Fiche de présentation

KIEFER, Anselm

né le 8 mars 1945 à Donaueschingen, Rhénanie-Wurtemberg, Allemagne, dans les sous-sols d'un hôpital bombardé ; 1962, séjourne à Paris ; 1965-1970, Droit et lettres françaises à Fribourg-en-Brisgau ; Beaux-Arts de Karlsruhe, chez Horst Antès*; 1970-1972, Beaux-Arts, Düsseldorf chez Beuys*; vit à Buchen-Odenwald, Allemagne ; 1992, s'installe à Barjac, Gard, y possède 52 bâtiments  et y fait creuser des galeries dans la colline ; vit à Paris et à Croissy, Seine-et-Marne.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre - Sculpteur

Présentation : Après s'être signalé en 1969, par des performances provocatrices tendant à mettre au grand jour la période nazie, occultée, il affirme un symbolisme tête coupée veillant sur champ parsemé d'épines, Landscape, (1970, MoMA).
Avec constance, dès 1973, il se consacre à la résurrection de la figuration expressionniste*, dans la suite du romantisme allemand, Resurrexit, (1973), Opération Lion, (1974, KBo). ll veut montrer et il veut dire. Il veut à ce point dire qu'il martèle ses toiles de titres en pleine pâte ou d'inscriptions épigraphiques. Il est à ce point expressionniste qu'il refuse toute tache claire, n'employant qu'une palette de noirs et d'ocres, plus rarement de bleus nuit et de grenats.
Il affectionne la frontalité et la belle ordonnance de la construction : la perspective est face au spectateur et se déploie également à sa gauche et à sa droite dans une construction rigoureusement symétrique. Une prédilection pour le bois s'affirme dans des oeuvres qui sourdent l'angoisse de la claustration, Notung, (1973, BvB) ou Parsifal II, (1973, KZ, et Tate), l'enfermement dans le chalet de rondins est total, ou dans la cathédrale romane, Voûtes, (1983, KBo). Le délabrement d'une salle de Tempelhof,  (2011). On ne peut y voir une allusion politique en même temps qu'une affirmation plastique.
À compter de 1974 et jusqu'en 1979, le thème de la palette, incorporée à la toile, en transparence ou la frappant, ou encore la grande aux dimensions mêmes du tableau, Controverse du peintre, (1977-1978) rappelle que l'artiste ne cesse de penser la peinture, Resumptio, (1974) ou L'Atelier du peintre, (1979). Au bois s'ajoutent les tombes, les paysages de terre brûlée, organisés symétriquement des deux côtés d'un chemin qui s'enfonce, Les Landes de la marche, (1974, VAbbe), ou Voies : sables de Brandebourg, (1980, Saat.). La hantise de la forêt va se conjuguer avec des motifs wagnériens, les thèmes du romantisme allemand, de la Prusse, voire du nazisme, Tombeau d'Alaric, (1975, SANG et LMK), Varus, (1976, VAbbe).
Le panthéon germanique dans les compositions de Voie II, (1977, LMK), honore par portraits les grands penseurs allemands, perdus dans la broussaille noire et blanche. Les Maîtres chanteurs, (1981-1982) ou Cheveux de cendre et cheveux d'or, (1981) incorporent la paille à des paysages fuyant, aux sillons bien tracés ou à des maelströms de poignées numéroté. Le Chant de Wyland avec aigle, (1982, Saat.) recourt au même prétexte de la légende pour traduire l'angoisse de la terre. En 1982-1983, l'inspiration est celle de l'architecture du IIIe Reich, soit vue de l'extérieur, soit contemplée dans la frontalité intérieure dans son enfermement; c'est le temple qui déploie sol, plafond et murs avec le rythme des pilastres bruns et beiges alternés, Le Peintre inconnu, (1982, MOMA), aquarelle et graphite, ou To the Supreme Being, (1983, MNAM, à la perspective monumental sans issue.
À l'opposé, mais toujours dans les mêmes dimensions énormes et le même style expressionniste, de vastes paysages ruraux ou urbains dont le relief est traduit par celui-là même de la peinture, Inflammation, Lilith, (1988, Tate), avec sa fuite des rues de São Paulo, vues du centre haut, en éventail.
A la fin des années 1980, il renouvelle le matériau et adopte les feuilles de plomb qu'il marie avec la photo noir et blanc, positifs ou négatifs surexposés pour obtenir le même effet de zinc. Informel, A.D. (1989, MOMA), craie et viscères ou figuratif, quand le plomb replié sert de premier plan, rideaux théâtraux s'ouvrant sur le portrait de quelque Sissi ou premier plan de ronces découvrant un massif de fougères. Il fabrique des livres dans lesquels les feuilles de plomb (et ensuite les feuilles peintes), et les planches photographiques, non-figuratives*, alternent, Naglfar, (1998, SMAK). Lorsqu'il revient à la toile, ll continue sa célébration de la mort : corps allongés surmontés du poids du monde, une généalogie pour Reines de France, (1996), un éparpillement de pistils funèbres pour un tournesol desséché dont les graines noircies sont des larves, Cette obscure clarté qui tombe des étoiles, (1996). Les Robes de mariées, (1999), sont sans illusion, elles portent pour tête une cage emplie de gorets en terre cuite ou une boule de fil de fer barbelé. Il est aussi sculpteur, Bérénice, (1989, MRBABx), grande construction aviforme en verre, zinc et crin, et auteur d'installations*, comme cette Tombe dans les airs, (1990), fusée à l'envers sur débris de terre cuite craquelée et face à un mur de châssis de zinc et de vitres brisées, o Recension, (1991, HB), cette construction d'étagères abritant des in-folio en plomb.
Au début du troisième millénaire, il fixe sur des panneaux noirs, devenus blancs par la tombée de particules neigeuses, des reliefs de végétaux, palmes, branche, épines, passées au blanc ; c'est La Vie secrète des plantes, (2002), dégageant une sensation de pérennité post-mortem. Il rend hommage à Paul Celan avec d'immenses champs enneigés striés de bouts de bois, peints et insérés qui dégagent un sentiment de cruauté, dont La lumière unique, (2006), titré en allemand dans le tableau. Il reprend le thème du livre, aux dix pages d'1,80m. de hauteur, ouvertes et dressées ou pliées et couchées, Nigredo, Rubiero, (2006), entre les pages desquelles se dressent des soleils filés et flétris. Invité au Grand Palais de Paris, il y érige tours et maisons dans lesquelles il dispose ses oeuvres, en hommage une nouvelle fois à Paul Celan et à la poétesse Ingeborg Bachmann, (2007). Hortus Philosophorum, (2011).Il n'utilise pas les couleurs manufacturées, allant jusqu'à laisser ses toiles sous la pluie, à leur jeter acide ou terre et à ne prendre que ce que la nature lui apporte, telle le rouge par la rouille.
On lui doit des érotiques  et un symbolisme de retour à la manière de celui de 1970.
Il faut attendre 2010, pour découvrir ses débuts (1969), contenus dans des cahiers qui comportent en esquisses ses obsessions de toujours, sous forme de dessins, de fleurs séchées, de photographies.

Expositions : 1969, Am Keizerplatz, Karlsruhe ; 1991, Paris, (P) ; 2006, Thaddeus Ropac, Paris, (P).

Rétrospective : 1984, Musée d'Art moderne de la ville, Paris ; 2001, Fondaion Beyeler, Bâle ; 2014, MoMA.

Citation(s) : Il a dit :-Je ne peux pas voir un sens dans le monde. Pour survivre, je cre un sens et c'est mon art.-La conception me fait plaisir mais l'exécution souvent m'ennuie.