Fiche de présentation

ERNST, Max,

né le 12 avril 1891 à Brühl, près de Cologne, Allemagne, fils d'un peintre amateur; 1909-1911, philosophie à l'université de Bonn, et suit des cours de psychiatrie dans une clinique pour malades mentaux; 1914-1916, mobilisé sur le front de l'Ouest, blessé; 116-1917, sur le front de l'Est; sur l'Yser; 1918, épouse Louise Amelie Strass, historienne de l'art; 1919, participe à Dada*; 1922, s'installe à Paris; 1925, découvre, le 10 avril, le " frottage ", équivalent en peinture de l'écriture automatique*; 1927, épouse Marie-Berthe Aurenche, qui deviendra la compagne de Soutine*; 1936, adopte la décalcomanie inventée par Dominguez*; 1938, vit avec Leonora Carrington*; 1939, interné en septembre aux Miles, en tant que citoyen étranger; 1941, arrive à New York, le 1er juillet; épouse Peggy Guggenheim*; 1942, rencontre le peintre Dorothea Tanning*; 1946, l'épouse; 1948, naturalisation américaine dont il est privé comme suite au Maccarthysme en tant que citoyen d'origine ennemie;1949, revient à Paris; 1954, exclu du mouvement surréaliste* pour avoir accepté le grand prix de peinture de la Biennale de Venise; 1958, naturalisé français; 1975, frappé d'hémiplégie; 1976, meurt le 1er avril à Paris.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre - Sculpteur

