme allongée, (1955, MPP), joue de l'huile et du fusain et du collage, pour géométriser et ombrer son sujet. Musée Réattu d'Arles, décembre 1970-février 1971. C'est une bonne approche de sa méthode de travail, ces soixante dix dessins exécutés en moins de trois mois. Il y a souvent quatre états du même dessin datés du même jour. On approche ainsi sa rapidité de trait et sa virtuosité. 1972-1973 : L'oeuvre qui suit reste la plupart du temps très picassienne, avec la simultanéité des points de vue et la dé-re-structuration des composantes sans souci de la structure réelle; détruite, elle se retrouve "autrement" sur la toile; il renoue avec sa stylistique des années 1939-1942 ; il puise dans chacune de ses manières pour refaire en se renouvelant et s'en étonner. De temps à autre un chef d'oeuvre comme Dimanche, (1971, MPP), d'abord ornemental, avec son oeil phallique, entouré de motifs circulaires ou linéaires, Le Jeune peintre, (1972, MPP), ou l'Autoportrait, (1972, Fuji TV gal), qui se calque sur l'art roman du Christ de Tahull. Folle accumulation, puisque plus de la moitié de tout l'oeuvre, est réalisé pendant les derniers vingt ans; c'est à la fois l'urgence doublée d'une explosion érotique : Jacqueline est entrée dans sa vie en 1954 quand il avait soixante-treize ans, mais emporte aussi un laisser aller et des bavures au propre comme au figuré, dont on put juger lors des deux expositions du Palais des Papes en Avignon, en 1970 et 1973. Ces quatre années "pleines de bruits et de fureur" laissent des déchets. Les deux cent une toiles de l'exposition 1973 -"ses deux-cents tarots" disait Malraux, dont de très nombreuses non signées, semblent , aujourd'hui, avoir été mises au rancart. Se fondant sur la chronologie, d'aucuns disent qu'il a ouvert la voie au neo-expressionnisme*. Chronologiquement...car peu de neuf a été créé pendant les quinze ans qui ont suivi sa disparition que n'avait déjà inventé le démiurge au temps éblouissant de sa maîtrise : après lui la peinture n'était plus la même.
Le Sculpteur.
Tardivement connu, -sept pièces exposées en 1932- et donc relativement méconnu, jusqu'à la rétrospective de Paris en 1966, il entrelace sa vie de peintre d'une activité de sculpteur. De La Femme assise, 1902 modelée, à Tête, (1964), (maquette en tôle découpée, de la sculpture monumentale du Civic Center de Chicago), il passe par toutes les techniques, innovant sans cesse. Guitare, (1911, MoMA), (cfr. supra), serait donc la première sculpture construite de l'histoire de l'art, par opposition au modelage et à la taille directe. Jusqu'au Nu debout, (1917, MPP), il modèle, par soustraction ou par ajout; à côté de Tête de Femme, (Alice Derain), (1905), d'un lissé classique, il met en trois dimensions les arrêtes cubistes, Fernande, (1909, MPP). Avec Maquette pour guitare, (1912, MOMA), il se lance dans le bricolage, assemblant -sans encore les assimiler- des rebuts disparates, un tuyau de poêle ici est le centre de la composition le reste étant tôle ou carton découpés. Le Verre d'absinthe, (1914, MPP), (exceptionnellement quatre versions, dont trois en bronze différement peintes), réunissant cuillère et autre coupelle. Et jusqu'en 1924. Il découvre le fil de fer et devient plieur et soudeur étique, aérien, 1928 à 1962, avec Projet pour un monument à Guillaume Apolinnaire, (1962, MOMA). Dans cette même manière étirée, mais en bois, il crée ses Femmes Assises, (1929, MPA), et des Femmes debout, (1930, MPA), qui ont des familiarités avec certaine statuaire nègre. Il ajuste des ferrailles récupérées, Femme au jardin, (1929, Sofidu) et encore, La Taulière, (1954); un film existe qui montre comment l'oeil du créateur pré-voit comment l'apport de tel déchet peut concourir à l'oeuvre finale. Un morceau de bois est métamorphosé en Merle, (1943, NNG); des fers dont une fourchette en Grue, (1952, NNG)
