Fiche de présentation

DE KOONING, Willem

né le 24 avril 1904 à Rotterdam, Pays-Bas ; 1916, travaille dans une entreprise de décoration à Amsterdam ; 1916-1925, cours du soir aux Arts et techniques de Rotterdam ; 1921-1926, assistant d'un directeur artistique de grand magasin ; 1924, Beaux-Arts de Bruxelles ; 1926, gagne le New Jersey et travaille comme peintre en bâtiment ; 1927, s'installe à New York ; 1930, se lie avec Gorky* ; 1935, travaille pour le Federal Arts Project* ; 1943, épouse Elaine Fried, peintre ; vend sa première toile ; 1948, enseigne au Black Mountain College d'Ashville ; 1955, vit séparé d'Elaine; 1956, s'adonne à l'alcool ; 1962, naturalisé américain ; 1969-1974, sculpte plus qu'il ne peint ; 1980, n'achève que six toiles ; 1983, frappé de la maladie d'Alzheimer ; des assistants travaillent avec lui et sa production s'accélère au point de compter quelque 341 toiles dans la décennie ; 1985, il réalise 63 peintures ; 1986, cesse de pouvoir signer ; 1989, décès d'Elaine ; en septembre, les tribunaux  déclarent son incapacité juridique et nomment une curatelle; 1990, il cesse de peindre ; 1997, meurt le 19 mars à Long Island, New York.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre - Sculpteur

Présentation : Toute sa vie, il mène parallèlement la non-figuration* et la figuration souvent abstraite*, avec un même bonheur de coloriste et une même hâte de graphiste. Dans la veine non-figurative* - de nombreux petits tableaux de 1934 à 1944 ont été détruits -, on voit des arabesques au pinceau fin, Abstraction, (1938), avec bourses et ballons, Elegy, (1939), ichtyforme, Untitle, (1942), Fire Bland (1946) ; tout cela cousine avec Gorky. Parallèlement, une série de figures frontales, Two Men Standing, (1938, MET) ou Standing Men, (1942, WAH), avec les yeux fixes, presque exorbités (comme Gorky encore en fait), révèle l'influence du Picasso* d'un Autoportrait ou de La Famille Soller. Cette fermeté des portraits va se déliter, l'allusion progresser, la frontalité le céder au profil, Seated Man, (1939, HMSW).
Avec Woman, (1940, PMA), Queen of Hearts, (1943, HMSW), Woman, (1944, MET), on entre dans le jardin de la femme. La première hérite du regard perçant, la seconde du relâchement du graphisme, la troisième de la libération de la couleur. À la fin de la décennie, la figure commence à disparaître au profit du trait apparemment anarchique, Woman, (1949, University of North Caroline). Tout l'oeuvre sera marqué par cette exubérance, cette destruction du classicisme rigide, l'assomption d'un expressionnisme* batailleur, et, dans ce brouillard formel, deux yeux pointeront. Le peintre s'affronte à la toile, il y jette des coups de pinceau rapides, impulsifs; il travaille par fragments, à l'aide de caches mobiles qu'il déplace.
On est en plein action painting*. L'artiste s'ébroue, lance sa couleur qui gicle, après avoir été pulvérisée de fusain. S'il est figuratif, le sujet sourd de l'informalité; s'il est non-figuratif, tout son art consiste à disperser les coups de brosse et à doser la luminosité des couleurs. La femme est réellement transportée par une excitation orgiaque, faunesque ; le visage sardonique, les yeux en amande, les seins en calebasses, elle apparaît avec sa silhouette agitée, sauvage, agressive, déchaînée, idole d'un monde originaire, produit de la technique à laquelle elle s'assimile; la couleur est au diapason, rarement franche, le plus souvent souillée, Woman 1, (1950-1952, MoMA), Femme, (1952, MNAM), Woman and Bycicle, (1952-1953, Whitney). Cette peinture turbulente, écho de l'angoisse des temps (celui de son arrivée à New York ou celui des années d'après guerre), ce mixage réussi entre abstraction* lyrique et figuration expressionniste en fait le précurseur des Nouveaux fauves*, lui, le contemporain de Cobra*. Simultanément, il y a les " peintures positives ", des abstractions sexuées et colorées, Judgement Day, (1946, MET), d'autres en blanc et noir. Painting, (1948, MoMA), pour la dominante noire, et Attic, (1949, MoMA), pour la dominante blanche. Elles vont de 1946 à 1950; elles sont lettres, signes, formes, Zurich, (1947, HIR.), ou Excavation, (1950, AIC).

