Fiche de présentation

MIRÓ, Joan

né le 20 avril 1893 à Barcelone, Catalogne, Espagne ; 1901, commence à dessiner ; 1912, suit les cours de Francisco Gali qui le fait travailler les yeux bandés ; 1919, vient à Paris ; passe dorénavant les les étés à Montroig et les hivers à Paris ; 1924, fait la connaissance des poètes surréalistes après avoir peint sa première toile "surréaliste" en 1923 ; André Breton, ayant vu un Miro, décrète que le peintre est surréaliste* ; 1956, vit à Palma dans l'atelier que lui a construit Sert ; 1983, meurt le 25 décembre à Palma de Mallorca ; 1985, pour couvrir les droits de succession, sa famille fait don au gouvernement espagnol de 24 tableaux et 243 gravures.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre - Sculpteur

Présentation : Débuts :
Il fait ses gammes de 1912 à 1923 ; sa peinture a enregistré le fauvisme* pour les couleurs allié au cubisme* pour les cassures des plis, La Rose (1916), et Nu au miroir (1919, KNW). Puis vient ce qu'on appelle le "détaillisme", il miniaturise La Maison du palmier (1918, Sofidu) ou Le Potager à l'âne (1918, MMS), et encore Vigne et oliviers à Tarragone, (1919), une bande géométrique, cubiste, divise horizontalement, le tableau, en encombrements d'éléments réalistes et ciselés comme dans La Ferme, (1921, NGW). Il y a là une minutie que pratiquent des naïfs. On pense parfois à Foujita* et à son trait acéré, La Table au lapin (1920) ou au Ripolin de Picabia*, Portrait d'une danseuse espagnole (1921, Louvre), tous deux ses contemporains.
Naissance :
Puis il chemine dans son propre sillon. Un style naît. Pour commencer, il dessine des traits légers de peinture filiforme. Les objets, les figures, toujours figuratifs, se séparent les uns des autres, L'Épi de blé (1922, MoMA). Il passe ainsi de la surcharge à l'aéré, et plus tard, au vide. La disposition des motifs de certaines toiles rappelle Kandinsky*, Le Chasseur (1923, MoMA) ; quand d'autres laissent entendre qu'il va basculer dans le non-figuratif*, Toréador, (1927) ; quand d'autres, enfin, l'apparentent à Dada*, Danseuse espagnole (1928).
C'est avec Pastorale (1923, Sofidu),  paysage réaliste qui, de simplification en simplification, aboutit à l'épure première du monde à la Miró : formes biologiques, femme avec un seul pied (un pied, inspiré de la forme qu'Arp* lui donna, déjà présent dans la très figurative Fermière, (1922), dont il use longtemps), et Le Chasseur, (1923, MOMA) qu'il adopte un vocabulaire dont il ne se séparera plus, disposant seulement les "mots" de manière différente, une vache prise aux jouets d'une enfant, un lapin et un batracien ; figures réduites à des signes qu'il faut repérer pour les lire, décrypter leur symbolique : la tête, le coeur, le sexe et deux jambes filiformes, les ondes de l'air déplacé, la spirale dans un corps qui n'en est pas, pour signifier l'élasticité de la ballerine, ou La Danseuse, Tête de paysan catalan (1925, Tate) ou Portrait de Mistress Mills en 1750, (1929, MoMA).
Il ajoute aux biomorphes, les astres, soleil, queues de comètes. Il pose une horizontale et c'est un paysage, Paysage animé, (1935). Ses figures sont des ectoplasmes oniriques, des farfadets incarnés, Bonheur d'aimer ma brune, (1925) ou Le Repas des fermiers, (1925), Le Placeur de music-hall, (1925, Fondation Miro, Montjuich), fait de quelques trais, oeil, moustache, presqu'une rébus.
Au côté des figures, il y a les simples taches et les signes abstraits. Les taches débutent avec Ceci est la couleur de mes rêves, (1925), macule bleue, surmontant le titre, dans une toile vide où apparaît en grandes anglaises le mot "Photo", trois ans avant les conceptualisations de Magritte*. Les taches persistent jusqu'au Champ de la prairie, (1964, FMSP), en passant par Paysage méditerranéen (1930). L'usage des titres dans les toiles contenue jusqu'en 1927. Les signes, abstraits, sont eux empruntés, dit-il, à Gaudí : triangles, lettres, arc-en-ciel, paravent de traits, cercle d'astres, sinuosités de crêtes, tout un vocabulaire, inspiré de Gaudí et qu'il va développer. Le Carnaval d'Arlequin, (1924, A-KB) est une synthèse des formes-signes, un accomplissement : dans un intérieur toutes