L'ère Marie-Thérèse, 1931, ouvre la période de la "vraie" sculpture; quatre versions de cette femme sans front au nez ondulant prolongeant les cheveux, aux grands yeux ouverts sur la découverte, MPA et MPP. Dans le même temps il métamorphose la femme en une sculpture abstraite, tourneboulée, dont les membres se terminent en moignons, aux seins rapprochés des genoux, Tête de femme, (1931, MPP), à rapprocher de Femme au vase, (1933, Sofidu). Vient ensuite l'ère des pièces rapportées mais appropriées, assimilées, incorporées, dont les plus fameux sont La Tête de taureau, (1942, MPP), Le Faucheur, (1943, MPP), La Femme à l'orange, (1934, MPP), La Femme à la poussette, (1950, MPP), La Petite fille sautant, (1950), La Chèvre, (1950, MPP) et La Guenon et son petit, (1951, MPP) : panier, auto miniaturisées, guidon de velo, tout disparait dans un ensemble. L'Homme au mouton, (1941), demeure une exception par le classicisme de la représentation et de la technique en rajout. Passant des volumes sensuels à des volumes plats, il crée la série des Baigneuses, (1956, MPP), cinq pièces, faites de planches tenant debout grâce à des manches à balai. Puis ce sera la tôle découpée en 1960 et la carton ondulé avec lequel il crée un théâtre de douze marionnettes sur le thème du Déjeuner sur l'Herbe, (1962, MPP).
On estime qu'il aurait produit 60.000 oeuvres.

Expositions : 1894, Elsquatre Gats, Barcelone, (P) ; 1901, Vollard, Paris, (P) ; 1919, 1926, 1936, Paul Rosenberg, Paris, (P).

Rétrospective : 1932, Georges Petit, Paris ; Kunsthaus, Zurich ; 1934 Wadsworth Atheneum Hartford ; 1939, Musée d'Art moderne, New York ; 1957, New York ; 1960, Londres ; 1964, Canada, Japon ; 1966, Grand Palais, Petit Palais, Bibliothèque nationale, Paris ;1971, Hommage national dans la grande galerie du Louvre, Paris.

Musées : - Hôtel Salé, Paris, créé en 1985 grâce à la dation de 203 peintures, 158 sculptures, 16 papiers collés, 29 tableaux-reliefs, 88 céramiques, 3 000 dessins et gravures.
- Arles, Musée : 70 dessins.
- Château Grimaldi, Antibes : 245 oeuvres de la dation Jacqueline Picasso.  
- Musée d'Art moderne, New York : 44 oeuvres.
- Musée Picasso, Barcelone, Palais Berenguer de Aguila- Fondation Stratton : une centaine de dessins de 1970 à 1973 - Berlin, collection Berggruen 80 peintures.
- Musée Picasso-Palais Buenavista, Málaga : 204 oeuvres.
-Musée de Vallauris,: nombreux peintures et dessins et 78 céramiques.
-Musée Picasso, Munster : 800 lithographies
L'Atelier de Vallauris est resté intact .

Lieux publics : 1944, L'Homme au mouton, Vallauris; 1967,Tête de femme, Washington/Dieborn Streets, Chicago.

Citation(s) : Il a dit :
- Qu'est-ce qu'au fond un peintre? C'est un collectionneur qui veut se constituer une collection en faisant lui-même les tableaux qu'il aime chez les autres. C'est comme ça que je commence et ça devient autre chose. L'oeuvre qu'on fait est une façon de tenir son journal. C'est parce qu'on ne réussit pas à imiter un maître qu'on fait quelque chose d'original. La réussite est le résultat des trouvailles refusées. Un tableau ne vit que par celui qui le regarde.
