Fiche de présentation

TÉLÉMAQUE, Hervé,

né le 5 novembre 1937 à Port-au-Prince, Haïti ; 1953-1954, École des Roches, Normandie ; 1957-1960, Art Students League, New York ; 1961, fuit le racisme et s'installe à Paris et rencontre André Breton ; 1965, est assimilé, arbitrairement, à la Figuration narrative* ; 1985, naturalisé français.

Type(s) : Artiste

Technique(s) : Peintre - Sculpteur

Présentation : Dans un style personnel, marqué par l'éclatement des formes et la fidélité à la réalité, il traverse trois variantes, le flou, le pop*, l'abstraction.
Très tôt, il préfère griffer qu'appuyer sur le pinceau, L'Annonce faite à Marie, (1959), est recouverte d'un blanc dilué ; Histoire sexuelle, (1959) d"un gris dilué ; Sirène, (1959), est un fondu enchaîné de couleurs, grillagé de traits minces et esquissés, Soutien-gorge, (1960), tohubohu informel et organisé, à dominante rouge et noir. Chaque forme reste d'autant plus secrète que les titres ne permettent aucune élucidation, Toussaint Louverture à New York, (1960, musée de Dôle) ou Vénus hottentote, (1962). L'ensemble,souvent coupé par la canne blanche  de la cécité a des accents surréalistes*, Eclaireur n°2, (1962). Sa période influencée par Gorky* il la clôt avec Le Moine comblé, (2014), éclatant de couleurs pour évoquer et contredire .
De l'approximation chaude, il passe à la dispersion froide d'emprunts à la B.D*, Escale, (1964),  ou à l'imagerie publicitaire, Le Poète rêve sa mort, (1966) ou Convergence, (1966, MSG)., La Large, (1969),  Lorsqu'en 1992, il revient sur cette évolution dans un triptyque La Terre lavée, (1992), il résume sa carrière : à gauche la période floue influencée par la texture d'un Gorky, à droite l'abstraction par métamorphose des formes et au centre, en objet inséré à la Rauschenberg*, une serpillère ; c'est un des Combine Painting* qu'il crée entre 1965-1969, et poursuit, dans une certaine mesure, au delà. La Boîte, (1962), un tableau noir d'école accompagné d'une boîte à papier, des slips découpés dans de l'isorel, c'est-à-dire, perforé de pastilles, Pesanteur, (1967).  D'une certaine informalité donc, il passe à la représentation des objets, et c'est Éclaireur, (1962 ) qui amorce la transition avec ses objets difficilement identifiables qui traversent horizontalement le ciel, pièces perdues de satellite.
A compter de 1964, il adopte le pop auquel il confère sa touche personnelle, proche de la Figuration libre qu'il conteste, Voir elle, (1963), collages de journal, de VPC, peinture précise d'œil, main de publicité, figurine de B.D*, et inscription Buy Télémaque, tous les ingrédient sont posés comme dans My Darling Clementine, (1963, MNAM), ou encore Ciel de lit, (1963, MAMAC), et Carte du tendre, (1963, FMSP), et ainsi jusqu'en 1976, Banania, (Bibliothèque nationale de France), en passant par un pop, froid, plus orthodoxe, Touareg, (1966, Vd'A), lit de camp sur sur tas de sable et l'ombre en trompe-l'œil d'un mouchoir, pendu à une toile dans la toile.
Il abandonne l'huile pour l'acrylique. Dans sa pop-pub, l'objet est net, parfaitement découpé, mis en vedette comme pour un étalage, Le poète rêve sa mort, (1966), Caca-Soleil, (1971), avec un plateau de table frontalisé, aux aliments rejetés sur les bords de la nappe jaune, tandis qu'au centre de celle-ci des ocelles reflètent le soleil.
Avec Le Fouet en campagne, (1973), il aborde la transformation du réel en abstraction et il ne s'en départ plus jusqu'à le rendre énigmatique. La forme du tableau est variable, ronde (1974-1975), pour recentrer les objets et forcer le regard à être circulaire, ovale, carrée, triangulaire en 1977, symbolisant une porte ; le graphisme noir du titre du tableau fait parfois partie intégrante de l'œuvre, Le Propre et le figuré, (1982, MNAM). Objet trivial, objet publicitaire, objet imaginaire, simplifié ou fabriqué, il prête ses à-plats à des couleurs courantes ; il use du trait noir épais pour les cerner non sans exception, puisqu'il accepte d'opposer les couleurs les unes aux autres sans séparation, en fondu.