 Il y aura une nouvelle série analogue de 1959 à 1960. La série des " paysages abstraits " (évocation de New York, la ville abstraite par excellence) va de 1955 à 1963, Mountauk Highway, (1958, LACMA), Door to the River, (1960, WM). Les mêmes embrèvements, chez Soulages*, en 1953, sont plus mesurés et chez Kline*, en 1957, plus hésitants ; mais surtout, l'un et l'autre n'usent que du noir et blanc. De Kooning les revoit par la couleur. Les tons tendres roses ou gris perlés, confèrent à ces toiles une atmosphère de XVIIIe français ; les bleus Nattier, les jaunes dorés appliqués en vastes coups de brosse se dérobent à l'expressionnisme par le bonheur des couleurs. Vers 1959, il pratique des collages sui generis : il compose sa toile de coupures d'études, en les réorganisant avant de es peindre.

La femme le ressaisit en 1963 (il l'avait un peu délaissée depuis dix ans) ; mais alors que sa manière d'autrefois était issue d'un cubisme* analytique, aujourd'hui, c'est d'un pinceau lyrique qu'il s'en occupe ; on est en plein baroque, le tourbillon est toujours aussi effréné, mais le trait est souple et non plus cassé ; la couleur dominante est celle de la chair, parfois agressive, comme sur un étal, Woman, Sag Harbor, (1964), vieille putain bariolée, jambes en l'air, ou Woman Singing II, (1966, Tate).
La forme le cède de plus en plus à l'assemblage dense de couleurs et à la non-figuration, Rosy Fingered Dawn at Louise Point, (1963, SMA) illustre les vers d'Homère parlant de l'aurore aux doigts de rose, Untitled IX, (1975, SMA), Untitled VI, (1981). C'est la joie qui domine, exprimée sans référence biomorphe, par le seul chromatisme luxuriant. Il s'inspire de paysages marins ou ruraux, North Atlantic Light, (1977, SMA) ou Whose Name Was Writ in Water, (1975, SGM). Au début des années 80, il allège considérablement son graphisme et ne signe plus ses toiles : de gros traits de couleur ondulent sur des fonds multicolores, en arabesques graves, grattées, Pirate Untitled II, (1981, MoMA). 1982 est généralement considéré comme la dernière année importante. A tort.

Au-delà, ce  sont serpentins doublés de couleurs tassées, des filaments de trois couleurs seulement, se déployant dans le vide, ossatures de paysages ou d'anatomies,  Untitled, III, (1982, MOMA). On veut cependant démontrer, vidéo* à l'appui, qu'il continue à peindre " dans un style proche du Matisse* de La Danse, mais on ne reconnaît pas l'importance de la collaboration apportée par ses assistants, No Title, (1987, fondation DeKooning).  Un triptyque, destiné à l'autel de l'église St. Pierre à Manhattan, et refusé, daté de 1985.

De 1969 à 1974, il est aussi sculpteur, de la technique de Rodin, par ajout, du style de Boccioni*, The Clam Digger, (1972, MNAM) ou Seated Figre on a Beach, (1972, Tate). Il crée aussi bien du minuscule que du monumental, mais sa sculpture est baroque, à l'égal de sa peinture, boursouflée par l'action des mains ; on y retrouve la figure au-delà de l'amas informel, Large Torso, (1974, MMS).

Expositions : 1948, Charles Egan, New York, (P) ; 1995, Musée d'Art moderne, San Francisco, (P).

Rétrospective : Smith College of Art, Northampton; 1968, Stedelijk Museum, Amsterdam; Tate, Londres; 1969, Museum of Modern Art, New York; 1975, Gal. des arts, Paris; 1984, Musée national d'art moderne, Paris; 1994, National Gallery, Washington; Metropolitan, New York; 1995, Tate, Londres ; 2011, MoMA, New York.

Musées : Stedelijk Museum, Amsterdam. Fondation Willem De Kooning, New York.

Citation(s) : Il a dit :
- Flesh is the reason on oil painting was invented. I am glad that it is about impossible to get away from his influence. As long as I keep it within myself, I'll be doing allright. In Genesis it is said that in the beginning was the void and God acted upon it. For an artist that is clear enough [...] One is utterly lost in space forever. You can float in it, fly in it, suspend in it and today it seems, to tremble in it, is maybe the best. (1949).
- I always seem to be wrapped inthe melodrama of vulgarity. (1951).
- I want to know where she is (...) I am painting a woman on a flat surface trying to make her believable with no reference to anything. It is for me a problem to solve. (1951, à propos de Women I.)
- You have to keep on the very edge of something, all the time, or the picture dies. (1978).
On a dit :
- L'art en soi, c'est la partie éternellement muette dont on peut parler éternellement " (Gorky).
- Il est le plus grand, le plus doué, le plus authentique point final de la peinture moderne et le point initial de l'art pompier qui est celui de l'avenir. (Salvador Dalí).
-The last two years of De Kooning's production were by the hand, but not the mind of the artist. (Garry Garels).
-  Sa main bouge aussi rapidement que celle d'un PDG signant son courrier. (Tom Hess).
-  C'est un art de la convulsion [...], une affirmation faisant apparaître les autres comme trop lents ou simplement déprimés. (Philippe Sollers).