- L'art est un mensonge qui nous fait saisir la vérité. En peinture, on peut tout essayer. On a le droit même. À condition de ne jamais recommencer.
- Il y a les tableaux qui veulent bien se faire et les tableaux qui ne veulent pas. C'est aussi ça qui m'a séparé de Braque. Il aimait les nègres, mais je vous ai dit : parce qu'ils étaient de bonnes sculptures. Il n'en a jamais eu un peu peur.
- Il faut bien qu'elle existe la nature pour qu'on puisse la violer. À bas le style! Est-ce que Dieu a un style? Il a fait la guitare, l'arlequin, le basset, le chat, le hibou, la colombe. Comme moi. Il a fait ce qui n'existe pas. Moi aussi! Il a même fait la peinture. Moi aussi. Je ne sais pas d'où ça vient. Je ne sais pas à quoi ça sert. Mais je comprends très bien ce que l'artiste a voulu faire.
- L'objet le plus quotidien est un vaisseau, un véhicule de ma pensée. Ce que la parabole était pour le Christ" (à Françoise Gillot).
- Je créerai les formes qui n'existaient pas, qui n'auraient jamais existé sans moi. Il ne faut pas imiter la vie, il faut travailler comme elle. Est-ce qu'il y a des formes un peu vagues, comme le projet d'un tableau, qui se précisent, qui se réincarnent? Pourquoi? Parce qu'elles correspondent à quelque chose de profond en nous, très profond.
- On disait que je mettais le nez de travers... mais il fallait bien que je le mette de travers pour qu'ils voient que c'était un nez.
- Je ne cherche pas, je trouve. (et plus tard, en 1948) : Maintenant je ne dis plus cela, je dis je retrouve.
- Il faut absolument qu'il y ait une École des beaux-arts pour former des gens qui les combattent. (au père Couturier).
- La plupart des peintres se fabriquent un petit moule à gâteaux, et après, ils font des gâteaux. Toujours les mêmes gâteaux. Ils sont très contents. Un peintre ne doit jamais faire ce que les gens attendent de lui. Le pire ennemi d'un peintre, c'est le style. [...] La couleur affaiblit. (à Malraux).
-Quand j'étais enfant, ma mère me disait : "Si tu deviens soldat, tu seras général. Si tu deviens moine, tu finiras pape. Je suis devenu peintre et je suis Picasso. (à Françoise Gillot).
- Je ne vous vois plus quand je vous regarde.
- Elle [G. .] s'arrangera pour lui ressembler [le tableau]. Plus tard, plus personne ne verra le tableau, on verra la légende. (à Gertrude Stein). -Le contre vient avant le pour. Si tu veux comprendre ce que je fais et pourquoi je change, demande-moi toujours contre quoi je peins. C'est d'ailleurs souvent contre mon tableau précédent, (à Roger Garaudy).
- Je peins contre les tableaux qui comptent pour moi avec ce qui manque à ce musée , ce qui n'y est pas, ce qui n'a jamais été fait.
- "Si tu crois que tu n'as pas raté ton tableau, retourne à l'atelier, tu verras que ton tableau est raté" (inscription dans l'atelier de Mougins).
- Il n'y a pas une vérité, il y a cent possibilités.
- Il n'y a pas de faux, il n'y a que des faux.
- L'art qui n'est pas dans le présent ne sera jamais.
-Donnez moi un musée, je le remplis
On a dit :
- Picasso est un grand criminel. C'est lui qui, en partie, est responsable du grand désarroi actuel de la peinture.  (Elie Faure).
- Quant à Picasso, qui bientôt allait mourir, il avait dévoré l'héritage, il était de ces génies qui tuent le père et le fils. Il avait peint jusqu'au bout et magistralement cassé le jouet.   (Gérard Garouste).