Dans les années 1970, l'image se complexifie, elle est tracée en recourant à l'épiscope qui la fait éclater et la dispose librement ; les fragments sont embarqués dans un flottement centrifuge, ils sont satellisés, Écho, (1974). La forme se tord sous l'instrument et devient intempérie. C'est le règne de la froideur objectale. Les formes évoluent vers la non-figuration* géométrique, Par le Sang nº 3 avec clefs, (1973, MAMVP) ou La Terre couchée, (1985, MAMVP).
Dans les années 1980, ces géométries, se superposant à des objets parfaitement lisibles, brouillent le tableau pour en faire un rébus : Selle, une leçon d'ombre, (1980), Nil, (1989), bateau pharaonique et felouque tout à la fois, Brise, (1989), une guillotine. Puis viennent les tableaux qui présentent des objets-minéraux, peints comme s'il s'agissait de papiers froissés. Depuis 1973, des papiers découpés habitent l'œuvre et son esquisse sur calque, (1981, MAMVP) ; il joint des inclusions d'objets, Mère Afrique, (1982, FRAC Aquitaine), un fouet collé sépare une photo fanée d'une blanche, son enfant et son chien sous une panneau "White Only", surmontée du calque du premier panneau de ce triptyque dans lequel la même scène est peinte de couleurs vives, brouillée, mais a pivoté à la verticalité ; c'est à nouveau la juxtaposition de plusieurs manières. La perspective est indiquée par d'épaisses bordures noires entre aplats importants et autres accessoires qui encadrent un élément figuratif, Le Colonial, 2009) ou Képi et division, (2011).
Il est parfois "sculpteur", En faisceau, (1968), tipi dont l'armature est faite de cannes d'aveugle, Territoire, (1968, Vd'A), canne blanche, objet souvent repris dans ses peintures par métonymie de l'aveuglement public ou The Love Song, (1994), allusion peut-être aux pirogues d'Indiens chantant. Il montre des sculptures de néon de couleurs, Le Béret du Che, (2005). Dans les années 1990, il traduit le graphisme des huiles en découpage de bois à la scie sauteuse. 1993 et 1994, sont des années durant lesquelles il se sert de la mine de plomb et du fusain. Ses reliefs sont fidèles à son inspiration première mais il l'infléchit dans une direction plus mentale ; le souvenir est encore plus allusif, et sort du marc de café dont il use pour teinter. Ses Âne, (2003), (une dizaine), sont un agglomérat de pièces se détachant sur fond relativement dépouillé, l'un portant une tête comme celle de Plantu* caricaturant le ministre Sarkozy.
Quoique classée par d'aucuns dans la Figuration narrative*, son œuvre contient trop d'ambiguïtés, d'allusions, de métaphores, voire d'ésotérisme pour endosser cette classification.
Sa richesse est de devoir être lue au second degré pour être saisie.

Expositions : 1961, Saint-James Church Gall. New York, (P) ; 1964, Mathias Fels et Hannover Gall., Londres, (P) ; 1965, L'Attico, Rome, (P) 1968, Documenta, Cassel ; 1977, Joan Pratts, Barcelone, (P) ; 1993, institut Français de Port-au-Prince, (P) ; 1994, 2011, Louis Carré, Paris, (P) ; 2008, Figuration narrative, Centre Pompidou, Paris, (G).

Rétrospective : 19736, Arc, Musée d'art moderne de la ville, Paris ; 1995, Electra, Paris ; 1997, Electrica Workshop, Johannesbourg ; 1998, Ivam, Valence, Espagne ; 1999, Centre d'art de Tanlay ; 2005, Musée de la Poste, Paris ; 2015, Centre Pompidou, Paris.

Lieux publics : 1965, La Famille de l'Omo, Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette, Paris, toile d'une longueur de 12,95 m marquant, dans sa non-figuration*, l'avènement de l'homme dans l'espace-temps ; cette toile ayant cessé de plaire, elle est rendue à l'artiste...!  2000, Mur, rue Oberkampf, Paris 11ème.

Citation(s) : Il a dit :
- Les objets ont en eux un sens latent, (...) les objets ont une âme.