les formes sont regroupées dans une sarabande musicale ; une main au bout d'une moustache ondulante croise un lombric acéphale ; un arlequin filiorme à la face lunaire, une table et deux chats aux yeux ébahis, une guitare plus petite que la fourmi ailée productrice de notes. Telle ou telle séquence est développée dans des toiles légères, presque vides, ne conservant qu'un ou deux attributs, Dialogues d'insectes, (1924) où l'infiniment petit se trouve confronté à l'infiniment grand sans aucune hiérarchie de proportions : le protozoaire dialogue avec la lune, et l'on retrouve cette manière jusque dans Paysage, (1976, Sofidu). Il est le peintre des amibes, des spermatozoïdes, du lombric, de l'infusoire, du ciron, grossis à l' échelle des planètes. Il branche sa peinture sur l'art pariétal d'Altamira comme d'autres branchent la leur sur l'art traditionnel. De Naissance du monde (1925, MoMA), Breton dit qu'il est au surréalisme ce que Les Demoiselles d'Avignon sont au cubisme.
Cette année-là apparaissent les personnages à tête de haricot, Peinture, (1925, Abstraction Anstalt, Vaduz). Intérieur hollandais I,II,II, (1928, MoMA, MPG, MET) est à la fois exemplaire de son style et significatif, puisque les dessins préparatoires ont été conservés ; grâce à eux, on peut suivre la métamorphose de l'oeuvre originale du XVIIe siècle, à l'oeuvre tout aussi originale du XXe. La structure des toiles est restée la même, mais chacune de ses parties a été transmuée, les grandes ont été réduites et les petites agrandies ; le résultat est une oeuvre toute neuve, chatoyante et ironique, une peinture à l'esprit d'enfance. Dans le même esprit, Personnage au rectangle bleu, (1928, MPSG). En 1929, il procède à 13 collages et en 1933, à 11 peintures d'après ceux-ci. Au demeurant, le nom de l'artiste n'est-il pas prémonitoire puisqu'il signifie " J'admire " ou " Je m'étonne "?
En 1934 et 1935, des oeuvres spécifiques, Femme (1934), Abstract Anstalt (Vaduz), lâchent pour un moment les formes multiples et menues pour de grandes silhouettes au pastel, usant de dégradés.
Après le retour à la thématique familière, s'ajoutent, vers 1945, les hiéroglyphes noirs accompagnés des couleurs déjà privilégiées, le rouge et le bleu, rappelant les idéogrammes de Klee*. Il y a foisonnement, sténographie de signes dont le sens ne doit le plus souvent pas être recherché au-delà d l'équilibre de la forme ou de la charge onirique. Après avoir été maigre, il découvre l'épaisseur du trait noir, jusqu'à l'employer parfois immodérément. De temps à autre, le vertige du vide le reprend avec la seule inscription sur la toile d'un infiniment petit, d'une tache, et d'un ligament, d' un aérostat rouge dans l'immensité du ciel ou de la mer, Bleu I,II, III, (1961, MNAM) ; ces trois toiles, de 3 x 2,50 m, vont du plus occupé au plus simple, du plus fluide au plus dense. Miró en dit : " Il ne s'agissait pas simplement de poser la couleur comme un peintre en bâtiment : tous les mouvements de la brosse, ceux du poignet, la respiration de la main intervenaient aussi ; " parfaire " le fond me mettait en état pour continuer le reste. Le combat m'a épuisé [...]. Ces toiles sont l'aboutissement de tout ce que j'avais essayé de faire ". Et cependant, elles sont proches d'une toile de 1930. Devant elles on médite Pascal et son " silence éternel des espaces infinis ". Ce monde de planètes, planètes qui apparaissent, planètes qui se rangent, planètes qui éclatent, tandis que naît la ligne de feu, qui monte vers l'apogée et décroît, il continue à l'explorer, en tableau tout en longueur, Oiseau dans l'espace, I et II, (1965, Sofidu), sur fonds gris ou Songs of the Vowels (1966, MoMA).
De temps à autre, il se fait matiériste*, lançant, en 1936, des giclées de caséine et sable, nouant des cordes dans la toile, Peinture, (1950, VAbbe), cousant toile de jute sur toile-châssis, tandis qu'un trou, laisse apparaître sur la toile de base une tache rouge, Accent rouge dans le calme, (1968).