-Certains peintres sont profonds, étonnants, classiques, superbes, mais Picasso donne toujours une impression de génie. Il pouvait faire ce qu'il voulait : la peinture, la sculpture, la céramique, et son extraordinaire oeuvre graphique. Quand il dessinait, c'était toujours juste : avec sûreté, un absolu du trait véritablement ahurissant et une imagination débordante. Je le tiens pour un très, très grand artiste. Il y a parfois chez lui - dans sa peinture comme dans son comportement - des inconséquences, un côté irrespnsable qui étonnent, qui détonnent. Cet homme extraordinaire, à l'oeil plus grand que celui du hibou, a chipé un peu partout son inspiration. Et j'utilise sciemment le mot "chiper ". D'ailleurs, Picasso ne tentait pas de dissimuler ses sources. Il prenait ne oeuvre grecque, égyptienne, étrusque ou nègre, un tableau de Cranach, de Goya, de Velázquez, de bien d'autres encore, et tranquillement il les copiait... pour en faire tout autre chose. Mais cette " autre chose " aurait-elle existé sans l'oeuvre original? Toute l'oeuvre de Picasso est, en quelque sorte, une répétition éclectique des chefs-d'oeuvre de l'humanité, une reprise plus profonde, plus caricaturale, souvent exacerbée de l'histoire de l'art. Et puis, il avait le goût du neuf qui rejoignait celui du bluff. Une année, il ne peignait que de grosses femmes, l'année suivante, il les faisait toutes maigres, l'année d'après était celle des animaux, ensuite des coquillages ou des portraits. Il a tellement changé de manière, de sujets qu'à côté de lui n'importe quel autre peintre paraît stable, figé, immobile. Mais il le faisait avec une désinvolture, une facilité et une réussite si insolentes que cela s'apparente à de la grande tauromachie. Son génie était si immense qu'il aurait pu se dispenser de tant de chapardages, de tant de fantaisies. Mais on ne peut couper les ailes d'un génie, ni entièrement ni partiellement... autrement, il ne volerait plus. Même s'il vole ou a volé ! (Hans Hartung).
 -D'autres tableaux, comme une série de têtes asymétriques, m'ont fat une impression de monstruosité. Toutefois, à un talent aussi extraordinaire, quand on le voit se vouer à ces thèmes des années et des dizaines d'années, il faut reconnaître une valeur objective, alors même qu'elle échappe à notre propre compréhension. Il s'agit au fond de quelque chose que nul n'a vu encore, qui n'est pas né encore, et d'expériences de caractère alchimique; plusieurs fois d'ailleurs, le mot "cornue " est revenu dans notre conversation. [...] L'image de l'homme peut être prévue magiquemen, et bien peu soupçonnent la terrible gravité de la décision qui incombe au peintre. (22 juillet 1942, Ernst Jünger).
- Les sculpteurs romans voulaient manifester l'inconnu révélé, alors que Picasso manifeste un inconnaissable que rien ne révélera. [...] Notre civilisation, dont il exprime en ricanant le vide spirituel, comme le style roman exprimait la plénitude de l'âme. [...] La peinture rapportera, du fond de l'inconnu, ce qui est assez étranger à l'homme pour qu'il l'ignore, assez proche de lui pour quil le reconnaisse. [...] Une satire de la langue française écrite en français appartient au français. La plus furieuse accusation de la peinture, écrite en tableaux, appartient à la peinture. [...] Reste que tous ses grands rivaux ont été obsédés par l'aprofondissement de leur art; lui seul est possédé par la rage de métamorphoser le sien. Picasso propose la totalité de l'art en tant qu'énigme, alors que Matisse peut être simplement placé dans une certaine ligne de la peinture où il s'inscrirait bien. Et raque, dans la ligne qui va de Vermeer à Chardin. Alors que Picasso pourrait, demain, être beaucoup plus touché, car je crois que le phénomène Picasso - la création et la destruction des formes - est un fait immense, mais je crois qu'il peut être dévalorisé. Je ne dis pas qu'il le soit, je n'en sais rien, mais c'est possible. (1974, André Malraux).