Présentation : Il peint quelques années sous l'influence de l'expressionnisme* germanique et spécialement de Kandinsky*, Rue à Paris, (1912, KBo), des maîtres allemands du XVIe, Crucifixion, (1913, MLK), du cubisme*, Laon, (1916, MLK) ou de l'expressionnisme* slave qui marque Campendonck*, Ville aux animaux, (1919, SMG), et aussi sous l'influence de De Chirico*, Aquis submersus, (1919, SGF).
L'année 1917, il réalise des aquarelles aiguës par le graphisme géométrisé et par le chromatisme vif, à dominante bleue et rouge ; ce sont des poissons à la nage horizontale chez lesquels l'oeil rond marque la première prégnance de cet organe dans l'oeuvre. Petit à petit, celle-ci s'est libérée de son encombrement et la vertu du vide apparaît en même temps que les motifs surréalistes. Avec Dada* dès 1919, La Bonne poignée de moi pour Tristan Tzara, (bibliothèque Doucet, Paris) simple empreinte de sa main ou Petite Machine construite par Minimar Dadamar en personne, (1919) et encore Le Couple, (1923). Hors norme La Mer, (1925), croisement de deux bandes bleues nuit sur noir.
Il invente ainsi le collage* figuratif, en modifiant les éléments préexistants ou en assemblant des fragments de gravures ou de photographie, il photographie le tout qui devient l'original, les traces du montage n'étant plus apparentes. Un jour de pluie, à Cologne un catalogue de fournitures scolaires attire son attention, qui l'amène à passer des collages mécanomorphes aux collages narratifs, avec leurs rapprochements issus de l'inconscient. Ayant trouvé dans la bibliothèque du château de Vigorello, près de Plaisance, des illustrés français en noir et blanc du XIXe siècle, il s'en saisit et les transforme en 182 collages subtils dans lesquels l'irréalité devient plausible, les parties s'effaçant devant le tout, (1933, Albertum).; cinq exemplaires en seront imprimés en 1934 chez Jeanne Bûcher. Jusqu'en 1934, au moins, il est imagier surréaliste.
De ses collages, il va tirer, à compter de 1921, quand il reprend la peinture, des toiles à la construction insolite; la décoration à l'huile sur plâtre (transféré par la suite sur toile) de la maison de trois pièces de la maison de Paul et Gala Éluard à Eaubonne; puis des peintures de chevalet, comme L'Éléphant Célèbes, (1924, Tate) ou Oedipus Rex, (1922), aux images méticuleuses, ou tout habillées d'envol baroque, L'Ange du foyer, (1937). Ses images, faites de rapprochements insolites, précèdent les tableaux au surréalisme* de situation : Au Rendez-vous des amis, (1922, MLK), Ein ersten klaren wort, (1923, JD), La Vierge corrigeant l'Enfant-Jésus devant trois témoins, (1926), L'Antipape, (1941, FPG), Le Jardin de la France, (1962, MNAM). Le surréalisme et la peinture, (1942, DMCH) crée des formes zoomorphes molles, l'année de sa rencontre avec Dorothea Tanning, et celle-ci les exploite, bien plus tard, pour des sculptures en tissu. Il lui arrive même, en 1968, de signer, en trois exemplaires, le simple agrandissement de gravures du second Empire, comme pour en souligner la dérision.
C'est la découverte du frottage qui lui fait dissoudre la réalité, Deux Jeunes Filles nues, (1926, MAMS). S'il incarne le surréalisme, c'est pour avoir sans cesse renouvelé sa propre inspiration et pour avoir usé de nouvelles techniques comme le collage de magazines découpés, le frottage, " inventé " à l'Hôtel de France, aujourd'hui " Relais Saint-Gilles ", à Pornic, où un parquet d'autrefois frotté au travers du papier sert à réaliser les bois calcinés, la décalcomanie empruntée à Dominguez*, c'est-à-dire de la gouache pressée entre deux feuilles de papier, ou enfin, en 1942, le dripping*, déjà employé par Hoffman* en 1940 et par Pollock* en 1937.
 Il n'est pas possible de déterminer une ligne d'évolution pour qui pratique d'emblée les genres les plus différents, dans la fidélité aux surréalismes. Mais on peut dessiner une thématique diachronique et remarquer qu'il maîtrise aussi bien la facture classique des forêts et des villes que la facture baroque des envols de trophées. Avant tout, il y a le thème de l'oiseau, son fétiche, son totem, qu'il baptise Loplop ; on le voit déjà apparaître dans Chapeau à la main, Chapeau à la tête, (1913), avec son oeil rond et mort; on le retrouve dans Les hommes ne comprendront jamais, (1925), Looplop, Bird Superior, (1929, MAMChi) et, cinquante ans plus tard, dans Quelques animaux dont un illettré, (1973). Greffé sur lui, on a le thème du soleil qui ne fait que reprendre l'oeil de l'oiseau; il est implicite dans Le Rendez-vous des amis, (1922) et tout à fait explicite dans Les Poissons noctambules, (1974).