En 1973, peu avant les toiles noires, il montre des "sobreteiximos", ce qui signifie, en catalan, des toiles décoratives, trouées et réparées, sur lesquelles des motifs de tous genres sont cousus. Il ne se contente pas de brûler les jutes épaisses qu'on lui a préparées et de produire un art brut, misérabiliste ; il enrichit ces supports, en partie calcinés, de son graphisme singulier de traits noir ou blancs ; il ajuste des pièces de tissus rouge, jaune, bleu ; il ajoute des objets, pochoirs de lettres, seaux de plastique, balais, ciseaux, torches de laine, obtenant ainsi des panneaux décoratifs narquois, où se retrouve l'ingénuité enfantine de ses yeux bleus dans son visage étonné. Tardif recours au pop*. L'absrtait figuratif, Sans titre, (1978, fondation palma de Majorque.
Les noirs détruits :
Dans la dernière décennie, on assiste à sa bataille avec la toile, armé du pot noir, jusqu'à la vaincre... et la noircir presque totalement à l'exception d'une petite fenêtre. Ce qui était gracieux devient pataud et l'on se prend à espérer que cette furie n'est pas celle qui saisit l'artiste au moment du ne plus pouvoir. Il a dû se rendre compte de cette faiblesse dans l'année de ses quatre-vingts ans, puisqu'il en brûle l'essentiel tout en donnant à cet autodafé une signification de protestation sociale : "Paintings are not dollars. The works I set on fire were of great plastic beauty, but so was the colour of the fire -those yellows, those other reds, the blacks and greys of the ashes... beautiful and transient. I decided they were not meant for museums and collectores." Auparavant cependant, il déclare à propos de la destruction de ces mêmes toiles : " C'est un geste d'humeur. Après je ferai autre chose, le contraire peut-être. Peindre plus méticuleusment par exemple. J'ai toujours agi ainsi, par réactions contraires. Le feu un jour, la tendresse et le respect un autre. Mais je dois reconnaître qu'aujourd'hui je peins comme une brute. J'attaque la toile et je l'abats... Avec une brosse, parfois un balai, des seaux de couleurs." Quelques rescapés de l'autodafé, Personnage, oiseau, (1973, fond. Joan Miró, Barcelone, et fond. Pilar et Joan Miró, Majorque) et Personnages, oiseaux dans la nuit (1974, MNAM).
En 1974, peu après les toiles noires, il retrouve la limpidité et la simplicité flagellaire, le triptyque, L'Espoir d'un condamné à mort, (1974, fond. Joan Miró). Il y use de coulures en commentant : "Cette technique est récente", or on la trouve déjà dix ans plus tôt, dans Femme et Oiseau I (1964, FMSP).
Le Sculpteur.
A compter des années 1930, il assemble pour lui seul des formes hétérogènes de bois et de fer, trouvées au gré des rencontres de son œil avec des objets banals. Il faut 1940 pour qu'il modèle pour le bronze ; 1944, pour la céramique ; 1963, pour les oeuvres monumentales,
(1974) ; 1967, pour la peinture en primaires de ses sculptures, Jeune-fille fuyante, (1968, MMP), Personnage et niveau (1967, FMSP) ou Le Roi guerrier (1981).
Il y a les oeuvres d'imagination pure, Femme-cloche, (1950) ou Femme, (1970), fil de fer arqué dans deux mottes, et porteur d'une mini visage pour le bronze ou Femme-Lune, (1964, FMSP),avec ses bras atrophié,s pour le marbre de Carrare. Et les récupérations auxquelles il donne une autre vie et les fait ultérieurement couler en bronze ; de manière redondante on trouve chaises, rateau, cuillère, fourchette, escarpins. Des têtes surgissent aussi cubiques ou carrées aux yeux en pas-de-vis, (1968-1969) et Tête, (1972), masque à gaz en pleine émission avec une mule plantée dans le crâne
 Planche à repasser (1953), confiés le plus souvent à la fonte et que parfois, il peint de primaires,  soit personnellement modelées, Femme (1968, ibid.), Personnage gothique-oiseau éclair (1976, ibid.) sur une selle démesurément agrandie, une boîte sur laquelle est perché un oiseau. Il sculpte aussi par modelage, Oiseau lunaire (1963, ibid.) ou Tête (1982, ibid.).
Ses céramiques sont modelées ou assemblées, gratuites ou utilitaires, plats, vases, etc. Femme, (1963, un torse tout en hauteur de terre cuite chamottée. Il y travaille sur les conseils de Josep Llorens Artigas ; parmi les utilitaires, plats ou vases, Femme, (1963)n
Il est illustrateur de livres de bibliophilie et accessoirement, décorateur de théâtre.
Pour ses estampes, il use du procédé inventé par Goetz*, le carborundum.