- Ce n'est plus le pouvoir pictural qui est en cause, c'est le pouvoir démiurgique. Je pense à sa collection : pas un tableau impressionniste, pas un tableau où l lumière joue un rôle. Si leur sens déconcerte plus encore que leurs formes, c'est en raison de l'idée paradoxale que l'artiste connaît l'inconnu qu'il découvre" (André Malraux).
- Qu'est-ce que tu dirais si tes parents venaient au devant de toi à la gare de Barcelone, avec des gueules comme ça ?   (Manolo, à propos du cubisme analytique).
- Il ne faut pas rire devant ses oeuvres. C'est un homme que je connais depuisquarante ans. Ce qu'il fait, il le fait avec son sang. (Henri Matisse).
- Un quart de son oeuvre restera; quand on parle d'un artiste, il faut distinguer l'oeuvre et son influence; après lui, cela diverge; on se contredit. " Picasso est-il un grand peintre? , demandais-je un jour à Marie Laurencin; elle me répondit : "C'est un grand esprit. " Un grand peintre reste un grand peintre, mais un grand esprit, c'est plus fragile [...] (Paul Morand).
- Un vétéran en perpétuelle activité [...] Il est rare qu'on ait limpression que ce que l'on juge comme contemporain, on soit sûr que la postérité le jugera de même. Pour Picasso cela s'impose" (Georges Pompidou).
- Picasso va toujours au delà de ses limites; il est le plus grand peintre des temps prsents, et moi je me régal de chacune de ses séries (...) il a bousculé tous les codes, il en créé d'autres selon sa fantaisie  et fatigué de voir tout le temps les mêmes fores reproduite a inventé les siennes, ouvert de nouveaux horizons et mené la peinture là où elle devait aller, vers des oeuvres d'art et pas seulement vers de simples oeuvres décoratives.       (Paul Rosenberg).
- Picasso, c'est le truqueur par excellence, le plagiaire né! Il chipe partout, fait les poches, utilise mereilleusement ce qu'il ramasse et jongle avec ces objets disparates sans jamais rater son tour. (Maurice Vlaminck).
-Picasso est grand et après lui, on ne peut pas aller plus loin. C'est dans ce sens qu'il n'a pas ouvert de portes. (Zao Wou-Ki).

Bibliographie(s) : Filmographie, 1955, Le Mystère Picasso, par Henri-Georges Clouzot, avec Claude Renoir comme opérateur et Georges Auric pour la musique : grâce à une encre spéciale, le graphisme de Picasso apparaît par transparence sur l'écran au fur et à mesure qu'il s'élabore.
Catalogue raisonné, Christian Zervos, 33 volumes, dont le 11 derniers pas sa collaboratrice Mila Gagarine, Ed. Cahiers d'Art, Paris.

Succession : La descendance et l'héritage
1. Olga Khokhlova (1896-1955), mariée en 1918.
11. Paul Picasso (1921-1975) = Emmanuelle Lotte, mariés en 1950
                                                       = Christine Ruiz, rachète une partie de l'usufruit de Marina, sa belle-fille, et de       Bernard, son propre fils.
111. Pablito Pcasso (1949-1973).
112. Marina Picasso (1950) : 301 millions = Christine Pauplin, mariés en 1965.
113. Bernard Picasso (1959) : 301 millions = Almine Rech
2. Marie-Thérèse Walter (1909-1977).
21. Maïa (1935) = Pierre Widmayer : 100 millions,
211, Olivier Widmaier-Picasso
212, Diana Widmaier (1936)
3. Françoise Gillot, 1921-
31. Claude Picasso (1947) : 100 millions.
32. Paloma Picasso (1949) : 100 millions.
4. Jacqueline Roque (1926-1986), mariés en 1961 : 240 millions.
41. Catherine Hutin-Blay (1946-    née d'un premier mariage, 407 oeuvres lui sont volées, dessins et gravures ur la plupart, de 1920 à 1970, saisis pour recel dans une galerie de la rue de Seine à Paris.