Il y a le thème de la forêt calcinée qui apparaît, ébauché, dans La Petite fistule lacrymale qui dit tic-tac, (1920, MoMA), dans Forêt, (1925), dans La Dernière Forêt, (1960-1970, MNAM). Cette forêt abattue et restructurée fournit le thème de la vile, La Ville pétrifiée, (1933, CAGM) ou Le Chant tordu de la terre, (1960, DMCH), encore et toujours marqué du cercle, peut être soleil éteint, peut-être oeil allumé. Il y a aussi les silhouettes déchiquetées, minéralo-végétalo-morphes, zoomorphes, anthropomorphes, flottant à contre-jour sur un fond nu, Mariée du vent, (1926), Enfant, cheval et serpent, (1927, MAG), huit grands panneaux assemblés (3 x 4,50 m chaque), Vanderhilt, (1934, KZ), peints à l'origine pour le bar du Corso à Zurich, Totem et Tabou, (1941). Ces silhouettes se font parfois plus gracieuses, moins tragiques, la couleur s'y mêlant, et le trait rappelant parfois la courbe ingresque de Picasso* ou de Matisse*, Une nuit d'amour, (1927) ou L'Ange du foyer, (1937). Proche de cette inspiration, sinon de cette facture, il y a les jungles vénéneuses, La Joie de vivre, (1936) ou La Nature à l'aurore, Anémones de mer, (1938). Dans la ligne des compositions déchiquetées, on peut aussi inscrire les fleurs déployant leurs corolles vénéneuses, (1926-1927, HGFM), Fleurs de coquillages, (1929, LMK). Une série de toiles est de la même famille, avec des animaux se cachant dans la texture des végétaux, comme Un essaim d'abeilles dans un palais de justice, (1960, DMCH) ou Le Vingtième Siècle, (1955, ibid.). Ce déchiquetage est l'équivalent à l'huile des frottages aux crayons : même apparence des pleins alternant avec les vides, et même résultante d'éclairage. On suit les dénivellations d'une éponge avec ses creux entourant ses aspérités.
C'est en 1930 qu'apparaissent les figures totémiques qui annoncent Lam*; Loplop présente une Jeune Fille, (1930-1966, MNAM); on les retrouve, devenues plus sculpturales, Design in Nature, (1947, DMCH) ou Le Monde des naïfs, (1965, MNAM). Les cristaux le retiennent, simplement présents ou envahissants, Projet pour un monument à W.C. Fields, (1957), Après le sommeil, (1958, MNAM), Un tissu de mensonges, (1959). Dans leur filiation se situent les tableaux à compartiments, sorte de polyptyque d'un seul tenant, Jour et Nuit, (1941-1942, DMCH). Une interprétation presque abstraite, Nageur aveugle, (1934), le mène à travers un morcellement géométrique du sujet, Vater Rhein, (1953, KBâ) à la non-figuration*, Maternité, étude pour le surréalisme et la peinture, (1942), avec des ellipses griffées que reprendra Hartung*, ou Un nid d'hirondelle, (1966).
La majeure partie de sa production s'inscrit dans une tradition germanique hallucinatoire qui va d'Altdorfer à Fuchs*, mais tandis que celle-là répète le passé, Ernst le métamorphose, refusant une mission de traducteur plastique et lui préférant une mission poétique à base d'inconscient collectif. Il reprend, en 1965, le collage, devenu assemblage de quelques petits objets insolites et emblématiques, sagement rangés sur contreplaqué, La Paix, la guerre et la rose, (1965, DMCH).
Lee Sculpteur :
Il est aussi sculpteur, longtemps méconnu. Sa première oeuvre, Les Amoureux, (1912), est inspirée de l'art nègre et du cubisme* qui l'acclimate. Puis viennent, la même année, des reliefs dada, Fruit d'une longue expérience, (1919), qui ajuste des outils avec la cohérence de leur usage, et notamment la bobine qui va jouer un rôle récurrent dans sa sculpture, comme l'oiseau le fait dans sa peinture. Dans La Montgolfière, (1922), il intervient en plâtre sur tuile, et assure la transition vers des emboîtages anecdotiques et surréalistes, comme Deux enfants sont menacés par un rossignol, (1924, MoMA), tandis que le relief Dadaville, (1923, Tate) répond au thème de la forêt, graphiquement amorcé en 190. Sa sculpture se caractérise par l'élongation, l'aplatissement et l'ajustement décalé d'éléments de bobines. L'élongation d'abord, avec L'Oiseau, (ca. 1924), ou Le Sphynx et la Sirène,(1938), jusqu'à La Plus Belle, (1967,DMCH), dans leur fragilité de totems graciles. La bobine, d' Oedipe I, (1934, KNW) à ses variantes plus cubiques, Corps enseignant pour une école de tueurs, (1967), trois pièces massives comme les sculptures pascutanes. L'aplatissement- qui n'est pas contradictoire avec un certain gonflage -, du carré ou du cercle, de La Belle Allemande, (1934, DMCH) à La Grande Grenouille, (1967-1974, MNAM), en passant par ces sortes de carrés dépliés qui servent de visage à Un ami empressé, (1944, KNW) ou Le Grand Assistant, (1967, MNAM). En 1935, il ramasse des pierres des moraines de Forno dans les Grisons : " Alors, j'ai aidé un peu la nature en interprétant les surfaces curvilignes par des reliefs en prolongeant et en accusant certaines stries "; gigantesques oeufs d'autruche ouvragés. Particulièrement spectaculaire, les sculptures de la série des Rois, Le Roi jouant avec la reine,Le Capricorne, (1944-1954, DMCH) et (1948, MNAM). Techniquement, il assemble, moule, modèle ou pratique la taille directe. Parmi les sculptures, il faut mentionner les décorations de ses multiples maisons, qu'il décore de ses mains, recensées, infra. Il travaille le verre sous l'impulsion de Costantini*.

Expositions : 1919, Dr Sturm*, Berlin ; 1926, Van Leer, Paris ; 1932, Julien Levy, New York, (P) ; 1954,Biennale, Venise.

Rétrospective : 1952, Institute of Contemporary Arts, Londres ; Musée national d'art moderne, Paris  ; 1975, Grand Palais, Paris; 1983, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence.

Musées : 1938, Ses maisons de Saint-Martin d'Ardèche; 1946, de Sedona, Arizona; 1955, d'Huismes. 1968, Fontaines d'Amboise; 1971,  Musée Max Ernst, Brühl, 57 sculptures, la totalité des estampes expressionnistes de 1911 et des lithographies des années 1960-1970.

Citation(s) : Il a dit  
- Quelle est mon occupation préférée? Regarder. La peinture n'est ni amusement décoratif ni interprétation plastique d'une réalité sentie. Elle doit être à chaque coup : invention, découverte, révélation. Ma peinture est une tentative pour éviter de me figer.