Expositions : 1918, Dalman, Barcelone (P) ; 1921, La Licorne, Paris, (P).

Rétrospective : 1947, Musée d'art moderne, New York ; 1950, Kunsthalle,Berne et Bâle ; 1959, Museum of Modern Art, New York ; 1962, Musée national d'art moderne, Paris ; 1974, Grand Palais, Paris ; 1990, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence ; 1997, Fondation Gianadda, Martigny ; 2010, Museum Frieder Burda, Baden-Baden ; 2011, Musée Maillol, Paris, (pour la sculpture).

Musées : Fondation Miró à Montjuich, Barcelone, ouverte en 1976 ; Fondation Pilar et Joan Miró, Palma de Majorque, ouverte en 1992, à qui ont été léguées les œuvres se trouvant dans l'atelier au moment de la mort, celles qui ont toujours été conservées par le peintre et celles qu'il n'a pas achevées ; Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence : 160 sculptures et nombreux tableaux.

Lieux publics : 1964, Labyrinthe, une vingtaine de sculptures et de fresques en céramique dans les jardins de la Fondation Maeght à Saint-Paul ; 1980, Femme, Washington/Deaborn Streets, Chicago ; 1975, Mère Ubu, Serrano, Madrid.

Citation(s) : Il a dit :
- Je suis d'un naturel tragique et taciturne. Je suis assez équilibré mais tout me dégoûte : la vie me paraît absurde, je pense que tout va tourner très mal. S'il y a quelque chose d'humoristique dans ma peinture, je ne l'ai pas cherché consciemment. Je suis bouleversé quand je vois, dans un ciel immense, le croissant de la lune ou du soleil. Il y a d'ailleurs dans mes tableaux, de toutes petites formes dans des espaces vides. Les espaces vides, les horizons vides, les plaines vides, tout ce qui est dépouillé m'a toujours impressionné. Vue d'avion, la nuit, une ville c'est une merveille. Et puis en avion, on voit tout. Un petit personnage, même un très petit chien, on le voit. Et cela prend une importance énorme, comme dans un noir absolu, pendant un vol nocturne, au-dessus de la campagne, une ou deux lumières de paysan. Je voulais dépasser la peinture qui montre un monde inerte comme une photographie... En peignant une feuille qui s'envole et un personnage qui lance une pierre à un oiseau, je raconte toujours une histoire poétique.
- Ce qui m'a vraiment impressionné, c'était une nature morte dans laquelle on pouvait voir même les objets pas plus grands qu'une puce. J'ai été séduit par cette capacité des peintres hollandais de faire ressortir des points minuscules comme des grains de poussière et de concentrer l'attention sur une petite étincelle au milieu de l'obscurité.
- Vous trouvez les yeux énormes de Garcia Lorca dans certaines de mes toiles.
- Tout ce que j'ai fait est sorti du parc Güell (où se trouve, à Barcelone, La Sagrada Familia de Gaudí).
- Plus que l'art lui-même, ce qui compte c'est ce qu'il jette en l'air, ce qu'il répand...
- L'art peut mourir, ce qui compte c'est qu'il ait répandu des germes sur la terre. Je travaille comme un jardinier. (à propos de L'Intérieur hollandais, 1928).
C'est en sculpture que je créerai un vrai monde fantasmagorique. Ce que je fais en peinture est plus conventionnel.
On a dit :
- Miró est probablement le plus surréaliste de nous tous. [..] La plus belle plume au chapeau du surréalisme. (André Breton, 1919).
- Il a inventé la peinture poétique, branché son pinceau sur l'inconscient, créé un monde à lui, le " micro-monde ", comme on a dit, où les rêves des premiers âges donnent la main aux cauchemars d'Oedipe [...]. Il a été le fabuliste de notre temps. (André Ferminger)
- Mal conseillé, ou égaré par l'éloge ou déjà dépourvu de son ordinaire lucidité critique, ayant cru nécessaire d'y présenter quantité d'œuvres postérieures à 1970 dont la plupart étaient d'une déconcertante faiblesse [...] la vieillesse n'est pas toujours un naufrage lorsqu'elle connaît le prix du silence. (André Ferminger, à propos de la rétrospective de 1974).
- Il ne pouvait poser un point sans le faire tomber juste. Il était si véritablement peintre qu'il lui suffisait de laisser trois taches de couleur sur la toile pour qu'elle existe et soit un tableau (Alberto Giacometti).
- Faites exactement comme si vous attendiez le métro ; il faut faire la queue. Attendez votre tour, voyons ! (Picasso).

Bibliographie(s) : Catalogue raisonné des lithographies, 1930-1981, 6 vol. éd. Maeght, Paris. Catalogue raisonné des peintures, 1908-1975, 5 vol. éd. Lelong, Paris.