Cotes :
1981, 5 300 000 dollars pour Yo Picasso, autoportrait (1901), soit, à l'époque, près de 30 000 000 de francs, 1988, chez Christie's à Londres, Acrobate et jeune arlequin, (1905), 227 000 000 de francs, à Mitsukoshi, chaîne japonaise de grands magasins. 1989, chez Sotheby's, New York, Yo Picasso était revendu pour 47 850 000 dollars, soit près de 300 000 000 de francs, à un acheteur anonyme. 1989, Les Noces de Pierrette, (1905), vendu à Drouot 300 000 000 de francs à la société japonaise Nihon automobilis. Record mondial des ventes, Nu au plateau de sculpteur, (1932), 106,500,000 $, chez Chrisite's New York en 2010.
Gestion :
Une société civile, créée en 1995, la Picasso Administration, gérée depuis 1999 par Claude, est créée pour exploiter les droits moraux et matériels antérieurs à 1977. Elle est , théoriquement seule apte à gérer les droits ; néanmoins ceux-ci son aussi délivrés par Maïa Picasso et d'autres ayants-droit.
En 2012, seule cette dernière refuse la délégation à Claude de l'exclusivité de la gestion des droits annexes et  de l'authentificrtion.
La succession s'élève à 1 154 000 000 de francs, dont 29 000 000 de francs de droits. Elle est composée de 1 885 tableaux, 7 089 dessins, 1 228 sculptures, 3 222 céramiques, 31 000 estampes, 175 cahiers d'esquisses. Les droits ont été apurés par une dation dont l'essentiel permet d'ouvrir le musée Picasso de Paris et... de réguler le marché.  À la mort de Jacqueline, une nouvelle dation intervint.

Divers : Histoire de 'Guernica' : après l'Exposition universelle de Paris en 1937, pour laquelle elle avait été commandée par le gouvernement espagnol, la toile circula à travers le monde comme ambassadrice. Lorsque Madrid tomba, en 1939, elle était au États-Unis et Picasso la mit en dépôt au MoMA, à New York, précisant qu'elle appartenait au peuple espagnol et rentrerait au pays le jour où les libertés républicaines seraient rétablies. Un protocole signé en 1940 entre Picasso et le musée new-yorkais pécise cette volonté. En 1969, l'entourage de Franco avait fait savoir au marchand du peintre, D. H. Kahnweiler, que la place de 'Guernica' était soit au nouveau musée d'Art moderne de Madrid, soit au Prado si l'artiste le préférait. Ce dernier dicte à son avocat, Me Roland Dumas, un texte sur le rétablissement des libertés républicaines, exigeant une période probatoire avant que le tableau n'entre en Espagne, avec les 80 œuvres préparatoires et les planches gravées Songe et mensonge de Franco, le legs étant indissociable. Le 10 septembre 1981, l'œuvre quitte le MoMA pour le Cañon del buen Retiro, annexe du Prado, spécialement aménagée, où la toile se trouve fortement protégée. Aujourd'hui, elle trône  au musée Reine Sofia, 

"Picasso a fait un travail incroyable : des milliers de dessins, d'esquisses préalables. Il est parvenu ainsi à une force, à une virilité, à une tension, à une simplicité qui font de ce tableau un chef-d'œuvre de l'humanité. Personne, dans l'avenir, ne pourra le regarder sans en être sidéré et profondément admiratif. Alors, je regrette qu'il n'y ait pas dans l'œuvre de Picasso, si riche, si prolifique, si abondante, deux, trois, dix Guernica".   (Hans Hartung).