Fiche de présentation

JORN, Asger ( Asger Jorgensen, dit )

né le 3 mars 1914 à Verjum, Jutland, Danemark ; à la mort du père, en 1929, la famille s'installe à Silkeborg ; 1930, commence à peindre; 1936-1937, travaille chez Léger* et Le Corbusier*; y noue amitié avec Pierre Wemaere*; 1940-1945, vit au Danemark; 1948-1951, co-fonde Cobra*; 1953-1957, le Mouvement international pour un Bauhaus imaginaire ; 1956, s'installe à Paris; 1957-1961, co-fonde l'Internationale Situationniste*; 1962-1966, l'Institut scandinave de vadalisme comparé ; 1973, meurt le 1er mai à Arhus, d'une tuberculose dont les premiers et graves accès datent de 1951; est enterré à Grötlingbo, île suédoise de la Baltique
signatures : Asger J. ou Jorgensen jusqu'en 1945, et depuis, Jorn.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre - Sculpteur

Présentation : De 1930 à 1934, il commence par une figuration traditionnelle, teintée, sans surprise, d'expressionnisme*, puis de cubisme*, Hoveden, (1935, KSil). On voit apparaître, de 1938 à 1940, l'influence de Léger*, (1937, musée de Vejle), et de Miro*, Composition avec oiseau, (1939, SMKK). Avec Tipule, (1939), c'est le primitivisme d'un graffiti.
En 1940, il s'émancipe, Ulysse, (1940, KSil), thème de l'oiseau, qui sera récurrent, et  ici contorsionné et pathétique. Dans la non-figuration*,'Sans titre, (1940, ibid),  il jette pour la première fois la nasse de résille et d'un motif (à côté d'autres, guilloches, engrenages, spirales, tridents; on revoit régulièrement, des paires d'yeux ; après tout, il s'agit de figuration ou de figurations, même si l'ensemble de la construction paraît, à première vue, absraite. Dans la même veine, avec ses entrelacs légers de puzzle où nichent dans la disjonction des couleurs de fantômes, Titania II, (Louis).
Six toiles de 1941 marquent la rapide évolution de la veine géométrique : ses paires d'yeux sont cryptées dans un buisson de géométries légères à la palette claire, Arstiderne I ; puis, ripoliné, un totem est construit de géométries à angles droits, Arstiderne II ; dans Arstiderne III, la rapidité intervient, le buisson des formes est balayé d'un vent du sud-ouest, tandis qu''Arstiderne IV, revient à un certain hiératisme habité d'yeux inquiétants ; Arstiderne V et 'VI, sont faits de coups de brosse pour des anthropomorphes ovales avec le contraste ombré des lairs et des sombres. Il procède à des peintures additives, dessinant sur papier transparent, transposant sur toile, redessinant sur transparent, et ainsi de suite, Peinture bleue, (1942). Transition par l'art nègre, Les Trois Grâces, (1942, KSil) et Djerba, (1948, KSil), mais surtout retour à la sarabande des géométries aigües et incurvées, acides, multicolores, de touche cézannienne, pointées d'yeux toujours, Sans titre, (1943-1944, Louis), Troll et Oiseaux, (1944, KSil) et Guagana, (1945, ibid). Il se livre à des dessins automatiques, seul ou, après en avoir recopié les lignes de force sur papier transparent, demandant à des tiers de les compléter, (1946). Dès lors, il est le plus munchien* des artistes Cobra, usant d'écheveaux de filaments qui ondulent, de linéaments lovés, The Face of Eart, (1947) ou L'Ivrogne, (1954).
La sauva
gerie animale,  La Lune et les animaux, (1950, Ksil), circonvient l'homme jusqu'à lui imposer sa zoomorphie, Letters to my Son, (1956-1957 Tate). La monstruosité des animaux renoue avec le premier oiseau, celui de 1940 ; la pâte est malaxée, la forme cauchemardesque et fantomatique, les plumes hérissées, l'oeil prédateur. La main qui trace est toujours présente dans les balayages, les coulées informelles qui semblent n'être plus contrôlées : maelströms d'inconscient, jetés sur la toile sans la médiation de la volonté, comme pour exorciser, en les " disant ", les terreurs du monde intérieur. Ces déliements " incohérents ", ces taches " inutiles , ces jeux " informes " veulent faire entendre l'appel sauvage de la couleur, et leur irruption viscérale retentit comme un cri qui ânonne parfois comme un bafouillage ; il s'agit de transgresser, de crier l'équivalent plastique du " Bada " de Vauthier :  Résistance masculine, (1953, KSil.), ou Couple nuptial, (1953), ou encore Le Timide orgueilleux, (1957,Tate) au modelé proche de Redon et Femme du 5 octobre, 1959, MNAM) ainsi que Kyotosmorama, (1970, ibid.).
Décollages, découpés, remaniés, recollés sur un papier de fond, gris ou beige, selon une esthétique instinctive et allusive. Il appelle "peinture de luxe", parce que le pinceau n'intervient pas, une toile peinte au sol, qui se situe entre Riopelle* et Pollock*, Shem the Granhoper. ll surpeint une toile anonyme, Grand baiser au cardinal d'Amérique, (1962). L'informalité est absolue dans Le vent nous emporte, (1970, KSil), la construction est à peine ébauchée, les couleurs éclatent, et le sardonique de la gauche répond au tragique de la droite. La Vachette ouverte, (1970, KSil) cousine avec Cy Twombly*. Il se déchaîne en écheveaux croisés, Structura Figurata, (1972). Enfin, une toile apparaît comme la plus importante de l'artiste, par la durée mise pour son achèvement, par son format (5 x 3,50 m) et par son ambition, Stalingrad, (1957-1972), peint, exposé, repeint, réexposé, retouché et enfin placé dans son musée; il s'agit d'une nébuleuse en gris et blanc, habitée de formes multiples, devinées en sous-impression, permettant plusieurs lectures, dont celle des maisons en ruine avec leurs minuscules ectangles de croisées vides, noires.
Il produit également des céramiques et des sculptures.

Expositions : 1938, Copenhague; 1948, Breteau, Paris; 1990, Ariel, Paris,(P); 2008, Maison du Danemark, Paris, (P) ; 2012, Fondation l'Hermitage, Lausanne, (P).

Rétrospective : 1964, Kunsthalle, Bâle, Stedelijk Museum, Amsterdam et Lousiana, Danemark; 1973, Hanovre, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, et Alborg, Danemark ; 1978, Musée d'Art moderne de la ville, Paris.

Musées : Musée de Silkeborg, auquel Jorn a offert, outre sa collection personnelle provenant des dons de ses amis, des toiles prélevées sur chacune de ses périodes et 800 dessins.